Le groupe Neubauer prend la route du futur
La vue est magnifique. D’un côté, Montmartre, de l’autre, les gigantesques chantiers des sites des Jeux Olympiques. Au milieu, la Tour Pleyel avec ses 129 m de haut qui poursuit sa métamorphose en hôtel de luxe. "Le village olympique est presque terminé, nous explique Hervé Neubauer, président du groupe éponyme. Le quartier et la ville sont en pleine mutation, c’est assez intéressant de vivre cela en direct."
Nous sommes à Saint‑Denis (93), dans le Village Neubauer du groupe parisien, au cinquième étage de ce qui fut, à la fin des années 60, l’une des concessions Peugeot les plus modernes de France.
On y accède par une rampe, comme dans les vieux garages urbains. Ici, Hervé et sa femme Leila ont installé celui de leurs rêves. Un endroit où sont collectionnés des cabriolets, une mythique (du moins pour tous ceux qui ont grandi dans les années 80) DeLorean et même un tracteur.
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À côté de ce musée de poche, une salle de réunion très cosy, une collection de bandes dessinées, des figurines, des maquettes, un bar avec un billard et une scène de musique… bref, on se croirait dans un bar lounge parisien installé sur un rooftop. "Nous voulions un lieu chaleureux où recevoir nos prospects, les constructeurs, organiser des événements, un lieu qui nous ressemble", nous présentent les deux époux.
À l’instar de ce qui se passe autour du Village Neubauer, le groupe est lui aussi en pleine mutation. En 2023, l’opérateur a changé de nom, passant de Neubauer Distributeur à Neubauer Groupe. "Une nouvelle page se tourne", glissent pudiquement les deux entrepreneurs. "Hervé est la quatrième génération d’une entreprise dont les origines remontent à la fin du XIXe siècle", rappelle Leila avant de lancer un film institutionnel sur le groupe.
En quatre minutes, défilent alors sur l’écran 120 ans d’automobile. Car le groupe Neubauer est l’un des plus anciens distributeurs automobiles de France. Si ce n’est le plus vieux.
Le Palais de l'Automobile en 1901
Ses origines remontent, en effet, quasiment à la période de la naissance de l’automobile. À la toute fin du XIXe siècle, Albert Neubauer achète une ferronnerie dans le XVIIe arrondissement de Paris. Très vite, il transforme ce lieu en garage qui, en 1901, devient le Palais de l’Automobile. Tout un programme. À cette époque, la France est le premier producteur de voitures au monde.
En 1906, Albert Neubauer ouvre un deuxième site, toujours dans le XVIIe arrondissement. Hasard, ce nouveau garage est à proximité du siège des Automobiles Peugeot. Une marque qui sera, pendant tout le XXe siècle, étroitement liée au groupe de distribution parisien.
Au milieu des années 1930, un nouveau modèle commercial permettra au groupe de passer à la vitesse supérieure : la distribution en masse de véhicules. Un an plus tard, le groupe signera un contrat avec Peugeot ; il devient alors distributeur monomarque à Paris, puis, dans l’Ouest parisien.
Juste après la guerre, il ouvre des ateliers à Levallois‑Perret (92) et en 1951, il acquiert un terrain à Paris dans le XVIIe arrondissement pour y construire une concession de cinq étages. Jacques, le fils d’Albert, avait noté que les boulevards circulaires, bien avant la création du périphérique, étaient des emplacements stratégiques pour le commerce automobile.
Le virage vers le multimarquisme
En 1967, sort de terre le site de Saint-Denis. Au fil des décennies, ce dernier ne cessera de grandir pour devenir, aujourd’hui, la vitrine du groupe. Dans les années 1980 et 1990, Jacques Neubauer travaille étroitement avec Jacques Calvet, patron de Peugeot ; tous les deux surferont sur le succès des 205 et des 206. Au cours de la dernière décennie, Hervé rejoint le groupe familial.
À la fin du XXe siècle, l’entreprise prend le virage du multimarquisme et intégrera pendant une vingtaine d’années aussi bien des marques généralistes (Fiat, Ford, Kia, Nissan, Volkswagen) que des marques premium (BMW), voire de luxe (Maserati, Ferrari, Lamborghini).
Cette ouverture se poursuit la décennie suivante. "Nous avons pour ambition d’offrir à nos clients une mobilité à 360°, présente Hervé Neubauer. C’est pourquoi nous nous sommes développés dans le deux‑roues en prenant la distribution de Yamaha, Piaggio, Vespa, Moto Guzzi et Aprilia."
