Thierry Van Kan, CEO de D’Ieteren Auto.
Journal de l'Automobile. Quelle est aujourd'hui la position de D'Ieteren Auto sur son marché ?
Thierry Van Kan. Nous représentons 20 % du marché belge. Ici, Volkswagen affiche environ 10 % de parts de marché, Audi, 5,5 % de pénétration, Skoda 2,5 % et Seat 2 %. Nous réalisons 10 % de notre volume total en retail en propre. Le reste est réalisé par 300 distributeurs environ qui sont liés par contrat avec nous. Nous avons 150 concessionnaires Volkswagen, 80 Audi, 60 Seat, 60 Skoda, 8 Porsche et un Bentley-Lamborghini.
JA. Comment avez-vous vécu l'année 2008 ?
TVK. En 2007, le marché belge avait établi un nouveau record. De manière assez surprenante, en 2008, nous sommes allés encore plus loin. Notamment grâce à un très bon début d'année et le salon de Bruxelles durant lequel nous avons réalisé beaucoup d'affaires. Paradoxalement, chez D'Ieteren Auto, nous n'avons pas pu profiter pleinement de ce très bon marché car nous n'avions pas assez de véhicules. Chez Audi notamment, où nous avions jusqu'à 8 mois de délai. Après juillet, la crise a commencé a pointé le bout de son nez. Mais notre part de marché en fin d'année est restée stable. C'est la 1re fois depuis 5 ans que notre taux de pénétration n'a pas évolué à la hausse. Nous restions jusque-là sur une croissance annuelle de 0,5 point.
JA. Comment expliquez-vous cette tension sur les livraisons ?
TVK. En termes de prévisions, nous étions tout simplement loin du compte ! Personne n'avait prévu ce succès, comme personne n'avait senti la sous-capacité de production d'Audi. Sur cette seule marque, cela nous a coûté presque 3 000 voitures l'an dernier !
JA. Comment vivez-vous l'exercice en cours ?
TVK. En 2009, nous ne sommes pas du tout sur la même évolution. Depuis septembre dernier, chacun s'est montré prudent. Nous avons prévu un marché en recul de 20 % sur le 1er semestre, de 10 % sur le second, pour un résultat final en retrait de 15 %. Mais à la vue des premiers mois, nous sommes légèrement mieux que prévu. Le marché est actuellement à - 15 %. D'Ieteren Auto fait d'ailleurs un peu mieux que le marché puisque nous sommes actuellement à 20,03 % de parts de marché depuis le début d'année.
JA. Un groupe qui immatricule 120 000 véhicules par an a forcément eu des problèmes de sur-stockage en fin d'année dernière. Comment avez-vous réagi ?
TVK. Nous avons vu la crise arriver. Nous avons donc mis en place une grande opération de destockage dès janvier, afin de nous adapter. Cette politique nous a permis, en trois mois, d'écouler environ 1 mois de stock en trop. Aujourd'hui, notre niveau de stock correspond à un marché en recul de 15 %.
JA. D'Ieteren Auto est donc en marge de tous ces soubresauts ?
TVK. L'impact de cette crise est véritable. D'abord, nous souffrons à cause du crédit qui coûte plus cher. Ce qui est compliqué quand vous possédait un parc de 24 000 véhicules en fleet. Ensuite, nous avons dû déstocker en faisant d'importantes promotions. N'oublions pas que le véhicule d'occasion souffre également beaucoup. Depuis quelques mois, le prix moyen de la transaction a baissé de 5 % et cette guerre des prix va sans doute encore durer un certain temps.
JA. Quel regard portez-vous sur les mesures successivement mises en place par le gouvernement français et leur incidence sur le marché et le mix des véhicules vendus ?
TVK. C'est une bonne chose car c'est une belle manière de rajeunir le parc et de ne pas le faire grandir artificiellement car les voitures sont vraiment détruites, mais cela implique malgré tout un léger déplacement des ventes.
JA. Les mesures belges ont-elles entraîné pareille mutation de mix dans vos affaires ?
TVK. En Belgique, le gouvernement ne semble pas avoir d'argent pour mettre en place une prime à la casse. Fort heureusement pour nous, il existe des initiatives régionales. A ce niveau, la Flandre offre moins que la Wallonie. Ce sont des offres dégressives fixées sur les émissions de CO2 qui vont jusqu'à 1 500 euros. Même chose pour les entreprises. Les véhicules sont plus ou moins fiscalement déductibles en fonction d'une norme CO2. L'influence sur le mix est modérée car ces voitures font partie du package de rémunération. (En Belgique, 50 % des VN vendus le sont à société). En Volkswagen, nous souffrons car les motorisations ne sont aujourd'hui pas propices à la déductibilité fiscale des entreprises. Nous n'avons en effet que des moteurs 2 l. Nous attendons donc beaucoup des nouveaux blocs 1,6 l Diesel (sortis début juin) et plus tard en 1,2 l.
JA. On a l'impression qu'un distributeur ne peut plus gagner sa vie ? Est-ce le cas ?
