Franchise VO : fin de l’amateurisme
La discussion a duré des mois. Elle a trouvé une issue heureuse. Depuis avril dernier, le panneau de L’Agence Automobilière a été accroché à côté de celui de 1807 Lacharrette, spécialiste du VO reconditionné, à Avignon (84). Une initiative qui renforce un peu plus encore le statut de place forte du véhicule d’occasion de ce site aménagé aux abords de la Cité des Papes. Une décision prise par le distributeur automobile provençal pour "être en mesure d’accompagner les clients avec le maximum de solutions", comme l’explique Romain Bouteiller, directeur général de 1807 Mobility Groupe, la branche distribution du groupe Berbiguier.
"Il faut savoir faire preuve d’humilité et reconnaître qu’en France, le VO passe majoritairement du particulier au particulier. Nous devons nous concentrer sur le client et ses besoins. Ce nouveau panneau va apporter des réponses pour que chacun reparte satisfait de nos services", précise‑t‑il sa pensée. L’accord entre 1807 Mobility Groupe et L’Agence Automobilière va plus loin puisque le distributeur est entré au capital du réseau de franchise à hauteur de 5 % et devrait très rapidement acter un déploiement systématique du concept à côté de chaque implantation de 1807 Lacharrette.
Des modèles plus solides
Voilà un des nombreux exemples de la nouvelle relation qui s’instaure entre les réseaux de franchise d’intermédiation VO et les professionnels historiques. Après s’être défiés durant une décennie avec des arguments et des contre‑arguments, ces deux mondes commencent à parler ensemble. Le contexte dans lequel évolue désormais l’industrie du commerce automobile les a conduits à comprendre qu’ils ont des intérêts communs. Pour les distributeurs, il s’agit de trouver un relais de croissance pertinent, en phase avec les habitudes de consommation : les Français font preuve de défiance vis‑à‑vis des actes de reprise dans le cadre d’une vente et souhaitent, quoi qu’il en coûte, vendre leur bien au tarif désiré.
Pour les franchiseurs, il s’agit de monter en qualité en s’appuyant sur des professionnels qui ont une pleine maîtrise de la notion de rentabilité. "Certains fonctionnent comme des vendeurs de rêve et nous voyons bien que les agences ouvrent aussi vite qu’elles se referment", dénonce Christophe Winkelmuller, fondateur de L’Agence Automobilière. Une vision que partagent Michaël Ledoux et Gokhan Adak, respectivement fondateur de TransakAuto et président de Via Automobile. Si le premier des deux recrute à 95 % des franchisés issus du salariat, il a mis en place un process strict pour s’assurer de la qualité des partenaires car "le franchiseur a des obligations en retour et qu’il faut installer un climat de confiance mutuelle pour que tout le monde y gagne". Une approche saine qui a engendré une croissance de 34 % des volumes de TransakAuto pour s’établir à 13 400 transactions commissionnées en 2021, selon les chiffres avancés.
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En ce qui le concerne, au second semestre 2021, Gokhan Adak n’a ouvert "que" 3 sites et 2 de plus se sont ajoutés en mars 2022. À Thionville (57), c’est un ancien négociant qui vient de rejoindre la famille Via Automobile. "Devant les difficultés de son métier, il a fait le choix de se tourner vers cette activité de vente sur mandat", explique le président qui a toujours défendu l’idée de proposer une alternative à des spécialistes du VO. De 13 actuellement, il passera à 15 agences actives à l’été prochain. Une avancée à petits pas qui atteste de sa grande prudence. Depuis 18 mois qu’il a repris les rênes, il a d’abord repensé le réseau et éprouve le concept dans la moitié nord de la France : pour délivrer la pleine prestation des services de Via Automobile, les bâtiments doivent désormais faire entre 500 et 700 m² environ afin d’accueillir un showroom, un atelier et un studio photo par lequel passent tous les véhicules entrants. Mieux armée et dotée d’un réseau plus dense, l’enseigne Via Automobile compte vendre 4 500 unités en 2022, soit 30 % de plus que l’an passé.