Une nécessité pour continuer à exister, surtout dans une ville qui a décidé de bannir l’automobile ? "À cette époque, nous étions un des plus gros employeurs d’ouvriers de Paris, une catégorie socioprofessionnelle qui, d’ailleurs, n’existe quasiment plus intra‑muros", glisse le chef d’entreprise, qui rappelle qu’en tant que commerçant, il doit avant tout s’adapter à la demande, "ce que le groupe a toujours fait". "Car notre mission finale, c’est que le client puisse disposer à sa guise de la mobilité qu’il souhaite", souligne Leila Neubauer qui estime qu’il est encore tout à fait légitime d’avoir des concessions à Paris.
Et de citer la concession BMW du Pont Mirabeau, dans le XVIe arrondissement, qui a réalisé, en 2023, 1 400 BMW et 600 Mini. Une des plus importantes de France.
En revanche, avoir une activité de vente et de réparation automobile, dans un territoire où chaque mètre carré est non seulement compté mais également très cher, demande beaucoup d’organisation. À cette question, Hervé Neubauer répond avec le sourire : "Chrono‑mètre carré !" Ou comment optimiser le ratio temps/superficie utilisée par un véhicule. "Chaque mouvement, du dépôt de clé à la réception du véhicule pour l’après‑vente ou de la livraison à la remise des clés pour le commerce, est savamment orchestré et fait l’objet de toutes les attentions", explique‑t‑il.
Cette pénurie de mètres carrés guide aussi la performance du groupe. "Le ratio VN/VO est très faible par manque de place, mais nous compensons avec de très belles pénétrations", poursuit‑il. Sur les 21 marques automobiles et motos distribuées par l’opérateur parisien, il figure dans le top du classement (2022) chez Jaguar‑Land Rover (2e), Abarth (2e), Mini (5e), Alfa Romeo (6e), BMW (6e) et Skoda (9e).
Et dans une région où l’offre est pléthorique, le nom bénéficie encore d’une certaine image. Neubauer est d’ailleurs le seul distributeur à apposer son nom sur les carrosseries des voitures. "Ces huit lettres font la différence, insiste Leila Neubauer. Nous sommes avant tout une affaire familiale avec une très longue expérience et de très fortes valeurs. L’expérience client est pour nous primordiale et nous avons la chance d’avoir des équipes très fidèles." Et d’insister sur les relations humaines. "Nous voyons bien que le digital ne fait pas tout, complète Hervé Neubauer. C’est une approche marketing qui, au final, ne répond pas aux attentes du client, car ce dernier a besoin de relations humaines pour finaliser la transaction."
Cette transformation évoquée passe également par les services. Cette année, le groupe a, en effet, mis en place sa propre solution de financement. Appelée Neubauer Finances et développée en partenariat avec Crédit Agricole Consumer Finance, Hervé et Leila Neubauer la présentent comme une alternative aux captives des constructeurs. "Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires, mais nous souhaitions également proposer à une partie de notre clientèle des offres adaptées à leurs besoins", expliquent‑ils.
Ayant repris le groupe en main, Hervé et Leila Neubauer se montrent confiants en l’avenir. Si les origines du groupe sont avant tout parisiennes, ils ne s’interdisent pas, à terme, de se lancer au‑delà de l’Île‑de‑France. Voire hors des frontières. "En fonction des opportunités que nous pourrions avoir, nous serions prêts à investir", glissent‑ils. Histoire de porter leurs huit lettres bien au‑delà du périphérique.
En bref (données de 2022)
29e distributeur du top 100 du Journal de l’Automobile
Nombre de voitures neuves : 10 243
Nombre de voitures d’occasion : 7 578
Marques représentées : Abarth, Alfa Romeo, BMW, Fiat, Fiat Professional, Ford, Jaguar‑Land Rover, Kia, Mini, Nissan, Skoda, VW, VW VU et dans la moto, Aprilia, Moto Guzzi, Piaggio, Vespa et Yamaha
Chiffre d’affaires : 550 millions d’euros (estimation)
Nombre de collaborateurs : 790
Zones d’implantation : Paris (75), Buchelay (78), Chambourcy (78), Le Chesnay (78), Orgeval (78), Plaisir (78), Le Port‑Marly (78), Boulogne‑Billancourt (92), Levallois‑Perret (92), Nanterre (92), Saint‑Denis (93), Saint‑Ouen‑l’Aumône (95)
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