Stocks : mort à crédit
Entre la lettre envoyée en grande pompe aux constructeurs et le résultat de son désormais traditionnel baromètre trimestriel, le CNPA aura su attirer les projecteurs. Il aura surtout réussi à soulever de nombreuses questions, notamment sur l’actuel état de santé des réseaux de distribution. “Nous sommes ainsi saisis par un nombre croissant de nos collègues, qui craignent de ne pas pouvoir faire face à leurs échéances de trésorerie au cours des mois d’été”, a effectivement écrit dans sa missive Olivier Lamirault, représentant de la branche concessionnaires du CNPA. Alarmiste, il rappelle ensuite que, selon les informations du CNPA, “la rentabilité moyenne des distributeurs français à fin mai est négative”. “Je suis entièrement d’accord avec ce message d’alerte, commente Emmanuel Hacquart, président du groupement des concessionnaires Renault de la région Est. Je regrette simplement l’ampleur qu’ont pris les événements, car il y a un risque que les banquiers s’inquiètent encore plus de notre situation.”
En novembre dernier, le CNPA avait déjà tenté d’attirer l’attention. Sans succès. Six mois plus tard, il semble que la situation ne se soit pas améliorée et que les “plans d’enlèvement” se soient multipliés, touchant toutes les marques ou presque. Certains évoquent du “chantage”, d’autres parlent de “pressions partenariales”. En réalité, le phénomène n’est pas vécu partout pareil. “En mai 2011, à la suite des catastrophes survenues au Japon, Citroën nous avait demandé de surstocker. Aujourd’hui, nous trouvons encore des véhicules de cette campagne sur les parcs”, témoigne un distributeur. “Nous avons un niveau légèrement supérieur à la moyenne”, concède, sans s’offusquer, Gérard Grau, président du groupement des concessionnaires Citroën. Les produits en parc depuis plus de 180 jours représenteraient moins de 4 % du total.
“Période inédite et historique”
“Chez Nissan, ils estiment que les distributeurs ont en moyenne 2,5 mois d’activité en stock. Nous tablons sur un peu moins de 4 mois, réagit Emmanuel Hacquart, justement Concessionnaire de l’Année 2010 du Journal de l’Automobile avec la marque japonaise. Dans les affaires Renault, nous avons 15 à 18 % du contrat, contre 10 à 12 % en temps normal.” Récemment questionnés à ce sujet, des concessionnaires BMW avaient globalement défendu leur marque, tout en admettant rencontrer des difficultés, notamment sur les Série 1 et Série 3 dont les débuts commerciaux seraient poussifs, d’après leurs dires.
Si les constructeurs n’ont pas officiellement ouvert la porte au débat après la première lettre, ils ne sont néanmoins pas restés inactifs. “Ford Europe a pris la mesure de la situation et a réajusté son outil industriel. Ils ont baissé de 100 000 unités les cadences, salue Pierre Jallu-Berthier, le président du groupement des concessionnaires français. Il y a eu des soucis, certes, mais ils sont en train de se résorber.” Honda, qui produit à Swindon, en Angleterre, a joué autrement en supportant cette hausse de stock. Les répercussions sur son réseau ont donc été “raisonnables”, jugeait Fabrice Estève, directeur marketing France, à l’occasion de l’avant-première du CR-V. Une politique qui s’est accompagnée, sur le mois de juin, d’une campagne promotionnelle.
“Nous ne pouvons pas éternellement avoir recours aux aides commerciales car cela rogne les marges, dans un contexte où nous ne gagnons plus d’argent sur la vente des véhicules”, prévient toutefois Jean-Paul Bailly, président du CNPA. Et Olivier Lamirault de rebondir : “Nous vivons une période inédite et historique, car jamais les trois métiers de la concession n’ont été négatifs simultanément.” D’où cet appel d’urgence.
Le rôle des captives
Au travers de son baromètre, le CNPA fait clairement état de cet embarras. Partant d’une base 100 qui serait le 1er trimestre 2008, les stocks sont, à fin juin, à indice 110 pour le VN et à indice 102 pour le VO. Ce second trimestre 2012 est, en outre, le cinquième consécutif à s’inscrire en négatif en termes de chiffre d’affaires du commerce et de la réparation (VP et VUL), à - 4,5 %. L’onde de choc est telle qu’elle fait vaciller la confiance des professionnels. Au deuxième trimestre, 62 % des sondés jugent que les marges commerciales VN évolueront à la baisse, contre 4 % qui entrevoient un regain et 34 % une stabilité. A l’atelier, l’écart d’opinion est moindre, mais conséquent tout de même avec 13 % d’optimistes contre 49 % de pessimistes et 38 % de “marges stables”.
Dans l’éventualité de la création d’un groupe de réflexion que réclameraient les distributeurs ? “Nous voulons que les constructeurs s’engagent à ne pas dégrader nos bilans annuels par des infusions à l’automne, énonce Emmanuel Hacquart. Ensuite, nous souhaiterions un minima de 120 à 180 jours de portage.” Une revendication qui interpellera les captives financières. Reste à savoir si, dans le contexte de crise que nous connaissons, elles ont encore les reins assez solides pour supporter de telles charges. Une chose est claire, les réseaux sont au bord de la rupture et les marques aux perspectives les plus floues pourraient en pâtir.
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