Carslift et Bye Buy Car, les nouveaux venus
À l’Ouest, il y a du nouveau. Fondée en 2012 à La Roche‑sur‑Yon (85), l’enseigne Carslift a décidé de conquérir une partie du territoire national sous forme de franchises depuis 2017. Après une vague de fermetures pour assainir un réseau où des dérives se faisaient sentir, Matthieu Plezenat, directeur du développement, s’appuie sur un maillage actuellement constitué de 19 agences en franchise pour 11 en propre. "Nous approchons du seuil jugé stratégique pour commencer à communiquer à grande échelle auprès des clients, dit‑il, et accentuer notre démarche de recrutement."
Après un mois de mars record avec 380 000 euros de chiffre d’affaires généré dans le réseau, l’enseigne, qui boucle en moyenne 700 transactions par mois, a ouvert une agence à Anglet (64). Il faut savoir que Carslift présente la spécificité de ne pas se cantonner aux véhicules particuliers. Les franchisés peuvent, en fonction de leurs compétences, traiter sous mandat la vente d’utilitaires légers, de véhicules de loisirs ou de motos. L’ouverture d’une agence réclame en fonction du format un investissement de départ de 25 000 à 80 000 euros. Derrière, la commission s’établit en moyenne à 1 500 euros.
"À notre démarrage en 2019, nous avions pris Ewigo et TransakAuto pour modèles en ajoutant plus de technologies, mais nous avons observé que seuls les entrepreneurs se présentaient et que les fermetures se faisaient régulières. Il a donc été décidé de changer de braquet. Notre label n’est maintenant accordé qu’aux candidats qui ont un Kbis". Par ces mots, Maxime Beyet synthétise les débuts de son enseigne, Bye Buy Car. Le Bordelais sait qu’au lendemain de la pandémie, les entrepreneurs sont moins en odeur de sainteté auprès des banques et des bailleurs immobiliers.
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Par ce revirement, il entend professionnaliser son enseigne en ne s’appuyant que sur des commerces en place souhaitant ajouter une corde à leur arc. Rien d’exclusif pour autant, les meilleurs dossiers d’entrepreneurs et de commerciaux en reconversion sont toujours étudiés. Mais force est de constater que les derniers entrants dans la "communauté" Bye Buy Car disposent, par ailleurs, d’un statut d’agent de marque automobile ou de franchisé d’une enseigne d’après‑vente, comme les centres Point S de Saint‑Michel‑sur‑Orge (91) et de Saint‑Dizier (52), voire de distributeur du réseau Distinxion à Libourne (33). Il y a même des spécialistes du nettoyage. "Sans avoir à immobiliser de la trésorerie, ils peuvent toucher une moyenne de 1200 euros en commission par transaction. Ils ont compris tout l’intérêt de nous rejoindre", soutient Maxime Beyet.
Des outils pointus
Outre la qualification, les outils aussi sont passés dans une autre dimension. La vente de particulier à particulier par le biais d’une agence ne se contente plus d’un panneau sur un bâtiment et de campagnes publicitaires. Comme des concessionnaires, ces acteurs de la vente VO ont des moyens à la hauteur des ambitions.
Entre des interfaces de suivi, des indicateurs clés, un module CRM en propre, une solution de gestion de stock fournie par KeplerVO et un outil de gestion de la transformation en provenance de HubSpot, Via Automobile a multiplié les couches pour soutenir au mieux ses partenaires dans le traitement des clients. Fondateur de la franchise Je Vends Votre Auto, qui comptera bientôt une quarantaine de sites et écoule environ 4 300 VO à l’année, Frédéric Chaves est allé jusqu’à développer son propre DMS dimensionné pour les réalités de ce commerce et entend le commercialiser avant l’été auprès des acteurs du secteur sous le nom Fresben. Maxime Beyet a imaginé autre chose pour Bye Buy Car.
Pour le moment, l’interface reste confidentielle, mais elle a vocation à encourager chacun des Français à renseigner les coordonnées d’un proche en position de vendeur. En cas de succès de la transaction, une commission sera reversée au titre d’apporteur d’affaires. Tous forts d’intentions louables, les nouveaux acteurs de la franchise se distingueront probablement par leur capacité à apprivoiser l’outil informatique. Mais pour sûr, l’amateurisme appartient à un autre temps.
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