Bee2link prépare la révolution logicielle de la distribution automobile

Il y avait bien longtemps maintenant que Xavier Cotelle n'avait pas pris le micro pour partager sa vision de la distribution automobile. Un exercice auquel s'est livré, le 4 décembre 2025, le fondateur de Bee2Link, le groupe spécialisé dans l'édition de solutions digitales pour les concessionnaires. Pour lui, il est désormais évident qu'à la manière des voitures de demain, les points de vente reposeront sur une architecture logicielle.
Si les constructeurs préparent l'arrivée des véhicules définis par logiciel (SDV pour software defined vehicle), la distribution automobile doit se préparer à opérer la même révolution pour intégrer le SDR (pour software defined retail). Un concept flou pour le commun des mortels qui prendra la forme d'un pilote dans trois affaires du groupe BYmyCAR, au premier semestre 2026, avant d'être pleinement déployé sur les différentes plaques du distributeur dans les 12 à 15 mois qui suivront.
Oublier la "numérisation du chaos"
Le concept part d'une observation sur le terrain. Que la digitalisation de la vente automobile n'a pas tenu toutes ses promesses. Pour Xavier Cotelle, elle relève même globalement de l'échec. "Il y a beaucoup de logiciels dans les affaires, mais peu d'orchestration. Le volume de données explose, mais ne débouche sur aucune prise de décision. Aussi, nous voyons que les silos n'ont pas été cassés. Il y a donc une dette invisible de données, d'organisation et d'intelligence", entamait-il très fort sa démonstration.
Entre les lignes, le président de Bee2Link laisse entendre que la dernière décennie peut se résumer à un effort de "numérisation du chaos". Une période au cours de laquelle ses ingénieurs – comme ceux des autres acteurs de l'édition – ont davantage été sollicités pour réaliser des développements spécifiques à leurs outils que des innovations. Des requêtes de constructeurs et de distributeurs qui tendaient en fin de compte à ne rien changer au processus en place. Ce qui va à l'encontre des idéaux de la transformation digitale.
Avec le concept de "SDR" qui se concrétise, Xavier Cotelle cherche à faire prendre un virage à 180 degrés, structurant une philosophie différente. "Les groupes de distribution sont désormais au pied du mur. Les difficultés économiques auxquelles ils font face imposent de repenser toute l'approche". Dans le software defined retail, ce n'est plus aux logiciels de s'adapter aux processus édictés par les humains, mais bien aux processus de se conformer aux règles des logiciels structurants.
Rien de cela n'a jamais été vu à grande échelle dans le commerce automobile. Pas même dans les pays anglo-saxons qui ont la réputation d'être en avance. Il y a des premières briques chez les nouveaux constructeurs, notamment des chinois ou l'américain Lucid, confiera plus tard Xavier Cotelle. Son inspiration, il l'a davantage trouvée dans les Apple Store, voire dans les cockpits d'Airbus où les commandes ont été établies en amont.
Une tour à sept paliers
Que faut-il comprendre ? À l'ère de la concession définie par logiciel, il faut voir les groupes comme une tour à sept étages. Le point de vente physique avec son personnel constitue la base. Au-dessus, il y a les logiciels fonctionnels, puis les agents doués d'intelligence artificielle pour aider à gagner du temps. Au quatrième étage, un connecteur API standardisé unifie les informations de tous ces outils. Ce qui, au-dessus, permet alors de centraliser, d'archiver, d'analyser et de valoriser les données consolidées.
La nouveauté portée par Bee2Link tient dans les deux derniers niveaux. Au sixième, il y a d'abord "cette couche abstraite où nous faisons valoir des données vivantes", amorce l'architecte du SDR. Là se trouvent donc les éléments relatifs aux actions en cours dans les concessions (contacts, devis, remontées de véhicules, rendez-vous programmés à l'atelier…). Les groupes pourront en dégager des tendances en temps réel, afin de prendre des décisions rapidement et de manière éclairée. Ce que n'autorisent pas les solutions actuelles du marché, martèle Xavier Cotelle.
Au septième et dernier étage de la tour, un outil de contrôle supervisera cet ensemble. Une forme de supra-intelligence au service des hautes sphères. Dès lors, les décisions adoptées par le comité de direction deviendront des règles et nul collaborateur en concession ne pourra sortir du cadre en les transgressant. "Le système rend impossible toute action en dehors de l'environnement de travail", explique le patron de Bee2Link.
Le système compile surtout des indicateurs clés de performance d'une manière inédite. La lecture du compte de résultat se fera différemment. Certes le P&L restera un outil de mesure, mais pour Xavier Cotelle, le regard sur les concessions changera en prenant bien plus en considération le poids des frais (foncier, marketing, RH…) sur le chiffre d'affaires. Ce qui aidera à réaliser des ajustements. "Nous imaginons d'ailleurs créer un indice, à la manière du CAC40, qui éclairera sur l'état de chaque concession par rapport aux autres", lâche le patron de Bee2Link.
Convaincre les constructeurs
Cela ne sera évidemment pas sans conséquence sur le personnel en concession. Pour le fondateur du groupe détenu par Cosmobilis, les cadres intermédiaires seront les premiers impactés. "Les points de vente automobiles ne pourront plus supporter très longtemps le coût de ce personnel qui passe son temps à régler des problèmes. Notre technologie leur dégagera du temps pour être plus productifs, dans l'accompagnement et le relationnel", argue-t-il.
Reste à savoir comment le vivront les commerciaux. Dans cette présentation, d'une manière figurée, ils paraissent être écrasés sous le poids d'une organisation ou enfermés dans une méthode pilotée par l'informatique. Ce dont se défend Xavier Cotelle : "Au contraire, ils auront moins de questions à se poser. Toutes les informations pratiques et les démarches à suivre seront au creux de leur main". Il est vrai que beaucoup d'entre eux se plaignent de la lourdeur administrative et du manque de lisibilité. Le concept du SDR tend à gommer ces problématiques.
La plupart des outils sont déjà en place. Bee2Link va commercialiser le juste nécessaire pour mettre l'ensemble en œuvre. Et le président du groupe de confier que des négociations ont avancé avec un cabinet de conseil spécialisé dans l'accompagnement des constructeurs et de leur réseau de distribution. Si un accord est trouvé, alors ce partenaire aura la mission de démarcher les industriels pour les inciter à migrer vers le SDR.
"Nous avons présenté le SDR à certains d'entre eux et ils comprennent les contours de notre idée. Si les constructeurs ne peuvent pas faire l'impasse sur le SDV au risque de perdre de la valeur en Bourse, ils verront bien aussi que le SDR devient indispensable pour respecter le triangle véhicule-client-concession", résonne Xavier Cotelle. Encore faut-il que la naturelle résistance au changement ne provoque pas un nouvel échec.
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