Qu’est-ce qui poussent les distributeurs à investir dans Landwind ?
...généralistes prêts à relever un nouveau challenge. Ils nous expliquent pourquoi.
Le moins que l'on puisse dire c'est que les choses sont allées très vite. Rarement dans l'histoire de la distribution automobile, on a pu constater un réseau se mettre en place aussi rapidement. C'est pourtant ce qu'a réussi à réaliser la société Asie Auto, importateur de la marque chinoise Landwind. Les circonstances ont également facilité les choses. En effet, quelques mois auparavant la marque Rover était en faillite et laissait sur le carreau une centaine de distributeurs. Ce sont d'ailleurs des anciens de la maison qui sont à l'origine du projet chinois. Elisabeth Young, ex-directrice financière de Rover France et Michel Falvo, ex-président des concessionnaires Rover. A eux deux, accompagnés également de Guy Carbonnier et de Gaëtan Raniolo, ils créaient la société d'importation en vue de distribuer Landwind en France.
A l'inverse des Pays-Bas et de l'Allemagne, aucun véhicule chinois ne roule encore en France. Plongé dans les dédales du lobbying et des jeux d'influence, le fameux 4x4 est toujours en attente d'homologation. "Mais cela ne saurait tarder", pense aujourd'hui Elisabeth Young, dirigeante d'Asie Auto. "Les nouveaux tests ont été réussis avec succès et notre véhicule fait ses preuves. Nous sommes dans l'attente de l'aval de la Commission européenne et certains commissaires peuvent être encore frileux à l'idée de voir une marque chinoise arriver sur le sol européen." Si l'annonce prochaine d'une homologation en plein Mondial de l'Automobile constituerait un formidable coup de pub, Elisabeth Young préfère rester prudente. Il faut reconnaître que l'accueil de Landwind, ne fut pas des plus chaleureux.
Une sinophobie ambiante ?
A commencer par la première batterie de tests essuyée par le véhicule. Ceux-ci, ratés, avaient engendré une pluie de critiques qui s'était abattue sur le modèle, les importateurs et les chinois. Les principaux détracteurs reprochaient notamment au véhicule d'être trop proche de l'ancien Opel Frontera (JA n°930) et estimaient les chinois incapables de produire un véhicule et seulement capables d'imitation. Nous n'étions pas loin d'une sinophobie ambiante… Des critiques et clichés qu'essayent de combattre Elisabeth Young, qui multiplie les allers retours entre la Chine et l'Hexagone. "Il est vrai que pour l'heure, les chinois n'ont pas la capacité de produire leurs propres moteurs et ne maîtrisent pas encore cette technologie. Toutefois, ils souffrent de ne pas disposer d'un constructeur national digne de ce nom et capable d'être reconnu au-delà de leurs frontières. C'est pourquoi, le gouvernement chinois donne des aides à 8 régions pour que celles-ci fassent de l'industrie automobile leur spécialité. Je tiens à préciser, et j'insiste, que si les chinois se lancent dans l'automobile c'est dans une vision mondiale, non pas pour déferler sur l'Europe, et pour être plus présent sur leur propre territoire".
En outre, certaines critiques étaient également venues de dirigeants de marques importées en France, qui étaient dans la même situation que Landwind aujourd'hui il y a une dizaine d'années et qui ont déjà réussi à se faire une place au soleil. "Certaines déclarations que j'ai pu lire ici ou là me font sourire et me laissent espérer. Si certains sont si critiques envers nous, c'est qu'ils nous craignent et nous prennent au sérieux. C'est plutôt bon signe", s'amuse la dirigeante.
Un investissement minimum et peu de contraintes
Il faut dire que le dossier Landwind a avancé et le pari lancé par ses dirigeants a pris de l'envergure.
Du côté des produits, le fameux 4x4, dont le nom sera dévoilé au prochain Mondial, a été amélioré depuis sa première présentation à la presse. "Nous sortons une nouvelle version avec des nouveaux bas de caisse, une nouvelle carrosserie, de nouveaux optiques, des éléments de sécurité supplémentaires", promet Elisabeth Young. En outre, le SUV ne sera plus seul puisqu'un monospace compact sera présenté en exclusivité au Mondial. "Un monospace qui devrait être plus rapidement homologué", croit d'ailleurs savoir la dirigeante. En outre, en attendant "l'épreuve du feu du Mondial" et de dévoiler ses produits au grand public, Elisabeth Young et son équipe ont mis en place une structure solide pour la distribution des véhicules. Depuis l'annonce de leur arrivée sur le marché français, les dirigeants n'ont pas changé leur discours d'un iota. Le prix d'accession au réseau reste minimal. L'enveloppe globale pour acquérir le panneau ne dépassera pas les 5 000 euros. Un prix qui permettra au distributeur d'obtenir un bandeau, un drapeau et un VD.
