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Distribution

Entretien : Eric Behra, patron du groupe Behra.

Publié le 25 avril 2008

Par Gredy Raffin
11 min de lecture
Les mandataires ont leur place. Les distributeurs doivent arrêter de trouver des boucs émissaires.Représentant des marques Ford, Mazda, Toyota, Hyundai et SsangYong dans la région du Centre, Eric Behra, patron du groupe éponyme,...
Les mandataires ont leur place. Les distributeurs doivent arrêter de trouver des boucs émissaires.Représentant des marques Ford, Mazda, Toyota, Hyundai et SsangYong dans la région du Centre, Eric Behra, patron du groupe éponyme,...

...revient sur ce premier trimestre 2008. Entre écologie, plans produits des constructeurs et évolution du secteur de la distribution, le Concessionnaire de l'Année 2003 livre son sentiment sur cette période de mutation.

Journal de l'Automobile. Tout d'abord, quelle analyse faites-vous de ce premier trimestre 2008 ?
Eric Behra. Le premier trimestre est assez stable. Les ventes se maintiennent et je pense que nous avons bénéficié des bienfaits de l'écotaxe. Cela a dynamisé notre activité sur plusieurs créneaux et nous ne pouvons que nous en réjouir. Dans le détail, Ford, qui est notre marque principale, a réalisé un bon premier trimestre. Nous avons même quelques retards de livraison dus à notre carnet de commandes bien fourni. Mazda s'est stabilisé et tire légèrement profit de la législation. En ce qui concerne Toyota, le bilan est plus mitigé. Je dirais que la marque souffre de son image fortement imprégnée du 4x4. Et comme ce segment représente une part significative des ventes, nous avons forcément accusé un recul. Toutefois, le rebond est attendu pour la fin de l'année.

JA. La situation par rapport aux objectifs de fin d'année ?
EB. Le début 2008 laisse présager un bon exercice sur les marques tirant profit du bonus-malus. Sans exploser tous les chiffres, les temps de passage sont respectés voir anticipés. Nous affichons donc une confiance raisonnée.

JA. Attendez-vous une aide des pouvoirs publics ou des constructeurs pour 2008 ?
EB. Les deux. Je crois qu'il s'agit d'un travail qui doit être réalisé en coopération. En tant que concessionnaires, notre relation avec les constructeurs a beaucoup évolué. Nous nous retrouvons entre financiers, entre investisseurs, et chacun comprend de mieux en mieux les ambitions et les problématiques de l'autre. Une interaction très positive qui fait avancer les débats. Dès lors si ces trois parties, politiques, constructeurs et distributeurs, arrivent à réfléchir ensemble, nous devrions surmonter cette problématique environnementale et poursuivre notre croissance.

JA. Comment analysez-vous le positionnement marché de vos marques principales ?
EB. Mazda m'a agréablement surpris par son développement actuel très prometteur et je ne peux que les féliciter pour la distinction prestigieuse de la Voiture de l'Année obtenue récemment par la nouvelle Mazda 2. Cependant, je me réjouis pleinement que Ford soit revenue sur la voie du retour à l'essentiel. La marque retrouve ce qui a fait son succès : de bons produits à des prix compétitifs. Il y a quelques années, je dirais qu'ils ont tenté une percée sur un marché plus haut de gamme qui n'était pas le leur. Les derniers produits montrent clairement la nouvelle politique de la marque et l'avenir m'apparaît à deux doigts d'être radieux.

FOCUS

Chiffres clés

• Effectifs : 190
• Volume VN par marque :
Toyota 515, Ford 3 297, Mazda 413, Hyundai SsangYong 127
• Volume VO : 2 194
• CA marque principale (en Ke) :
Toyota 12 962, Ford 89 167, Mazda 6 758, Hyundai
SsangYong 3 123
• CA consolidé : 112 010 Ke
• Evolution 2006/2007 : - 3,6 %
(Fermeture de la concession de Corbeil en décembre 2006)
• Parts dans les résultats
Vente VN : 66 %
Vente VO : 19,5 %
Atelier : 3,8 %
Pièces de rechange : 10,8 %
• Rentabilité : 0,05 %

JA. Et que pensez-vous de vos marques asiatiques ?
EB. Toyota, rien à dire. Quand on a affaire au premier constructeur mondial, d'autant qu'il n'a pas volé sa place, on ne peut que se réjouir et garder confiance. En revanche, Hyundai reste en retrait, dans les volumes comme dans la représentativité.

JA. Remettez-vous en question la présence de Hyundai dans le groupe Behra ?
EB. Non, pas particulièrement. Hyundai est un importateur, nous avons donc moins de visibilité sur la stratégie à long terme car les ordres viennent de loin. Je ne me permettrais donc pas de porter un quelconque jugement sur la marque.

