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Constructeurs

Volvo en zone de turbulences

Publié le 25 novembre 2025

Par Christophe Bourgeois
10 min de lecture
Après un début d’année 2025 marqué par une forte baisse de ses immatriculations, Volvo s’attelle à corriger le tir. Entre fiscalité défavorable, transition industrielle de l’EX30 et montée en puissance de Polestar et Lynk & Co, la marque suédoise revoit sa stratégie pour retrouver de la compétitivité sur un marché premium en pleine recomposition.
Volvo difficultés 2025
Les immatriculations de Volvo en France ont reculé de 44,2 % à fin septembre 2025, avec 7 688 unités. ©Volvo

Que se passe‑t‑il chez Vol­vo ? Depuis début 2025, la marque a enregistré une très forte baisse de ses immatriculations. Elles ont reculé de 44,2 % pour atteindre 7 688 unités. "2025 est en effet compliquée, mais la marque nous accompagne, ex­plique un concessionnaire situé au nord de la Loire. Nous allons réus­sir à atteindre nos objectifs et Volvo a su adapter sa politique commer­ciale pour se repositionner face à une concurrence très agressive."

 

"Volvo a rencontré des problèmes de qualité au lancement de l’EX30, ajoute un autre concessionnaire. Cela a nui à l’image de la marque, d’autant plus qu’il s’agissait d’un modèle de conquête, destiné à une nouvelle clientèle. En outre, la gamme n’est plus adaptée au marché. Le XC60, autrefois best‑seller, a désormais plus de huit ans et le XC90 est devenu beaucoup trop cher par rapport à l’ancienne génération. Les clients n’ont pas suivi. Quant à l’EX90, il n’existe pas de véritable marché en France pour vendre des voitures élec­triques à 100 000 euros."

 

 

Les chiffres lui donnent raison : si l’EX90 est nu­méro un des ventes sur le segment E, il ne domine qu’un marché d’environ… 300 véhicules ! Ce dernier a été divisé par huit en quelques années à cause de la fiscalité. Un autre distributeur pour­suit : "Je pense que Volvo s’est trompé de stratégie en allant vers le tout‑élec­trique et en négligeant les hybrides."

 

Le stand Lynk & Co au salon de Lyon 2025. ©JA

 

Une fiscalité difficile

 

Yves Pasquier‑Desvignes, président de Volvo Cars France, ne s’oppose pas à toutes les critiques du ré­seau, mais apporte des précisions : "En mars 2024, l’EX30 a bénéficié du bonus, ce qui nous a permis d’en­registrer de nombreuses commandes. Nous avons livré 3 000 véhicules en trois mois. Mais l’arrivée de l’écoscore a profondément modifié sa trajec­toire. Deuxième difficulté : la fiscalité sur les hybrides rechargeables, mise en place en 2025. Sur le dernier trimestre 2024, nous avons donc mené une très importante campagne de communication pour écouler les véhi­cules. Résultat : en 2024, nous avons facturé 20 000 unités, un record, d’au­tant plus que nous avions encore des reliquats de 2023. C’est un record car habituellement, nous sommes autour des 14 000 exemplaires."

 

L’atterrissage en 2025 est donc brutal : le portefeuille de commandes a été résorbé, la fiscalité sur les hybrides rechargeables se fait pleinement sentir et le modèle le plus vendu, l’EX30, n’a bénéficié de l’écoscore qu’à la mi‑juil­let, lorsque la production a été rapa­triée de Chine vers l’usine belge de Gand.

 

"Depuis, nous avons retrou­vé des couleurs avec ce modèle ; les commandes ont progressé de 60 %", indique Yves Pasquier‑Desvignes. Néanmoins, au global, les commandes de Volvo ont baissé de 6 %. "Nous revenons sur un marché réel ; nous visons 14 000 commandes d’ici à la fin de l’année", glisse‑t‑il, tout en reconnaissant que certaines gammes, comme les modèles des familles 60 et 90, souffrent de la fiscalité.

 

 

Car Volvo reste avant tout une marque BtoB : ce canal représente entre 60 et 65 % des immatricula­tions. "Nous devons absolument nous tourner vers d’autres ca­naux pour respirer", indique‑t‑il.

