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Distribution

Seyssinet Alpes Auto : l’esprit gaulois au cœur des montagnes

Publié le 27 octobre 2025

Par Christophe Bourgeois
9 min de lecture
En 1985, Joseph Dusserre ose miser sur Santana, une marque alors inconnue. Quarante ans plus tard, la concession, reprise par son fils, est le meilleur distributeur indépendant Suzuki de France. Une saga alpine où liberté et indépendance sont devenues la marque de fabrique.
Seyssinet Alpes Auto Suzuki
Seyssinet Alpes Auto couvre une part de marché sur son territoire deux fois supérieure à la moyenne française de Suzuki. ©Suzuki France

"Je n’ai jamais eu un pa­tron au‑dessus de moi. Ou peut‑être mon père, quand j’ai commencé à travailler." Jo­seph Dusserre est un homme libre. Quittant les Hautes‑Alpes au milieu des années 80 après avoir travaillé comme agent Renault, une agence fondée par son père qui était passé du machinisme agricole à la voi­ture, il décide de monter un garage à Grenoble (38) sur les conseils de son beau‑père, concessionnaire Toyota dans la même ville. "Il y a une nou­velle marque de 4 x 4 qui veut s’ins­taller ici, tu devrais la prendre", lui glisse‑t‑il.

 

Cette nouvelle enseigne, c’est Santana, une marque espagnole qui produisait sous licence des pe­tits 4 x 4 Suzuki à une époque où les constructeurs japonais étaient soumis aux quotas d’importation. Joseph Dusserre s’installe avec sa femme Christine sur un terrain en face du site de son beau‑père et lance son affaire. Une affaire qui fête cette année ses quarante ans et qui est di­rigée depuis 2018 par Laurent Dus­serre, bien que Joseph soit encore bien présent. "Que voulez‑vous, je suis malade quand je n’ai pas ven­du une voiture au bout de quinze jours !", s’exclame‑t‑il.

 

Pour autant, l’homme n’était pas vraiment destiné à évoluer dans le monde automobile. Dans sa jeu­nesse, il préférait dévaler les pistes à toute vitesse. Skieur hors pair, il a remporté plusieurs compétitions de haut niveau, notamment le titre de vice‑champion d’un challenge militaire.

 

60 voitures au démarrage

 

Bien avant que l’entreprise ne s’ap­pelle Seyssinet Alpes Auto, du nom de la commune où la conces­sion est installée, Joseph Dusserre commercialise donc ses premières voitures. "À l’époque, les 4 x 4 étaient rares, encore plus les pe­tits modèles et j’avais comme seuls concurrents les Lada Niva et les Fiat Panda 4 x 4 qui se vendaient comme des petits pains dans une région comme la nôtre", se rappelle‑t‑il. Mais la marque Santana n’est pas connue, il faut la développer. Le démarrage n’est pas immédiat et sa femme et lui retroussent leurs manches. La première année, ils en vendront 60. Quarante ans plus tard, la concession met à la route près de 450 Suzuki (et 50 Mitsubishi) et ré­alise un chiffre d’affaires de 19 mil­lions d’euros.

 

Laurent Dusserre, directeur général, et Joseph Dusserre, président de Seyssinet Alpes Auto ©Suzuki France

 

En 1992, Suzuki débarque officiel­lement en France, Joseph Dusserre continue naturellement à travailler avec la marque japonaise qui lui a permis de démarrer. À Grenoble et dans tous les massifs qui sur­plombent la ville, ses petits samou­raïs sillonnent les routes en lacets et franchissent les cols. "Nous sommes en pleine période de raids mythiques comme le Paris‑Dakar, le 4 x 4 a le vent en poupe et fait rêver", se rap­pelle Joseph Dusserre.

 

Deux ans auparavant, il s’agrandit et prend la distribution de Porsche et de Mitsubishi. L’aventure s’arrêtera au début du 21e siècle, définitivement pour Porsche, mais Mitsubishi re­viendra dans le hall d’exposition en 2010. "L’arrêt de ces deux marques nous a permis de passer à la vitesse supérieure avec Suzuki et de nous concentrer uniquement sur cette marque", explique Joseph Dusserre.

 

100 % japonais

 

En 2010, Laurent, le fils unique de Joseph, revient du Japon. Lui qui parle parfaitement le japonais et qui est marié avec une Japonaise a passé six ans dans les pièces de vélo et commence à travailler avec son père. C’est d’ailleurs grâce à lui si la concession distribue Mitsubi­shi. "Il est revenu du Japon en me disant qu’il fallait absolument ce panneau", sourit Joseph Dusserre. Depuis, la marque a connu quelques vicissitudes et n’est plus sur le devant de la scène comme elle a pu l’être.

 

 

Il semble, en effet, assez difficile de faire venir des clients pour des vé­hicules très similaires à des Renault Clio ou Captur, d’autant plus que l’ADN de la marque, du moins sur le marché français, est le pick‑up L200, le Pajero et l’Outlander, des modèles parfaitement adaptés aux conditions hivernales et montagneuses de la région. "La transmission intégrale est fortement demandée par nos clients", indique Laurent Dusserre. Alors que ce type de transmissions représente 8 % de part de marché en France et 29 % chez Suzuki, Seyssi­net Alpes Auto commercialise 43 % de ses immatriculations en 4 x 4. Sur certains modèles, c’est même 90 % ou 100 %, comme c’est res­pectivement le cas sur le Vitara et le S‑Cross. "Sur la Swift, nous sommes à une vente sur trois, alors qu’au ni­veau national, la pénétration est de 9 %", poursuit le dirigeant.