JA. Il vous manque des panneaux appartenant à ces grands groupes, tels Kia ou Dahaitsu ou Volvo : seriez-vous tentés par l'aventure ?
EB. Le groupe Behra a connu une croissance rapide basée sur l'effet de levier dû à un endettement raisonné. Nous avons construit des locaux, effectué des reprises, financé des travaux, cela peut se voir dans notre trésorerie. Dans notre profession, la marge de manœuvre dépasse rarement les 1 % en temps normal. Dans notre cas, elle est moindre en raison des investissements à amortir financés par notre endettement. Nous préférons stabiliser notre activité avant de nous tourner vers l'avenir. Je pense que d'ici la fin 2008, voire 2009 si nécessaire, nous allons renforcer nos bases.

JA. Plus concrètement quels sont vos projets ?
EB. Ma politique pour le groupe Behra se tourne vers la croissance. Agé de 54 ans, je pourrais progressivement me détourner de ce métier et passer à autre chose. Cependant, mon devoir est de permettre à l'entreprise de croître. Alors, au terme de cette période de consolidation, nous allons réfléchir aux meilleures solutions : acquisitions, intégration d'un nouveau panneau ou si cela s'avère le plus judicieux, un rapprochement avec un autre grand groupe. Ma vision de l'entreprise repose sur le fait que ce n'est pas moi en tant qu'individu qui importe mais la pérennité de l'affaire. En cas d'erreur stratégique, je saurais tirer les leçons et prendre les décisions qui s'imposent. L'objectif que le groupe Behra ne souhaite pas perdre de vue demeure le positionnement géographique. Il nous reste à conquérir des territoires, par le biais de marques que nous représentons déjà ou par une diversification de l'offre. Je voudrais me rapprocher de la banlieue sud de Paris et augmenter au maximum notre part de marché dans notre zone de chalandise.

JA. Quelle marque pourrait dans ce sens séduire le groupe Behra à l'heure actuelle ?
EB. La réflexion reste en cours. Comme je l'ai dit, les solutions sont multiples, mais pourquoi ne pas nous lancer dans une marque de luxe.

JA. Lexus, par exemple ?
EB. Travaillant avec Toyota, cela pourrait effectivement être une solution, mais il en existe plusieurs autres, tout aussi intéressantes.

JA. Vous évoquiez une fusion, comment expliquez ce phénomène de concentration ?
EB. Les grands groupes sont appelés à s'imposer, c'est incontestable. La concentration en est la preuve. Pour les raisons évoquées précédemment, à savoir que les patrons de grands groupes ressemblent aux dirigeants des marques dans leur relation aux affaires, les constructeurs aiment de plus en plus traiter avec nous. Bien sûr, certains tiennent à conserver le réseau secondaire, celui des plus petits sites pour entretenir leur identité et leur image de proximité.

JA. Un mot sur les mandataires… et le début qu'il suscite dans votre profession ?
EB. Les mandataires ont leur place. Les distributeurs doivent arrêter de trouver des boucs émissaires. On a pointé du doigt les constructeurs, ensuite on a désigné les politiques, puis le client et maintenant on dénonce les mandataires. Il faut arrêter cette démarche et se concentrer sur notre métier : la vente automobile et le service attendu par notre clientèle. Beaucoup critiquent les mandataires mais s'en servent pour réaliser des ventes afin de toucher leur prime de volume. Il y a de l'hypocrisie chez les distributeurs.

JA. Quel rôle doit alors jouer le constructeur ?
EB. Il doit réguler le système sans nous couper totalement des mandataires ni se mettre en situation de refus de vente. Le mandataire opère en toute légalité grâce à la législation européenne, il faut le prendre en compte. Les constructeurs ne peuvent pas leur imposer de standard comme certains de mes confrères le réclament car, par définition, rien ne les rattache au panneau. Par ailleurs, une uniformisation européenne des prix paraît aussi inutile du fait que ces acteurs du "marché parallèle" se fournissent auprès de revendeurs français. Les canaux d'approvisionnement belges, allemands ou espagnols ne représentent plus l'essentiel. C'est devenu une problématique nationale.

JA. Comment abordez-vous Internet ?
EB. Internet est partout. Nous n'avons pas encore de site et sommes donc en retard. Je voulais d'abord voir les erreurs à éviter. J'ai beaucoup réfléchi à la forme que nous devions adopter. Finalement le site Internet du groupe Behra arrivera au cours de l'année. Il sera totalement ludique et la navigation sera proche de l'expérience d'un jeu vidéo. L'internaute aura l'impression d'être au volant de son véhicule et circulera sur le site comme il circule sur la route.

