Xavier Duchemin, Stellantis : "Le VO est un métier où la chaîne de valeur s’est fortement renforcée"
Le Journal de l’Automobile : Vous avez pris la direction de la business unit véhicules d’occasion en juillet 2022. Quelle est votre analyse de l’évolution du marché et de ses principaux enjeux ?
Xavier Duchemin : Le marché de l’occasion a été fortement impacté par les évolutions du marché VN et notamment la pénurie de semi‑conducteurs qui a contraint la production. Ce phénomène a remis la lumière sur la nécessité du sourcing. Nous, constructeur, devons trouver des moyens pour avoir davantage de voitures, qui soient rentables pour notre réseau, pour continuer à croître. L’autre enjeu concerne la décarbonation. Nous devons apprendre à vendre des véhicules électriques et avoir des offres à proposer aux clients. Mais l’évolution du marché passe également par la manière dont les véhicules sont présentés aux clients et la profonde transformation digitale.
JA. Le sourcing est un aspect essentiel dans le business VO. Comment pouvez‑vous multiplier vos sources d’approvisionnement compte tenu de la faiblesse des marchés VN depuis 3 ans ?
X.D. : Nous avons la chance chez Stellantis d’avoir une vraie focalisation sur le VO. Peu de constructeurs ont dévoilé des objectifs très clairs en la matière dans leur plan stratégique. Notre objectif de croissance nous pousse à avoir plus de possibilités de sourcing. Aujourd’hui, nous avons principalement les retours des buy‑backs des loueurs de longue et de courte durée. Mais l’un des enjeux de l’équipe VO actuellement est d’être capable d’acheter des voitures un peu partout en Europe et dans le monde. De pouvoir les reconditionner et les revendre principalement à nos concessionnaires. Nous avons constitué une équipe dédiée à l’approvisionnement. Nous souhaitons, quoi qu’il arrive au VN, garantir un bon niveau de disponibilité pour nos clients. Tout cela est au cœur du plan Dare Forward 2030 et des objectifs que l’on s’est fixés notamment avec la croissance très forte de Spoticar, notre label VO.
Le groupe a vendu près de 600 000 véhicules d’occasion en 2022
JA. Quels sont les résultats au titre de l’année 2022 ?
X.D. : Le groupe a vendu près de 600 000 véhicules d’occasion en 2022. En France, nous sommes le premier acteur. Le site Spoticar présente près de 55 000 modèles. C’est un label complètement international aujourd’hui, avec une adhésion assez forte du réseau. En France, nous sommes à plus de 1 500 points de distribution sur un total de 4 000 en Europe. Près de 90 % des marques du groupe ont intégré ce label. Mais notre champ de transformation est énorme. Nous pouvons faire beaucoup mieux. Nous devons être capables d’attirer plus de clients, de mieux se sourcer, sans parler de l’enjeu de la décarbonation. C’est très dans l’air du temps de prolonger la vie du véhicule. Grâce à nos centres de reconditionnement et à Stimcar, nous pouvons le faire. Et nous savons déjà qu’un véhicule neuf sera revendu plusieurs fois en VO.
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JA. Autobiz a été choisi pour gérer les offres de reprise des futurs agents retailers. Mais quelle est sa contribution aujourd’hui ?
X.D. : Nous rachetons effectivement beaucoup aux particuliers. Notre filiale, Autobiz, affiche une progression à deux chiffres avec ses offres de reprise. Nous atteignons aujourd’hui plus de 1 000 voitures par mois, avec un vrai savoir‑faire que ce soit sur le digital ou dans les points de vente.
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JA. Quelle est votre feuille de route pour atteindre l’objectif fixé par Carlos Tavares dans son plan stratégique ?
X.D. : Nous sommes en ligne avec l’objectif fixé de 1,6 million de voitures en 2030. Même si le marché nous a contraints à la baisse l’année dernière, nos volumes de vente augmentent. Notre objectif 2023 est d’atteindre ceux de 2021, soit 700 000 unités. Mais il faut préciser que notre objectif est mondial. Si le VO a une longue tradition en Europe, dans d’autres pays, nous devons structurer l’activité. Nous avons des possibilités de croissance très importantes en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et sur la zone Afrique‑Orient. Notre potentiel est très fort en dehors de l’Europe, qui aujourd’hui pèse 80 % de nos ventes. Le lancement de Spoticar aux États‑Unis dès le mois de juin participe de ce mouvement.
JA. Quelle est la part hors Europe dans l’objectif du plan stratégique ?
X.D. : Environ 20 %, mais cela peut être beaucoup plus, car le marché américain est plus vaste que le marché européen de l’occasion. Stellantis est très fort aux USA. Notre potentiel y est très important.
JA. Votre récente implantation en Côte d’Ivoire, avec Auto24, contribue‑t‑elle à cette internationalisation ?