Des distributeurs Citroën, Fiat ou Skoda ont repris Landwind
En outre, aucun espace dédié à la marque n'est exigé, le distributeur peut placer le véhicule où bon lui semble et ne serait pas contraint à des objectifs de volumes. "Notre contrat de distribution est par ailleurs exclusif, nous leur garantissons ainsi un territoire", ajoute Elisabeth Young. Les dirigeants de Landwind accordent une marge commerciale brute de 14 % par véhicule et seuls le transport et la publicité locale resteront à leur charge. Un mode d'accès relativement alléchant pour bon nombre de distributeurs. En effet, au début de l'année (JA n°945) , ils n'étaient encore que 65 à avoir signé le contrat de distribution. A peine 9 mois plus tard, Elisabeth Young nous a fait savoir que le réseau Landwind était constitué de 125 concessionnaires. "Notre réseau se compose de 90 anciens distributeurs Rover, pour le reste, des distributeurs de tous les horizons nous ont rejoints. Notre objectif initial de 120 opérateurs est dépassé, ce qui nous permet d'espérer compter sur un réseau final de 140 distributeurs pour cette fin d'année", lâche la dirigeante enthousiaste. Ainsi, d'autres ont été séduits par l'approche chinoise. On compte parmi le nouveau réseau, des distributeurs Mitsubishi en grand nombre, Kia, voire Hyundai. Des concessionnaires de marques généralistes comme Fiat, Skoda, Citroën et même BMW ont également signé. "Si la plupart de nos signataires sont des petits distributeurs, on peut s'enorgueillir d'avoir parmi nous de grands groupes comme les JFC, Heyberger ou Bermond", ajoute Elisabeth Young qui précise : "Notre approche est en fonction des concessionnaires. Notamment avec Michel Falvo, qui reste toujours distributeur." Pour les concessionnaires, les raisons d'avoir investi dans la marque chinoise sont multiples. "Les ventes en déclin de notre marque principale m'ont obligé à choisir une nouvelle marque qui offrait en outre une nouvelle offre 4x4", confie ainsi un distributeur Mitsubishi. Difficile à joindre, le groupe Heyberger qui s'est séparé de toutes ses marques du groupe Volkswagen a opté pour une offre multimarques moins coûteuse. Tout comme Philippe Walker qui vient de céder la marque BMW pour reprendre la distribution de Landwind dans le 14e arrondissement à Paris. Paris, où pour l'heure trois distributeurs auraient repris le panneau… "Quand on voit les capacités de l'industrie chinoise dans d'autres domaines, je ne vois pas pourquoi ils ne réussiraient pas dans l'automobile, d'autant plus qu'il y a encore de la place sur le marché français. Les coréens ont réussi à s'installer alors qu'on leur prédisait l'échec il y a dix ans", estime pour sa part Richard Balendras, futur distributeur Landwind à Beauvais. Il ajoute : "Les coûts de distribution sont minimes et la distribution low cost prend toujours plus d'importance, pour quelles raisons n'oserais-je pas y aller ?" ajoute-t-il. Marc Dewitte a lui également investi dans Landwind. "J'ai choisi trois positionnements. La distribution d'une marque généraliste (Fiat), la distribution d'une marque haut de gamme (Land Rover) et enfin celle d'une marque low cost (Landwind). Sur le même site, je réponds à toutes les attentes des clients."
D'autres marques chinoises à l'avenir ?
En revanche, d'autres distributeurs sont plus circonspects. Ils ne croient pas à la distribution low cost, déjà occupée par Dacia avec sa Logan et pensent que la clientèle préfère être rassurée par des produits qu'elle connaît bien. "Une nouvelle marque sur le marché, ça fait beaucoup. Je ne pense pas que les chinois soient encore prêts. Les clients sont plus attirés par des véhicules bien équipés et rassurants en termes de prix. Landwind concernera avant tout les petits portefeuilles mais dans de petites proportions", explique Jean-Marie Beke, distributeur Suzuki en région parisienne qui confie toutefois "si le pari Landwind devait marcher, cela attirera d'autres marques chinoises et pourrait tirer le marché vers le bas. Dans ce cas, nous serions attentifs…".
