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Distribution

Agents de marque : repartir du bon pied

Publié le 28 octobre 2025

Par Jean-Baptiste Kapela
9 min de lecture
Secoué par la réorganisation de certains constructeurs, et notamment les contrats d’agent, les réseaux secondaires ont traversé trois années de doute. Le métier, pilier de proximité dans la distribution automobile, amorce une période d’apaisement malgré un manque de dynamisme dans l’activité des ventes.
23 % des ventes de véhicules neufs et d’occasion du réseau Peugeot sont réalisées par des agents de marque. ©Florence Gete

À l’heure de la concentra­tion des groupes de distribution et de la course à la digitalisation qui marquent la distribution au­tomobile, le métier d’agent sort du lot. Là où les concessions s’agran­dissent dans les agglomérations en quête de volume, le réseau secon­daire poursuit son rôle capital de proximité avec le client.

 

En France, il est possible d’en dénombrer près de 6 000 et, comme pour les concessionnaires, les dernières années ne s’apparentent pas à un long fleuve tranquille. Le métier a été bouscu­lé par les nombreux sujets qui ont chahuté le secteur pendant cinq ans, à commencer par l’électrification. Mais parmi les actualités, un sujet a participé à la mutation du secteur : les changements de statut des parte­naires des marques.

 

Si la problématique concernait avant tout les distributeurs, les agents ont vu leur raison d’être remise en question. Plongés dans un écosystème fragilisé, une partie d’entre eux a pris peur.

 

"À l’époque, l’arrivée des contrats d’agent susci­tait de fortes inquiétudes, entraî­nant de nombreux départs et l’arrêt de l’activité d’une partie de nos ad­hérents", constate Dimitri Sion­net, vice‑président de la branche Agent de marque de Mobilians et directeur du garage DSI Automobiles de Niort et de Melle (79).

 

Une crainte qui planait en particu­lier au‑dessus du réseau Stellantis, qui représente la majeure partie des agents de marque dans l’Hexagone. Le constructeur, en prévision de la mise en place de son schéma de dis­tribution, a souhaité en 2022 revoir le modèle économique de ses agents.

 

 

Le groupe, à l’époque dirigé par Carlos Tavares, a décidé que son ré­seau secondaire ne vendrait plus de voitures, les cantonnant à leur cœur de métier : l’après‑vente. Au‑delà de la colère suscitée par cette décision, une partie d’entre eux a préféré quit­ter le métier d’agent de marque et leur nombre a chuté.

 

"Ces dernières années, nous avons enregistré une diminution significative du nombre d’agents, certains ayant choisi de se réorienter vers d’autres métiers repré­sentés au sein de Mobilians, tels que réparateur indépendant ou multi­marque", observe Dimitri Sionnet.

 

Un retour des agents de marque

 

Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les réseaux indépen­dants ont ainsi fait les yeux doux aux déçus. "Au sein du groupement Citroën, nos agents ont été fortement sollicités par le réseau AD (premier réseau indépendant multimarque d’entretien et de réparation, NDLR), car nous sommes une population dotée d’outils, de connais­sances, d’un haut niveau de forma­tion et d’un matériel bien plus per­formant qu’un garage multimarque classique. Cette situation a participé à l’érosion du nombre d’agents en France", affirme Denis Baeza, pré­sident du Groupement national des agents Citroën (GNAC), qui compte 1 350 agents dans son organisation.

 

Preuve que les craintes des agents ont nourri le réseau AD : au début de l’année 2024, en un an, le réseau de 2 300 réparateurs agréés comp­tait 73 nouveaux ateliers de plus, dont 48 en provenance des agents de marque.

 

Mais le vent tourne et, selon le vice‑président de sa branche à Mo­bilians, "la situation se tasse" et ce dernier perçoit un regain d’intérêt pour le métier. Ainsi, après un nombre d’agents en baisse depuis quatre ans, l’hémorragie semble se stopper et la situation se stabilise.

 

"Progressivement, nous parvenons néanmoins à regagner des adhérents. Entre 2024 et 2025, le nombre d’agents de marque dans notre branche est ainsi passé de 2 496 à 2 526. Les inquiétudes ne sont pas to­talement levées, mais elles s’atténuent avec le temps", souligne Dimitri Sionnet.

 

Cette situation, les groupe­ments d’agents la constatent aussi et notamment dans les réseaux Stellan­tis qui font marche arrière. Ainsi, le Groupement des agents automobiles Peugeot (GAAP) – qui compte 1 600 agents de la marque au lion – a aussi vu le nombre d’agents repartir à la hausse. "Nous constatons que les constructeurs ont la volonté de re­lancer le maillage d’agents, en re­montant des panneaux et en relançant le commerce dans les af­faires de proximité", observe Flo­rence Gete, présidente du GAAP.

 

Le multimarquisme : une nouveauté pour les agents

 

Avec près de 20 ans de carrière en tant qu’agent, elle constate que le profil des nouveaux entrants a dé­sormais changé. "Aujourd’hui, nous avons affaire en grande partie à des investisseurs et à des personnes qui peuvent se permettre de multiplier les activités et d’être multipanneaux", décrit la présidente.