X.D. : En Afrique, la classe moyenne supérieure se développe vite. Et nous avons de belles surprises avec un mix des ventes à 18 000 euros en proposant une offre très professionnelle avec une remise en état des voitures, un engagement de qualité. Ce sont des pays où la croissance du PIB est très forte avec des ventes très digitalisées. Si nous apportons un gage de qualité, de transparence, le potentiel existe. Après la Côte d’Ivoire, nous allons essayer d’aller très vite dans d’autres pays d’Afrique avec ce mode de fonctionnement. Le Maroc est un exemple.
JA. Les fluctuations des prix des véhicules d’occasion sont une des problématiques du secteur. Comment piloter une activité autant soumise aux aléas extérieurs ?
X.D. : C’est un métier où la chaîne de valeur s’est fortement renforcée. Ce qui est une bonne chose pour l’ensemble des professionnels. La hausse des prix a été très nette jusqu’en octobre 2022. Mais depuis, nous sommes plutôt à un plateau à cause de la pénurie de matériel. Mais les chiffres de vente montrent un marché à - 6 % depuis le début de cette année, en France. Comme le niveau des stocks ne bouge pas vraiment, les prix se stabilisent.
Nous souhaitons pousser la LOA qui n’est pas encore assez développée dans le segment du VO
JA. N’est‑ce pas également parce que la demande faiblit, notamment en raison de la hausse des prix ?
X.D. : L’acceptation du prix est un enjeu. Et c’est pour cette raison que nous souhaitons pousser la LOA qui n’est pas encore assez développée dans le segment du VO. La LOA pèse entre 30 et 40 % de nos financements, ce qui n’est pas suffisant et surtout très loin des niveaux dans le véhicule neuf. Comme les valeurs résiduelles se sont envolées, nous pouvons offrir des mensualités plus adaptées et maîtriser ainsi une partie de l’augmentation pour faire en sorte que le client final n’ait pas à subir toute la hausse du prix.
JA. Comment se développe le reconditionnement des véhicules dont la mission a été confiée à Stimcar ? Les centres sont‑ils rentables compte tenu de la faiblesse du marché ?
X.D. : Stimcar possède l’avantage de proposer de toutes petites structures. De plus, l’approche est assez novatrice, car tous les compagnons y travaillent avec une grande polyvalence. Stimcar se développe beaucoup et monte en puissance. D’ici 3 ou 4 ans, il y aura une trentaine de centres en France. Ce qui assure une grande capillarité. Tous les centres sont proches de leurs clients que ce soit Stellantis & You, les acteurs privés de la distribution ou les loueurs. Aujourd’hui, les centres sont près de l’équilibre. Stimcar est encore une start‑up qui se développe rapidement. Et les centres anciens sont rentables.
JA. Aramis a affiché des pertes sur l’exercice 2022. Quelle est votre analyse de la situation ?
X.D. : Sur la durée, Aramis est une incroyable success‑story. Mais, comme il y a eu moins de véhicules récents à écouler, les difficultés se sont fait sentir. Mais le développement international reste important : Cardoen en Belgique, Onlinecars en Autriche, CarSupermarket en Grande‑Bretagne, Brumbrum en Italie, Clicars en Espagne. C’est une grosse société avec une taille critique et une grande expertise digitale. C’est très complémentaire par rapport aux autres activités. Ils ont aussi une grande expertise dans les centres de reconditionnement. L’année 2022 a été dure pour tout le monde. Mais le redémarrage est fort.
JA. Que vous apporte Aramis dans la digitalisation des ventes ?
X.D. : Pour l’instant, notre digitalisation passe par le site Spoticar qui reçoit 1,3 million de visiteurs. Nous proposons la réservation en ligne. Mais nous voulons aller plus loin en offrant la possibilité aux clients de nous acheter des voitures en ligne dès la fin du premier semestre de cette année. Même si la livraison se fera en point de vente.
JA. Le marché va‑t‑il revenir aux mains des professionnels, notamment avec la montée en puissance de la LOA ?
X.D. : Sans doute, compte tenu du besoin croissant d’expertise. Sans être méchant, les particuliers, qui vendent leur VO sur le bord des nationales, ne sont pas très bien armés pour vendre des véhicules électriques d’occasion. Seront‑ils capables de faire le diagnostic de l’état de la batterie ? D’avoir des recharges sur leur point de vente ? De faire des engagements de buy‑back sur des VE ? Ils seront sans doute exclus de ce marché dans les prochaines années. C’est pour cela que notre réseau Spoticar est bien armé.
JA. Comment est abordé le sujet du VO dans les futurs contrats retailer du groupe ?
X.D. : Il n’y a pas de changements d’autant que l’activité VO n’est pas régie par un contrat. Mais dans ce nouveau contrat, l’agent ne doit pas prendre de risques. Nous allons donc offrir aux concessionnaires la possibilité de garantir la reprise, grâce à Autobiz. Mais l’agent pourra décider également de le faire. Le VO est essentiel pour les groupes de distribution et constitue une bonne partie de la rentabilité. C’est un vrai domaine de liberté pour le réseau et cela reste inchangé.
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