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Distribution

Règlement européen d'exemption : l'analyse de Me Joseph Vogel

Publié le 11 mai 2022

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
Pour l'avocat des constructeurs, le texte définitif du règlement vertical est plutôt positif. Mais Me Joseph Vogel regrette, d'une part, la perte du bénéfice de l'exemption pour les marques disposant de plateformes de vente hybrides et, d'autre part, la défiance de la Commission pour les prix imposés. Explications.
Me Vogel, qui défend l'intérêt des constructeurs, regrette la perte du bénéfice de l'exemption pour les constructeurs disposant de plateformes de vente hybrides, ainsi que la défiance de la Commission pour les prix imposés.

L'étude du texte de la Commission européenne du nouveau règlement européen d'exemption et de ses lignes directrices commence à s'affiner. Me Joseph Vogel, avocat spécialisé dans le droit de la distribution et dans la défense des intérêts des constructeurs, nous livre sa première lecture du texte et de ses lignes directrices.

 

Pour ce dernier, le texte adopté par la Commission européenne est globalement positif, d'une part par sa simplicité d'application.

 

En effet, le maintien de l'exemption est assez simple à appliquer notamment par la mise en place d'un seuil de part de marché clair et facile à appliquer. L'exemption du régime général reste soumise à un niveau de part de marché de 30 % sur le marché concerné pour le fournisseur et pour le distributeur. La notion de marché local ayant été abandonnée par la Commission.

 

A lire aussi : La Commission européen adopte le nouveau règlement d'exemption

 

La distribution sélective, qui a cours dans l'automobile, offre une clause dite de "Pass on", intéressante pour les constructeurs qui peuvent désormais  interdire plus facilement les ventes hors réseaux des distributeurs vers certains de leurs clients. "Il s'agit d'une sorte de police du réseau dont le constructeur peut bénéficier notamment dans le cas où un distributeur revend une partie de ses volumes à un loueur ou un grand compte. Le loueur n'a ainsi pas le droit de revendre lui-même ces véhicules", précise l'avocat.

 

Une pratique que certains groupes de distribution utilisent lorsqu'ils possèdent notamment une filiale de location. "Il sera possible de restreindre non seulement les ventes hors réseau du distributeur sélectif à des distributeurs non agréés situés sur le territoire sur lequel le système de distribution sélective est opéré. L'on pense en particulier aux ventes des distributeurs sélectifs à de gros clients ou loueurs qui pourraient être tentés de revendre les produits sélectifs au lieu de les utiliser pour leurs propres besoins", poursuit Me Vogel.

 

Reconnaissance plus large de la légitimité de la distribution duale

 

Dans son texte, la Commission reconnaît également le principe de la double distribution, dite duale, qui correspond à la vente de véhicules par le réseau de distribution en même temps que directement par le constructeur, que ce soit par le biais du commerce en ligne ou de filiales. Dans un premier temps, Bruxelles soumettait l'exemption à une part de marché inférieure à 10 % mais dont le calcul s'avérait impossible ou dans le cas de restriction par objet. "Mais la commission a accepté d'exempter la distribution duale de façon plus souple. De même, les échanges d'informations entre le constructeur et les distributeurs sont acceptées", avance Me Vogel. Y compris celles concernant les données des clients, sources de critiques de la part des distributeurs.

 

A lire aussi : Règlement d'exemption : que signifie l'assouplissement dans les échanges d'informations apporté par la Commission européenne ?

 

En revanche, le texte apporte une nuance de taille : l'exemption saute dans le cas d'une plateforme hybride. En clair : lorsqu'un constructeur dispose d'un site de vente en ligne et impose à ses distributeurs de passer par ce site pour réserver et acheter des véhicules, le constructeur perd le bénéfice de l'exemption. "Cette disposition constitue un défaut majeur du texte", regrette l'avocat. "Perdre l'exemption en soi n'est pas catastrophique mais celle-ci peut rendre plus difficile la lutte contre un revendeur hors réseau car dans ce cas, le constructeur devra prouver la licéité du réseau, ce qui n'est pas simple."

 

Quelques exemples existent dans ce cas, comme par exemple Peugeot qui exige dans ses conditions commerciales que les distributeurs de la marque réalisent 5 % au moins de vente en ligne, en passant par la plateforme du constructeur.

 

Une notion très stricte de la définition du statut d'agent

 

Comme le Journal de l'Automobile l'indiquait dès le 10 mai 2022, le statut d'agent ne souffre, selon la Commission, aucune prise de risque, ni prise en charge de coûts spécifiques. Des précisions apportées dans les lignes directrices qui font dire à Me Vogel que "le luxe de détails relatifs à la prise en charge de ces coûts par le fournisseur et la rigueur probatoire exigée de celui-ci risquent de rendre le recours aux agents extrêmement complexe et de le décourager, alors qu’il s’agit d’un mode de commercialisation qui devrait être encouragé et que le droit commercial rend déjà le recours aux agents commerciaux très coûteux", explique-t-il.

 

Cependant, le statut d'agent commercial véritable sera la seule possibilité pour les constructeurs d'imposer un prix fixe. Car la Commission reste résolument hostile à toute forme de prix imposés.

 

Oui à la notion de prix dual mais défiance sur les prix imposés

 

La Commission abandonne l'interdiction de pratique des prix différents à un distributeur selon son canal de vente : le site de vente physique et le canal internet. Le nouveau règlement permet donc cette notion de prix HT double qu'un constructeur peut appliquer envers un même distributeur, sous réserve que la différence de prix soit liée à des différences de coûts ou d'investissement entre ventes physiques et par internet.

 

"La Commission a pris conscience qu'il n'était plus nécessaire de favoriser les ventes digitales par rapport aux ventes physiques", avance Me Joseph Vogel. Enfin,  autre motif de satisfaction pour les constructeurs : les obligations de non-concurrence seront valables durant 5 ans et tacitement reconduites au-delà de ce délai. les constructeurs n'auront plus à résilier tous les 5 ans au maximum pour renégocier les conditions contractuelles.

 

Vous pouvez retrouver l'intégralité de l'analyse du cabinet Vogel & Vogel ici.

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