 

Quant aux problèmes rencontrés sur l’EX30, là encore, Yves Pas­quier‑Desvignes ne les élude pas : "Ils sont aujourd’hui réglés, mais il est plus facile de se faire pardonner par ses clients fidèles que par de nou­veaux entrants", admet‑il.

 

Enfin, concernant la politique commer­ciale, il reconnaît que 2025 a été une année compliquée : "Nous avons dû faire face à une concurrence exa­cerbée, très agressive, tant de la part de Tesla que des constructeurs allemands qui ont, dans certains cas, proposé des mensualités de segment B pour des véhicules de segment C ! Nous avons mis du temps à réagir, mais aujourd’hui, nous avons les moyens d’affronter la situation."

 

Polestar a ouvert sept points de vente depuis son lancement en France en juin 2025 et compte s’appuyer à terme sur une vingtaine d’adresses. ©Polestar Space Le Mans

 

Un réseau Volvo mis à contribution

 

Pour Volvo, cette forte évolution du marché s’accompagne de change­ments inédits avec l’arrivée de Po­lestar et de Lynk & Co au sein du réseau qui ne se fait pas sans heurts. "La stratégie du groupe Geely ne pa­raît pas très cohérente et fonctionne trop en silo", relève un distributeur.

 

"La gouvernance à trois ne tien­dra pas, car cela coûtera trop cher", poursuit un concessionnaire du sud de la France. Pour l’instant, chacune des trois marques fonctionne de ma­nière indépendante. Un exemple ? Si le siège de Volvo abrite les bureaux de Lynk & Co, Polestar en cherche encore activement.

 

"100 % du réseau Volvo peut accueil­lir les panneaux SAV de Lynk & Co et Polestar, précise Yves Pasquier‑Des­vignes. Concernant la distribution des véhicules, ces nouvelles marques s’appuient uniquement sur le réseau Volvo, mais dans des espaces qui leur sont propres, avec des vendeurs et des politiques commerciales dédiés." Ce dernier rappelant que Volvo est sorti du capital de Lynk & Co et ne détient qu’environ 18 % de Polestar.

 

Lynk & Co, qui travaille depuis deux ans à la constitution de son réseau, a signé 22 contrats en juin dernier pour des ouvertures d’ici fin 2025, tandis que Polestar a déjà ouvert 7 sites à la mi‑octobre et prévoit d’en inaugurer 3 à 5 autres d’ici la fin de l’année. "Nous travaillons déjà avec 80 % du réseau en après‑vente", rap­pelle Stéphane Le Guével, directeur général de Polestar France.

 

Concurrence interne

 

Si certains accueillent volontiers Po­lestar, c’est plus compliqué pour Lynk & Co. Certains concessionnaires sont d’ailleurs assez remontés. "Lorsque la marque est arrivée, Alain Visser (l’ancien patron européen de Lynk & Co, NDLR) a dit qu’il n’avait pas besoin du réseau, tempête un concessionnaire. Les clubs Lynk & Co ont été un concept inepte ! Maintenant que les ventes sont catas­trophiques, la marque vient nous voir pour commercialiser ses modèles !"

 

Une posture ? "La colère est légitime, mais dans la situation actuelle du ré­seau Volvo, dont une partie distribue des marques difficiles comme Jaguar Land Rover, Lynk & Co peut représen­ter une porte de sortie", observe un fin connaisseur du dossier.

 

Se pose également la question de la concurrence. Les produits des trois marques sont positionnés sur le premium, mais la politique com­merciale de Lynk & Co est plus agressive.

 

Polestar balaie la question d’un revers de main. "L’ennemi est en dehors du building, insiste Stéphane Le Guével, qui rappelle que Volvo réalise environ 1 % de part de marché en France. J’amène un client supplémentaire au réseau et, parmi les premiers retours, j’observe que les acheteurs hésitent avec le premium allemand ou Tesla, mais pas avec Vol­vo. Le marché du premium en France représente 15 % des immatriculations et sur ce volume, un tiers des véhicules est électrique. Notre objectif est d’être dans le top 3 des marques élec­triques haut de gamme en Europe."

