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Distribution

Les agents sont-ils trop dépendants des distributeurs ?

Publié le 28 octobre 2025

Par Jean-Baptiste Kapela
6 min de lecture
Entre dépendance jugée "malsaine" et concurrence perçue par certains concessionnaires, les agents revendiquent leur autonomie et réclament une animation commerciale plus soutenue pour relancer l’activité.
Me Patrice Mihailov : "Quelle est la place de l’agent dans un ré¬seau au sein duquel les distributeurs sont devenus des agents commerciaux du constructeur ?" ©Salin

D'année en année, les groupes de distribution deviennent de plus en plus puissants. Un changement de dimension au risque de perdre de vue le client. Le réseau se­condaire revêt donc une importance toute particulière pour toucher un nou­veau public.

 

Depuis la diversification des activités des agents, une dynamique est désormais bien ancrée dans la distri­bution. Les concessionnaires mettent à disposition de leurs agents une partie de leur stock de véhicules afin qu’ils les proposent à leurs clients. Un vendeur du distributeur se rend ainsi réguliè­rement dans l’agence pour animer le commerce sur le site.

 

 

Un processus qui a fait ses preuves, mais qui s’essouffle depuis trois ans. Si, en après‑vente, les agents n’ont pas de contrat qui les lie aux concessions, ce n’est pas le cas lors de l’activité de vente de véhicules.

 

Pour l’avocat spécialisé en droit des affaires, Me Patrice Mihailov, les agents de marque sont "extraordinairement négligés" par les constructeurs et ce, "pour toutes les marques" dans tous les schémas de distribution.

 

"Il y a une force de vente et un vivier commercial énorme qui ne sont pas exploités, regrette l’avocat. Les constructeurs ont tellement réduit la marge de leurs distributeurs qu’il ne reste rien à ces derniers pour rémunérer conve­nablement leurs agents." 

 

Cette tension sur les marges des véhicules a pu pous­ser les distributeurs à s’immiscer un peu trop dans le business des agents. Pour rappel, les agents peuvent proposer des véhicules neufs ou d’occasion issus du stock des concessionnaires, qui mis­sionnent un vendeur dans l’agence pour l’animation commerciale.

 

Une dépendance malsaine ?

 

"Selon moi, il y a une relation de dépen­dance excessive et malsaine entre l’agent et le concessionnaire. L’agent doit maintenir son hall aux standards du constructeur, non pour son usage propre, mais pour ce­lui du concessionnaire, qui dépêche sur place un de ses vendeurs au moment de conclure la vente. Pour faire simple, l’agent met gratuitement en place une surface commerciale qu’il entretient aux couleurs de la marque pour le distributeur. Je pose donc la question : existe‑t‑il un autre mé­tier dans lequel un commerçant met gra­tuitement une surface de vente à disposi­tion d’un autre opérateur ?" 

 

Selon l’avocat, ce rapport de "dépendance" entre le distributeur et l’agent ne devrait pas exister vis‑à‑vis du droit européen. D’autant plus dans le cas du réseau Stel­lantis, où les agents et les concession­naires sont en concurrence avec le même contrat de réparateur agréé.

 

"Le conces­sionnaire et l’agent sont deux commer­çants indépendants l’un de l’autre, poten­tiellement ou actuellement concurrents, ne serait‑ce que sur l’après‑vente et le VO. Comment est‑il possible qu’entre concurrents, une telle relation de dé­pendance soit tolérée ? En pratique, on a tendance à considérer que l’agent est un auxiliaire exclusivement dévoué au concessionnaire. Cette idée est contraire à la réalité juridique de leur relation : ils sont indépendants l’un de l’autre et l’agent est libre de déployer les activités de son choix. On voit pourtant des cas dans les­quels un agent ne bénéficiera pas d’une habilitation du constructeur, pour la rai­son que le concessionnaire entend en dis­poser seul sur le secteur", s’agace Me Pa­trice Mihailov.

 

L’avocat précise, par ailleurs, qu’un agent qui souhaiterait revendre son affaire pourrait faire face à l’opposition du concessionnaire auquel il est affilié.

 

"Je considère que les agents doivent s’émanciper des modèles de dis­tribution de marque que nous connais­sons. Ils doivent rechercher des produits et des services alternatifs à ceux qu’ils distribuent depuis des années, pour la raison qu’ils n’ont plus leur place dans les réseaux de marque. Je pose la question : quelle est la place de l’agent dans un ré­seau au sein duquel les distributeurs sont devenus des agents commerciaux du constructeur ?", ajoute‑t‑il.

 

Plus d’implication dans l’animation commerciale

 

La baisse des immatriculations a pu rendre les agents appétissants aux yeux d’un certain nombre de concession­naires. Ces derniers ont pu lorgner du côté du réseau secondaire pour mettre une main dans le business des agents.

 

"Pendant un temps, nous avons ressenti une volonté de certains distributeurs de s’imposer dans les agences. Le fichier client reste pourtant le domaine réservé des agents. Or, certains concessionnaires ont tenté d’imposer leur propre DMS ou de le rapprocher de celui du constructeur. Le véritable problème réside dans l’accès au fichier client : c’est la première étape vers une perte d’autonomie, avertit Dimitri Sionnet, vice‑président de la branche Agent de marque de Mobilians et direc­teur du garage DSI Automobiles de Niort et de Melle (79). En disposant directement de ces informations, le construc­teur pourrait, demain, se passer des agents pour aller chercher nos clients." 

 

Pendant de nombreuses années, certains concessionnaires ont mis au second plan leur activité après‑vente, car le com­merce de véhicules était au beau fixe et la remise en état de VO faisait tourner les ateliers.

 

Mais les difficultés d’un point de vue commercial sur le marché du neuf et de l’occasion ont poussé les distributeurs à faire le focus sur l’après‑vente.

 

"Cer­tains concessionnaires ont pu voir les agents comme de vrais concurrents, car ce sont des commerces qui sont commercia­lement bien placés et qui sont forts sur l’après‑vente, affirme Denis Baeza, pré­sident du groupement des agents Citroën. Ces derniers ne sont pas dans l’échange et n’ont pas compris que les voi­tures que les agents ne vendent pas sont des voitures qu’ils ne vendront pas. Ces distributeurs se font de plus en plus rares et les mentalités ont évolué." 

 

À l’inverse de ce que pense Patrice Mi­hailov, le président du groupement des agents Citroën souhaite qu’il y ait plus d’animations commerciales dans les agences de la part des concession­naires.

 

"Les distributeurs n’ont pas assez de vendeurs ou de chefs des ventes moti­vés qui gèrent une vraie animation avec leur réseau d’agents et leurs vendeurs et qui mettent en place des voitures dans les halls d’exposition des agents", dé­plore Denis Baeza. Selon lui, de nom­breux agents ont des halls d’exposition vides et des voitures sur un parc de stockage qui nécessitent des frais quo­tidiens de gardiennage.

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