Reportage : comment le groupe Macard fait du reconditionnement VO un pilier stratégique

Sur Google Maps, le site n'existe pas encore. La cartographie n'indique qu'un champ. Et lorsque l'on circule sur la départementale qui relie Castelsarrasin à Moissac, au cœur du Tarn-et-Garonne, il faut avoir l'œil averti pour deviner, derrière la concession Peugeot-Opel, le bâtiment qui a été sorti de terre et inauguré à l'été 2024.
Cette structure, la commune de Castelsarrasin la doit au groupe Macard. Le groupe de distribution l'a construite pour héberger son tout premier centre de reconditionnement de voitures d'occasion. Il a fallu pour cela acquérir un terrain de 15 000 m2 et dessiner les plans de deux travées qui couvrent 2 200 m2 d'espace de production. Un chantier au budget approchant 2,9 millions d'euros, notamment en raison de tous les équipements qui rendent l'ensemble très respectueux de l'environnement (50 % d’énergie solaire et 100 % de recyclage de l'eau).
"Nous en avons fait une filiale à part entière qui a été baptisée Prado", nous explique-t-on dès l'arrivée, alors que la façade se dresse sous nos yeux. Un nom qui ne fait pas référence au musée madrilène mais se veut l'anagramme de "Préparation Reconditionnement Automobile Développement Occasion". Il dit tout de l'ambition que nourrit le groupe Macard pour son commerce de voitures d'occasion.
Le GNFA et France Travail dans la boucle
Le projet remonte à plus d’une décennie. Tout ce temps, il a été porté par Jean‑Louis Marty, le président du conseil de surveillance de Macard. Ses successeurs ont concrétisé l'idée. "Cela est parti d'une rencontre aux EMVO, en 2022, raconte Camille Valès, la codirectrice du groupe de distribution. Nous y avons trouvé le partenaire pour nous accompagner", rend-t-elle hommage à Laurent Payrat, le fondateur d'Evok. Le cabinet de conseil à qui Starterre doit aussi son centre de reconditionnement, La Clinique.
Ensemble, ils ont organisé le flux. Et il diffère de ce que l'on observe habituellement. Au Prado, les voitures ne suivent pas un parcours à la chaîne. Après chaque intervention, elles retournent sur la place de stationnement numérotée à l'extérieur du bâtiment qui leur a été attribuée. Jean-Luc Laurens, directeur VO du groupe, l'a souhaité ainsi. "Je ne veux pas d'embouteillages provoqués par une voiture en attente de pièces de rechange ou d'une disponibilité de personnel", motive-t-il son choix.
A ce jour, il se dit satisfait de cette organisation. Le centre de reconditionnement sort quinze voitures d'occasion par jour, du lundi au vendredi. Une cadence qui augmentera au fil du temps et de la montée en compétence des collaborateurs. En la matière, le groupe familial a recruté au plus large. Ici, il y a un ancien cuisinier et une restauratrice de meubles qui ont appris la carrosserie. Là, un ex-technicien de surface en Ehpad intervient comme mécanicien.
Tout a été rendu possible par un programme créé avec la coopération du GNFA et de France Travail en décembre 2023. Il a permis d'attirer des personnes en reconversion. Avant de prendre leur poste au sein du Prado, elles ont suivi un parcours de formation de quatre à cinq mois, dont une semaine en concession. Ainsi, nombre des mécaniciens et carrossiers de premier niveau ont connu des vies hors de l'automobile.
Un système très codifié
Le groupe Macard célèbre ses 90 ans cette année. Le distributeur doit sa longévité à sa relation avec Peugeot, puis PSA et enfin Stellantis. Ford, Mazda et Kia notamment sont venues s'ajouter à la liste des marques commercialisées sur 16 emplacements. Des concessions et agences situées tout autour du Prado dans un rayon inférieur à deux heures de route.
Ce qui fait du centre de reconditionnement un élément à part entière de la stratégie du concessionnaire qui écoulait un peu moins de 2 800 voitures d'occasion à particulier en 2024 et aspire à passer le cap des 3 000 transactions cette année. Les reprises tout autant que les retours de location seront envoyés vers Castelsarrasin pour y être remis en état, délestant ainsi les ateliers où davantage d'heures seront facturées aux vrais clients.
Le reconditionnement est codifié. Avant même l'ouverture de ce centre, les responsables VO se sont réunis autour de Jean-Luc Laurens et Jean-Denis Gabens, le directeur des lieux, et Laurent Payrat pour définir une grille. En fonction de critères propres, les véhicules seront traités avec plus ou moins d'étapes et de finesse. L'enjeu étant naturellement de maîtriser les frais pour préserver l'attractivité et donc la marge. "Un découpage qui relève du secret de fabrication", protègent les trois têtes pensantes du système.
Le Prado fonctionne de pair avec la Sopra, la plateforme de distribution de pièces sous contrat Distrigo que le groupe Macard exploite à Montauban, une des villes voisines. Une supervision et une logistique qui permettent d'abaisser les FREVO à 1 280 euros de moyenne. Un montant intégrant les frais de fonctionnement et le prix du contrôle technique.
En découle de nouvelles offres
Surtout ces nouvelles dispositions ont débouché sur la création d'une offre inédite dans le groupe Macard. Le Prado laisse au concessionnaire la possibilité de conserver des voitures d'occasion de moins de 200 000 km au compteur, orientées jusqu'à présent vers les marchands. Après une légère remise en état, elles sont recommercialisées sous le drapeau VO Petits Prix, fraichement installé dans trois des affaires de la plaque.
Le groupe Macard a monté un programme de formation pour recruter hors de l'univers automobile. ©Journal de L'Automobile
Une gamme qui répond aux besoins croissants de la population locale. Une chaîne de valeur que Jean‑Luc Laurens traduit en chiffres. Il avance que cette gamme ne représente que 3 à 4 % des volumes VO dans le groupe, mais ces voitures d'occasion dégagent une marge moyenne de 1 200 euros à l'unité. Derrière, les coûts de garantie s'élèvent en moyenne à 188 euros. Une prestation assurée par Cirano en gestion pour compte.
Certains centres de reconditionnement s'ouvrent à la clientèle extérieure. Dans ce registre, l'avenir n'est pas tranché. Le Prado pourrait, selon un des scénarii envisagés, proposer sa prestation à des concessionnaires environnants. Moins de chance à ce stade des réflexions de voir un loueur acheter du temps de production. Mais les choses ne sont pas figées.
Chacun sait que ces structures spécifiques sont calibrées pour fonctionner en flux tendus et qu'une variable d'ajustement est toujours bien utile pour compenser des phases plus calmes. Mais la vague de buyback à laquelle un concessionnaire Stellantis peut légitimement s'attendre au cours des mois à venir devrait donner du boulot à la trentaine d'employés qui œuvrent le long de cette route de campagne raccordant Castelsarrasin à Moissac.
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