 

Une part de marché très forte

 

Et la transmission intégrale n’est pas le seul sujet sur lequel le concession­naire performe et se démarque. Il est, en effet, le plus ancien représentant et le seul distributeur indépendant du réseau Suzuki, avec un seul point de vente, à intégrer le top 10 des concessionnaires de la marque. En région Auvergne‑Rhône‑Alpes, la région la plus importante pour le constructeur japonais, il surperforme. À fin août 2025, Seyssinet Alpes Auto détenait une part de marché de 2,69 %, alors que celle de Suzuki au niveau national est de 1,2 %.

 

Si cette pénétration n’est pas la plus importante de la région, le re­cord étant battu par Mau­rin, le groupe de distribution qui possède une concession à Albertville (73) avec 5,06 %, elle est exceptionnelle en volume. Car, toujours sur la même période, Seyssinet Alpes Auto a commercialisé 282 voitures, contre 92 pour le site d’Albertville. "Nous sommes présents sur tout le sud du département, qui est une zone très vaste, avec les massifs du Vercors, de la Chartreuse, de Belledonne et de l’Oisans", indique Laurent Dus­serre, le nord étant couvert par deux autres acteurs, Richard Drevet, pré­sent à Vienne (38), et Tunesi Auto­mobiles, également indépendant et distributeur Fiat, à Bourgoin‑Jallieu (38).

 

La concession a un objectif de 450 VN en 2025. ©Suzuki France

 

Sur un territoire aussi large et dont les temps de déplacement sont plus longs qu’en plaine, le garage s’appuie sur des sympathisants, no­tamment des réparateurs multi­marques, situés dans les montagnes ou les vallées. "Ces derniers repré­sentent environ 10 % du volume", estime Laurent Dusserre. Soit une cinquantaine de voitures. "Pour nous rapprocher de nos clients, nous faisons également beaucoup de mar­chés et de foires, ainsi que des expo­sitions dans les centres commer­ciaux, grands lieux de passage de notre clientèle, poursuit‑il. Ce sont des événements qui fonctionnent bien à condition de savoir les ani­mer." Il participe également à la Grande Odyssée, une importante course de chiens de traîneau dont Suzuki est sponsor depuis de très nombreuses années.

 

Village gaulois

 

Autre particularité de la concession grenobloise : son indépendance. Depuis la cession d’un autre ac­teur historique Suzuki en 2023, le groupe Favret en Haute‑Savoie, au groupe Jean Lain Mobilités, Seys­sinet Alpes Auto est entouré par des géants de la distribution que sont Maurin et le groupe piloté par Jean‑Michel Lain.

 

"Nous avons eu effectivement quelques tentatives d’approche, mais nous les avons à chaque fois déclinées", glissent Jo­seph et Laurent Dusserre qui veulent furieusement rester indépendants. "Si un constructeur est juste avec son réseau de distribution, il n’y a aucune difficulté d’être indépendant", sou­ligne Laurent Dusserre. Eux‑mêmes souhaiteraient‑ils s’étendre ? "S’il y a des opportunités, nous les regar­derons", considère‑t‑il, lui qui a déjà été approché par des constructeurs chinois, "dont certains ne sont tou­jours pas arrivés ! ", s’amuse‑t‑il. Il faut dire que le garage n’est pas extensible.

 

Reposant sur une super­ficie de 3 000 m², il se trouve à l’ouest de l’agglomération grenobloise, au pied du massif du Vercors. Si l’em­placement du concessionnaire est idéal pour le commerce automobile, deuxième pôle automobile de la ville, après celui de Fontaine (38), à 5 min en voiture, il reste néanmoins à l’étroit, ce qui l’oblige à s’appuyer sur un autre lieu de stockage et "à être très fort pour garer des voitures dans un mouchoir de poche", sourit Laurent Dusserre.

 

 

Outre sa performance en VN, le distributeur s’appuie sur le VO et sur l’après‑vente. "Nous réalisons entre 220 et 240 véhicules d’occa­sion, principalement de la reprise, car nous avons assez peu de véhicules fournis par le constructeur", indique Laurent Dusserre. Un vivier dû à une clientèle très fidèle qui n’hésite pas à faire également entretenir le véhicule dans la concession. "Nous pratiquons une politique tarifaire très raisonnable", souligne Joseph Dus­serre.

 

Avec un prix de main‑d’oeuvre de 76 euros/h HT, il est effective­ment très compétitif. Une straté­gie payante puisque 80 à 90 % des charges fixes sont prises par l’ate­lier dans lequel travaillent sept per­sonnes. "Nous réalisons en moyenne 20 entrées/jour, précise Laurent Dus­serre en faisant visiter l’après‑vente. Nous disposons d’un parc à 5 ans de 2 500 véhicules."

 

"On ne peut pas avoir une part de marché plus de deux fois supérieure à la moyenne sans travailler le service ", insiste Stéphane Magnin, directeur de l’ac­tivité automobile de Suzuki France, en déplacement sur le site pour fêter ses quarante ans, qui rappelle que "la concession a vendu 2 800 Suzuki depuis le début de la décennie". Une très belle performance.

 

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