 

"C’est la première fois que Volvo se re­trouve avec une concurrence interne, comme c’est le cas chez Stellantis ou Volkswagen, note un distributeur du Nord‑Ouest. Même si nous n’avons pas l’habitude de cette situation, je préfère avoir de la concurrence interne plutôt qu’avec BYD ou XPeng."

 

"Je pense que les marques Polestar et Lynk & Co seront complémentaires de Volvo, mais pas concurrentes", ajoute un concessionnaire du Grand Est, qui souligne néanmoins que Polestar bé­néficie de l’image de marque de Volvo, ce qui n’est pas le cas de Lynk & Co. "Chez les clients Volvo, le nom de Po­lestar est connu", conclut‑il.

 

Reste à implanter ces nouvelles marques, ce qui suppose de disposer d’espace. Certains reconditionnent d’anciens bâtiments, d’autres ins­tallent les nouvelles enseignes à distance des concessions Volvo. "Nous allons démarrer doucement pour voir comment le marché réagit, puis nous nous développerons si cela fonctionne", expliquent, prudents, plusieurs concessionnaires.

 

Mais les distributeurs risquent rapide­ment de se heurter à un problème : celui de la place. Si Lynk & Co ne commercialise pour l’instant que trois modèles en France, la marque dispose d’une gamme complète de neuf véhicules.

 

De son côté, Poles­tar en annonce cinq. "Les showrooms Volvo ne sont pas des cathédrales, glisse Yves Pasquier‑Desvignes. Et comme le marché est très concurrentiel, il faut impérativement séparer les marques. »

 

 

Malgré une année 2025 très com­pliquée, le réseau reste confiant pour la suite. "Volvo a arrêté de s’enfermer dans le tout-électrique et s’adapte aux attentes du marché", souligne un concessionnaire.

 

"Nous allons tout faire pour que notre ré­seau soit à l’équilibre en 2025, grâce à la bonne tenue de l’occasion et à l’activité après‑vente. Le VN en 2026 ne sera pas forcément meilleur, mais nous travaillerons pour maintenir le niveau", conclut Yves Pasquier‑Des­vignes. L’arrivée des nouvelles marques pourrait, peut‑être, redon­ner quelques couleurs à l’ensemble.

 

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Quarante concessions Lynk & Co d’ici 2026

 

 

À fin octobre, 13 concessions Lynk & Co étaient ouvertes et la marque compte atteindre les 20 à 25 points de vente à la fin de l’année, puis 40 en 2026. En parallèle, elle dispose déjà de 60 ateliers agréés en France.

 

Aujourd’hui, la marque est distri­buée par les groupes Bidaud à Athis‑Mons (91), Sofilio aux Sables-d’Olonne (85) et à Nantes (44), Thibault Optimum au Mans (72), Cachet Giraud à Poitiers (86) et à Niort (79), Saint‑Christophe à Nancy (54), Elypse Autos à Colmar (68) et Vulcain, à Lyon (69) et prochainement à Saint‑Étienne (42).

 

"Les standards reprennent l’esprit des clubs Lynk & Co que nous avons ouverts un peu partout en Europe (sauf en France, NDLR), adapté pour les concessions", présente Michael Meyer, responsable du développement réseau de Lynk & Co en France, en Belgique et aux Pays‑Bas.

 

Contrairement à Polestar, Lynk & Co s’appuie sur un contrat de conces­sion. Si la marque ne communique pas sur le coût des standards, elle demande au réseau de distribution un minimum de 150 m², afin d’exposer les trois modèles de la gamme, les PHEV 01 et 08 et l’électrique 02, ainsi qu’un vendeur dédié.

 

Avec cette nouvelle stratégie de distribution, Lynk & Co, dont les ventes peinent à décoller en France (519 en 2024), mais qui ont progressé sur les neuf premiers mois de 2025 avec 661 unités (+34,3 %), compte immatriculer 3 000 véhicules d’ici la fin de l’année et passer à 6 000 en 2026, soit en moyenne 150 unités par point de vente.

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