Antoine Jouteau (Leboncoin) : "Les stocks existants avant l'épidémie sont désormais écoulés"
JA. Quelle analyse faites-vous de l'activité récente ?
Antoine Jouteau. Nous éprouvons un petit soulagement, car la période a été éprouvante pour nos distributeurs qui ont subi une chute vertigineuse. Une situation amenant, rappelons-le, L'Argus à geler la cote des véhicules, ce qui a été un très gros projet en interne et bien perçu par les professionnels. Nous sommes ensuite entrés dans une phase plus encourageante avec les annonces du gouvernement qui ont donné des signes d'amélioration aux distributeurs et ont fait réagir positivement les clients utilisateurs.
JA. Comment cela se traduit-il en audience ?
AJ. En comparaison aux statistiques 2019, nous avons enregistré une chute de 35 % durant le confinement et nous sommes 20 % au-dessus depuis la reprise des activités. Nous parlons d'audiences très importantes, car Leboncoin totalise plusieurs dizaines de millions de passages par mois. Nous pouvons même dire que nous atteignons des niveaux sans précédent puisque depuis le 20 mai, Leboncoin et L'Argus battent des records réguliers. Sur le site Leboncoin, ce sont entre 18 et 20 millions de personnes qui se connectent chaque jour, tous secteurs confondus, sachant que l'automobile, l'immobilier et les locations de vacances sont les domaines privilégiés.
JA. Que recherchent les internautes ?
AJ. Les trois termes les plus renseignés, en juin, ont été 4x4, BMW et Clio. Mais globalement nous remarquons qu'ils cherchent des véhicules plus spacieux pour partir en vacances. Quand on regarde les intentions d'achat, on note que seulement 10 % des personnes ont reporté ou annulé leur projet. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions quant aux budgets, car le gel de la cote a forcément son impact. En revanche, nous pouvons affirmer que les stocks existants avant l'épidémie de la Covid-19 sont désormais écoulés. On le sait au travers des logiciels des professionnels, qui fin avril, totalisaient 500 000 VO en parc. Ce volume est plus bas aujourd'hui et surtout les produits ont bien moins d'ancienneté dans les bases.
JA. Les véhicules hybrides et électriques ont enregistré une belle performance, le voyez-vous dans vos tableaux de bord ?
AJ. En effet, le nombre de requête s'est envolé, après le confinement. Le diesel se tient tout de même. En comparaison à l'an passé, les recherches de véhicules électriques d'occasion ont crû de 18 %. Dans le même temps, celles de véhicules hybrides ont gagné 5 %.
JA. Que cela présage-t-il pour les temps à venir ?
AJ. Notre positionnement multimarché fait du site Leboncoin un observatoire de la consommation française. Nous avons remarqué un redémarrage des biens de consommation dès début avril, puis l'immobilier a suivi début mai, avant les locations de vacances, tandis que l'automobile a repris fin mai, voire début juin. Nous pensons que les VO diesel vont rester dominants encore quelques années. Leur prix baissera cependant légèrement. Les véhicules électrifiés vont augmenter très fortement au regard du volume d'annonces croissant. L'autre tendance à suivre sera la digitalisation des points de vente, car la prise a pénalisé les distributeurs qui n'étaient pas équipés de solutions de publication et de suivi. Ils n'ont pas pu emmagasiner des leads comme les autres. La preuve de cette prise de conscience étant que nous avons de nombreux contacts entrants depuis la réouverture.
JA. Ce qui va être commercialement très intéressant pour vous. Qu'allez-vous pousser ?
AJ. Les équipes de L'Argus ont fait un travail remarquable pour rapprocher nos outils respectifs. Nous allons pouvoir œuvrer à une professionnalisation de l'activité liée aux données automobiles du site Leboncoin. Ce qui va se traduire par plus de fonctionnalités. Outre la cote, nous allons proposer une batterie d'outils reposant sur l'exploitation de données pointues. Les revendeurs pourront traquer la valeur d'un lead et définir l'investissement le plus optimum. Notre rôle consiste à vulgariser ces outils pour que leur point de vente gagne en efficacité.
JA. Il y a un an, vous actiez la reprise de Paycar pour sécuriser les transactions. Vous intéressez-vous désormais à l'historique des véhicules ?
AJ. Il s'agit d'un autre volet. Pour améliorer la dimension transactionnelle du site. Cela fait partie des sujets sur lesquels nous allons travailler, c'est sûr. Nous garderons la primeur de cette annonce pour nos clients. Clairement, nous souhaitons intervenir sur l'ensemble de la chaîne de valeur pour les particuliers, comme nous nous employons à être pertinents en amont pour les professionnels.
JA. Sur quels autres sujets vous amènent les professionnels ?
AJ. Le taux de satisfaction des professionnels est très élevé sur notre site. Mais il est vrai qu'au cours des derniers mois, ils nous ont formulé des demandes pour faire évoluer les critères de recherche et gagner en précision. Ils attendent de nous plus d'outils pour qualifier leads et mieux se comparer entre eux, afin de positionner leurs offres. Nous sommes un moteur de transition et de captation de données à leurs yeux.
JA. Travailler la donnée réclame des investissements. Quelle politique menez-vous ?
AJ. Nous comptons parmi les gros investisseurs du monde digital, en France. Le groupe est animé par 1 400 personnes, dont un tiers de personnel associé au domaine IT. Un ratio qui s'applique aux recrutements alors que nous accueillons, chaque année, une centaine de nouveaux collaborateurs. Ils nous permettent de construire l'environnement par lequel nous allons délivrer les services de données statistiques.
JA. Les distributeurs nous rapportent des hausses de tarifs qu'ils ne comprennent pas toujours. Ces profils coûteux justifient-ils les changements de grille tarifaire ?
AJ. La hausse de leur budget est justifiée par la performance délivrée. Nous avons 12 à 13 millions de visiteurs par mois sur l'automobile, ce qui fait de nous un géant de l'audience. En tant que média, l'efficacité est notre fonds de commerce et sur ce point nous creusons l'écart avec la concurrence, notamment grâce à tous ces nouveaux outils d'optimisation de leurs investissements. Entre les tableaux de bord et l'emploi d'intelligence artificielle, il est évident qu'ils y gagnent et la hausse reflète ce bénéfice.
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