 

Elle en est le parfait exemple. Agent Peugeot, mais aussi AD sur un autre site, elle a une station de lavage par ailleurs. "Il y a une quinzaine d’années, cela n’existait pas et nous retrouvions surtout des profils techniques qui re­prenaient les sites avec des structures parfois plus petites. Ces profils‑là représentent toujours près de 50 % des agents, mais ces nouveaux profils prennent le lead", précise Florence Gete. S’il y a moins d’agences, ces dernières sont plus grandes et af­fichent plusieurs panneaux.

 

Florence Gete, présidente du GAAP. ©GAAP

 

Adopter cette approche marque la réelle mutation du métier d’agent. Avant la question du "contrat d’agent", il était rare de voir des agents afficher les marques Peugeot, Citroën et Opel.

 

En effet, le multi­marquisme impliquait trop de contraintes, dans la mesure où il fallait répondre à la standardisation des constructeurs en adaptant les halls ou encore les bornes d’accueil. "Par le passé, certains agents hési­taient à renouveler leur contrat avec une marque comme Stellantis. Au­jourd’hui, certains disposent de deux ou trois panneaux du groupe, une si­tuation encore inédite il y a peu, sou­tient Dimitri Sionnet. Les construc­teurs permettent désormais de travailler avec des espaces réduits, via des box et une charte graphique sim­plifiée. Cette évolution ouvre la possi­bilité, pour tous ceux qui le souhaitent, de représenter plusieurs panneaux", ajoute le vice‑président de la branche Agent de marque de Mobilians.

 

Vers une période d’apaisement

 

Pour autant, est‑ce que la stratégie s’avère réellement payante ? Comme pour de nombreux sujets, tout dé­pend du contexte. Actuellement, il n’est pas dans l’air du temps d’ajouter des collaborateurs et d’agrandir les sites pour pouvoir faire entrer davantage de véhicules.

 

"Un agent doit aujourd’hui avoir conscience qu’ajou­ter deux marques supplémentaires à sa marque de cœur ne fera jamais trois dans le chiffre d’affaires. Tou­tefois, adopter plusieurs panneaux demeure important, puisque les clients ne savent pas toujours ce qu’ils désirent. Ils ne sont plus attachés à une marque, mais davantage à leur garage", observe Denis Baeza.

 

Ce dernier précise que cette situation est valable partout, sauf cas excep­tionnel lié à la zone géographique. Par exemple, un agent situé dans une région à faible densité de population qui ajoute trois marques peut attirer plus facilement des clients.

 

La situation s’apaise pour les agents, toutefois, les turbulences ont lais­sé des traces. Si l’après‑vente, leur cœur de métier, affiche encore une forte dynamique, l’activité vente de véhicules neufs et d’occasion en pâ­tit encore. Auparavant, un tiers des ventes de véhicules Peugeot était réalisé par les agents, "à l’époque où les constructeurs et les conces­sionnaires n’avaient pas cassé leur jouet", se désole Florence Gete.

 

Aujourd’hui, les ventes de véhi­cules sont plutôt aux alentours de 23 % du fait de la baisse du nombre d’agences et des tentatives d’ingé­rence des constructeurs dans leur business model, qui ont fragilisé l’aspect commerce.

 

Même constat du côté du groupement d’agents Citroën, où 19 % du commerce de la marque aux chevrons est réali­sé par l’intermédiaire des agents, contre 26 % à une période où la marque représentait 13‑14 % de part de marché.

 

Avec les construc­teurs, les relations sont à recons­truire, ce qui prendra certainement du temps. "Nous sentons qu’ils ont la volonté de renommer des agents et de les accompagner au niveau du commerce, d’autant plus avec l’arri­vée de Lionel Ehrhard chez Peugeot, une personne de terrain qui connaît bien le réseau d’agents", souligne la présidente du GAAP.

 

 


 

S’adapter au nouveau standard de la marque, un coût nécessaire

 

S’il est désormais plus facile pour les agents d’ajouter des panneaux à leur marque, cela implique de mettre leur site aux standards imposés par le constructeur. Or, cela en­traîne inévitablement des investissements conséquents et chronophages.

 

"C’est compliqué comme sujet. Le constructeur nous demande de standardiser notre fa­çade, mais il ne donne pas d’engagement dans le temps avant le prochain change­ment", explique Dimitri Sionnet, vice‑pré­sident de la branche Agent de marque de Mobilians et directeur du garage DSI Auto­mobiles de Niort et de Melle.

 

Ce dernier a repris son garage Opel de Melle (79) en 2012. La rénovation du site s’est éten­due jusqu’en 2017. Trois ans plus tard, l’agent ap­prend qu’il doit faire un nouveau changement.

 

De son côté, Denis Baeza, président du groupement des agents Citroën, est en plein dans la mise à jour de son site. D’ici fin 2025, tous les agents devront répondre à la nouvelle image de la marque aux che­vrons.

 

"Nous n’y parviendrons pas et nous sommes nombreux à être dans cette situation. Environ 70 % des agents n’ont pas encore mis leur image de marque à jour. À mon avis, à la fin de l’année, si nous arrivons à atteindre les 40 %, ce sera le bout du monde", sourit‑il.

 

S’il y a un manque de visibilité et que les timings sont serrés, les construc­teurs se montrent néanmoins tolé­rants sur le sujet. Remettre un site à jour peut aussi avoir des effets positifs. "Il ne faut pas oublier qu’un coup de pinceau dans l’entreprise, ça attire le client", soutient Denis Baeza.

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