JA. Quel en sera le contenu, proprement dit ?
EB. Toutes les concessions seront virtuellement reproduites. Il y aura une partie commerciale consacrée à la vente de véhicules, neufs et d'occasion. A côté il pourra se rendre à l'après-vente et découvrir les prestations et les tarifs ainsi que prendre rendez-vous. Grâce à un accès personnalisé, il pourra suivre son compte client. Ainsi, il pourra faire le bilan de ses dépenses chez nous et comparer son budget d'un mois ou d'une année sur l'autre. Enfin, chose dont nous sommes fiers et à laquelle je tiens : chaque employé aura sa fiche caractéristique en ligne accompagnée de sa photo. Une aide à l'identification pour notre client qui connaîtra de fait le parcours et les compétences de son interlocuteur.

JA. Au sortir d'un Salon de Genève riche en nouveautés (Fiesta, Mazda 2, i10, iQ…) quelle est votre réaction ?
EB. Je crois qu'actuellement les constructeurs cernent au mieux la demande client. Si on se penche de plus près sur les produits, il y a quatre catégories qui couvrent la quasi-totalité du marché. Dans nos concessions, nous rencontrons des familles qui cherchent des monospaces comme le Ford S-Max ou des SUV. Des jeunes, célibataires ou en couple, qui se tournent vers des citadines type Aygo et des coupés sportifs. Les constructeurs l'ont bien compris et nous donnent les armes pour conquérir le marché.

JA. L'environnement était une fois de plus au centre de toutes les attentions, n'anticipe-t-on pas trop le changement ?
EB. L'environnement est un problème majeur. Il va falloir du changement. Mais ce qui se passe aujourd'hui ne ressemble à rien. D'une part, il y a des "écolos" qui font tous les efforts et de l'autre, des gens qui, pour des raisons économiques, ne se soucient pas du respect de la nature. Au final, cela s'équilibre et l'on n'avance pas. Il n'y a pas une planète pour chacun, il n'y en a qu'une, les autorités publiques se doivent donc d'uniformiser la règle. On attend tous le voisin pour suivre un mouvement. Comment peut-on expliquer qu'un constructeur ait dans sa gamme des véhicules "image", autour des 100 g de CO2, et des motorisations à plus de 250 g ?

JA. Avez-vous adopté une démarche écologique ?
EB. Oui, je veux que mes commerciaux y soient sensibilisés. Les marques avec lesquelles je travaille ont une idéologie écologique qui me plaît. Ford et Toyota en tête. Je crois qu'un client qui entre en concession en 2008, doit définir son besoin et immédiatement se poser la question "mon véhicule respecte-t-il l'environnement ?" Selon moi, l'écologie doit être le premier paramètre à considérer lors de l'acquisition d'un véhicule. Un critère qui se place avant tous ceux liés à la sécurité ou au confort, qui eux sont parfois gourmands en énergie sans pour autant être indispensables.

JA. Nous sommes à quelques mois de la commercialisation des véhicules chinois et indiens, pensez-vous investir dans cette offre low-cost ? 
EB. J'y pense de plus en plus, je l'avoue, le challenge semble intéressant et porteur. Sous peu, je prendrais des contacts avec les importateurs. Mais pour l'heure le projet est encore flou.

JA. Ford et Tata viennent tout juste d'entériner un accord sur la vente de Jaguar et Land Rover, votre réaction ?
EB. C'est une bonne chose pour Ford. J'ai connu une époque où Ford ne les possédait pas et s'en sortait très bien. Je crois que Ford devait passer à autre chose et cette cession sonne comme le franchissement d'un cap. Après, l'opération restera dans les hautes sphères et le réseau ne devrait pas en bénéficier financièrement.

JA. En 2002, votre site de Morangis a été élu "Concession de l'Année", que reste-t-il de cette consécration ? 
EB. Un très bon souvenir. Paradoxalement, l'année suivante, 2003, reste l'année où l'on a perdu le plus d'argent sur le site de Morangis. Nous avons ensuite connu quelques difficultés avec des résultats, en net contraste avec l'exercice 2002 et notre sacre. 2007 a marqué un retour au sommet et 2008 poursuit sur la lancée.

CURRICULUM VITAE

  • Nom : Behra
  • Prénom : Eric

    Né au Zaïre en 1954 et fils adoptif de José Behra, ancien pilote de course et concessionnaire à Puteaux (92), Eric rentre dans le métier de l'automobile à 20 ans. De magasinier, il gravit les échelons et prend la direction du groupe en 1990, à la retraite de son père. Il se concentre sur la consolidation des affaires avant de se lancer dans un plan de développement. Un projet couronné de succès en 2003 avec le titre de Concession de l'Année. Aujourd'hui, Eric Behra se tourne vers le monde artistique et la production.

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