TVK. Je pense qu'il y a encore moyen de vivre de la distribution. Surtout quand on est un bon commerçant. Il est vrai que cette année, beaucoup d'acteurs économiques ne feront pas de bénéfices, mais chez nous, la donne est un peu différente. En Belgique, les marges sont historiquement basses. La philosophie du groupe D'Ieteren Auto est de garder un coût de distribution le plus bas possible en préservant des structures de distribution moyennes. Nous ne voulons pas de trop grands acteurs. Pour vendre, nous devons avoir des agences sur les petites villes. Il nous faut un réseau d'une densité importante. Ce sont donc majoritairement des structures familiales qui travaillent avec nous. Elles sont plus flexibles et plus proches du client. Par exemple, le distributeur le plus important ne possède que 7 points de vente et écoule 3 500 véhicules par an. Je crois en ces structures. Mais cela ne peut se faire sans l'assistance de l'importateur. Nous prenons en charge par exemple la quasi-totalité des dépenses marketing, une très grande partie de l'informatique, puis certains investissements bâtiment de notre réseau. Au fond, nous sommes peut-être un peu plus franchiseur qu'en France. C'est aussi comme ça que les marges sont moins importantes. Finalement, en représentant nos marques sur la région bruxelloise, nous sommes notre plus grand distributeur, mais nous sommes aussi celui qui est moins profitable.
JA. Comment se porte donc le réseau du groupe ?
TVK. Sur 300 distributeurs, certains marchent toujours mieux que d'autres. Surtout en des temps difficiles et parce que nous avons effectivement demandé beaucoup d'investissements, notamment pour séparer les marques ces cinq dernières années. Malgré tout, une récente étude a montré que, si nos distributeurs avaient des chiffres d'affaires et des niveaux de marges moyens, ils affichaient une profitabilité de plus ou moins 1 % du chiffre d'affaires.
JA. Dans une période comme celle que nous vivons, n'avez-vous pas eu la tentation de vous tourner sur les seules activités profitables ?
TVK. Notre retail en propre n'est en effet pas notre activité la plus rentable. Avant, nous avions des sites dans toutes les grandes villes de Belgique. Mais nous avons préféré "franchiser" car les petits opérateurs sont plus flexibles. Et puis nos employés coûtent plus cher que ceux des indépendants, car syndicalisés, car grande ville. A Bruxelles, nous avons en outre de grands garages en centre-ville. Nous pourrions rentabiliser ce foncier en faisant de l'immobilier, mais il faut savoir ce que l'on veut. Nous, nous voulons rester dans l'automobile.
JA. Quelles ont justement été les mesures du groupe pour passer ces moments difficiles ?
TVK. Nous avons fait le pari de passer cette crise sans faire de plan social mais en compensant nos pertes de volumes ou de marges par de gros efforts sur nos frais généraux. Nous tentons de les baisser de 10 %. C'est une chasse qui n'est pas évidente à mener. Mais nous le faisons pour préserver l'emploi et ainsi saisir les places qui seront à prendre sur le marché.
JA. On a souvent tendance à dire que les grands groupes sont des ogres financiers. Quand on est un distributeur aussi marqué par l'histoire d'une famille, comment est-ce qu'on concilie l'humain et le nécessaire besoin de process, souvent déshumanisants ?
TVK. Nous avons une double posture. D'abord, nous faisons partie de la famille Volkswagen. Le constructeur qui est sans doute dans la meilleure posture au monde et qui garde sa volonté d'expansion malgré les difficultés. Mais nous sommes également une entreprise à caractère familial. Une société qui a le souci de penser aussi bien au long qu'au court terme. Le groupe D'Ieteren a toujours fait de la pérennité sa priorité, comme le font d'ailleurs souvent les entreprises familiales. Au fond, nous sommes une grande PME. Nous avons une relation très familiale avec nos concessionnaires. J'en connais une bonne partie par leur prénom. Ce n'est pas toujours de "l'amour", mais c'est de la confiance. Nous sommes là pour les aider et non pour les exploiter. C'est un partenariat. Je tiens beaucoup à ce côté dynamique et à cette proximité.
JA. Un exemple de ce dynamisme ?
TVK. A Louvain, près de Bruxelles, nous avons notamment un centre de formation pour les employés du groupe et du réseau. Mais ce n'est pas tout. C'est un complexe énorme avec notre magasin central de pièces de rechange, notre siège de D'Ieteren Lease, puis ce que nous nommons notre "Contact center" avec 300 véhicules disponibles à l'essai. Chaque distributeur peut y envoyer des clients intéressés pour faire des tests. Chaque année, nous accueillons 75 000 visiteurs dans ce grand showroom et 25 000 essais sont ainsi réalisés. Et ça fait 25 ans que ça dure. C'était unique quand nous l'avons créé. Aujourd'hui, c'est en passe de devenir un standard d'investissement chez Volkswagen. Une autre initiative à succès, c'est par exemple notre travail sur le véhicule d'occasion. En 2001, nous avons créé deux centres MyWay. A l'époque, nous tentions de développer Internet et trouver la meilleure solution pour recommercialiser nos buy-backs. Chaque internaute pouvait ainsi configurer son véhicule en ligne et venir le voir dans l'un de nos trois grands centres "MyWay". Désormais, nous avons franchisé et affichons 80 affiliés en Belgique. Tous, sont reliés à notre site Internet commun. Grâce à cela, nous vendons désormais 70 % des VO en Belgique alors qu'auparavant, la plus grande partie était exportée.
FOCUSD'Ieteren en Bref • Date de création : 1805 |
FOCUSD'Ieteren Auto en Bref • Nom des principales divisions : |
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