Pour l'heure, Landwind garderait dans ses cartons une berline type Logan pour 2008 avant l'arrivée d'un nouveau SUV un an plus tard. Une gamme en préparation qui permet à Elisabeth Young de croire en certains objectifs : "Cette année, nous espérons vendre 600 véhicules, tout dépendant, une fois encore, de l'homologation. Quant à 2007, nous pensons atteindre les 2 500 unités", table Elisabeth Young. La dirigeante d'Asie Auto ne se contenterait pas uniquement de Landwind. Elle serait en pourparlers avec d'autres marques pour les importer en Europe, Asie Auto devenant alors une sorte "de Cheval de Troie" pour les marques chinoises… Comme l'ont fait, à une autre époque, le groupe Frey pour les coréens ou la Sivam pour les marques japonaises.
Tanguy Merrien
ZOOML'après-vente et les services en 3 points clés Tous les distributeurs ayant signé le contrat de distribution Landwind ont la même réponse. "Tant que nous n'aurons pas reçu les véhicules, il n'y a aucune raison de s'inquiéter pour l'après-vente. Nos mécaniciens sont des spécialistes et savent comment cela fonctionne. Dès que nous commanderons un véhicule alors nous nous inscrirons pour la formation spécifique", répondent-ils en chœur. En outre, Elisabeth Young nous a confié que le réseau pourra s'informer par Internet où les chefs d'ateliers pourront consulter les catalogues et passer les commandes. 1/ Pour les pièces, il existe un entrepôt central européen à Gand en Belgique. Asie Auto pourra s'appuyer sur le logisticien Frans Maas pour l'acheminement et la livraison des pièces. La France pourra de plus compter sur un nouvel entrepôt à Lyon permettant d'assurer un service en 24 heures. Elisabeth Young assure en outre "qu'un catalogue de pièces sera régulièrement mis à jour." |
ZOOMLe 4x4 et le monospace Landwind en question Si le nom du 4x4 Landwind sera dévoilé lors du Mondial, on connaît d'ores et déjà celui du monospace présenté en exclusivité à la Porte de Versailles. Il s'agit en effet du Fashion, un monospace compact de 5 places dont la commercialisation est attendue pour le début de l'année 2007. Conçu par l'agence de design italienne Idea, ce nouveau monospace devrait être équipé de motorisations essence d'origine européenne de 1,6 l et 2,0 l construits dans l'usine chinoise sous licence avec les ingénieurs du motoriste. Les niveaux d'équipements devraient être classiques avec en série le double airbag, l'ABS, l'EBD, pack électrique et la radio CD. Aucune information n'a pour l'instant filtré sur les prix. A l'inverse du 4x4 dont le prix devrait osciller aux alentours de 20 000 euros, prix annoncé depuis le départ. De quoi affronter notamment le Kia Sportage 2.0 CRDII (22 960 euros) ou le SsangYong Korando (21 990 euros). |
ZOOMCe qu'ils en pensent, entre prudence et piques ! Depuis un an et la présence de trois constructeurs chinois au Salon (JA n°930) , il est également intéressant de savoir ce que pensent constructeurs et autres importateurs en France. Pour Frédéric Saint-Geours, directeur général de Peugeot : "Au regard des coûts de production, de l'éloignement des marchés, l'importation semble difficile. Il y aura certes des tentatives mais elles resteront marginales." Un avis partagé par Claude Satinet, son homologue de Citroën qui estime "qu'il y aura peu de ventes significatives tant qu'ils n'auront pas adapté leur capacité de production." Jean-Luc de la Ruffie, directeur des ventes de Suzuki France estime de son côté "qu'il ne faut jamais sous-estimer un concurrent quel qu'il soit, mais cela prendra plus de temps pour les chinois qui doivent d'abord produire des voitures et savoir les réparer. Progresser dans un second temps avant enfin de pérenniser." Même son de cloche pour Jean-Claude Debard, patron de Hyundai France, qui ne "les croit pas prêts. En outre, leur produit n'est pas adapté aux marchés européens et il n'existe pas de créneau pour un SUV comme celui de Landwind." Quant au réseau Landwind, le dirigeant de Hyundai attend de voir. "Tant qu'il n'y a pas d'homologation, il n'y a pas de voiture et donc pas de réseau…". |
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