Volvo en zone de turbulences

Que se passe‑t‑il chez Volvo ? Depuis début 2025, la marque a enregistré une très forte baisse de ses immatriculations. Elles ont reculé de 44,2 % pour atteindre 7 688 unités. "2025 est en effet compliquée, mais la marque nous accompagne, explique un concessionnaire situé au nord de la Loire. Nous allons réussir à atteindre nos objectifs et Volvo a su adapter sa politique commerciale pour se repositionner face à une concurrence très agressive."
"Volvo a rencontré des problèmes de qualité au lancement de l’EX30, ajoute un autre concessionnaire. Cela a nui à l’image de la marque, d’autant plus qu’il s’agissait d’un modèle de conquête, destiné à une nouvelle clientèle. En outre, la gamme n’est plus adaptée au marché. Le XC60, autrefois best‑seller, a désormais plus de huit ans et le XC90 est devenu beaucoup trop cher par rapport à l’ancienne génération. Les clients n’ont pas suivi. Quant à l’EX90, il n’existe pas de véritable marché en France pour vendre des voitures électriques à 100 000 euros."
Les chiffres lui donnent raison : si l’EX90 est numéro un des ventes sur le segment E, il ne domine qu’un marché d’environ… 300 véhicules ! Ce dernier a été divisé par huit en quelques années à cause de la fiscalité. Un autre distributeur poursuit : "Je pense que Volvo s’est trompé de stratégie en allant vers le tout‑électrique et en négligeant les hybrides."

Le stand Lynk & Co au salon de Lyon 2025. ©JA
Une fiscalité difficile
Yves Pasquier‑Desvignes, président de Volvo Cars France, ne s’oppose pas à toutes les critiques du réseau, mais apporte des précisions : "En mars 2024, l’EX30 a bénéficié du bonus, ce qui nous a permis d’enregistrer de nombreuses commandes. Nous avons livré 3 000 véhicules en trois mois. Mais l’arrivée de l’écoscore a profondément modifié sa trajectoire. Deuxième difficulté : la fiscalité sur les hybrides rechargeables, mise en place en 2025. Sur le dernier trimestre 2024, nous avons donc mené une très importante campagne de communication pour écouler les véhicules. Résultat : en 2024, nous avons facturé 20 000 unités, un record, d’autant plus que nous avions encore des reliquats de 2023. C’est un record car habituellement, nous sommes autour des 14 000 exemplaires."
L’atterrissage en 2025 est donc brutal : le portefeuille de commandes a été résorbé, la fiscalité sur les hybrides rechargeables se fait pleinement sentir et le modèle le plus vendu, l’EX30, n’a bénéficié de l’écoscore qu’à la mi‑juillet, lorsque la production a été rapatriée de Chine vers l’usine belge de Gand.
"Depuis, nous avons retrouvé des couleurs avec ce modèle ; les commandes ont progressé de 60 %", indique Yves Pasquier‑Desvignes. Néanmoins, au global, les commandes de Volvo ont baissé de 6 %. "Nous revenons sur un marché réel ; nous visons 14 000 commandes d’ici à la fin de l’année", glisse‑t‑il, tout en reconnaissant que certaines gammes, comme les modèles des familles 60 et 90, souffrent de la fiscalité.
Car Volvo reste avant tout une marque BtoB : ce canal représente entre 60 et 65 % des immatriculations. "Nous devons absolument nous tourner vers d’autres canaux pour respirer", indique‑t‑il.
Quant aux problèmes rencontrés sur l’EX30, là encore, Yves Pasquier‑Desvignes ne les élude pas : "Ils sont aujourd’hui réglés, mais il est plus facile de se faire pardonner par ses clients fidèles que par de nouveaux entrants", admet‑il.
Enfin, concernant la politique commerciale, il reconnaît que 2025 a été une année compliquée : "Nous avons dû faire face à une concurrence exacerbée, très agressive, tant de la part de Tesla que des constructeurs allemands qui ont, dans certains cas, proposé des mensualités de segment B pour des véhicules de segment C ! Nous avons mis du temps à réagir, mais aujourd’hui, nous avons les moyens d’affronter la situation."

Polestar a ouvert sept points de vente depuis son lancement en France en juin 2025 et compte s’appuyer à terme sur une vingtaine d’adresses. ©Polestar Space Le Mans
Un réseau Volvo mis à contribution
Pour Volvo, cette forte évolution du marché s’accompagne de changements inédits avec l’arrivée de Polestar et de Lynk & Co au sein du réseau qui ne se fait pas sans heurts. "La stratégie du groupe Geely ne paraît pas très cohérente et fonctionne trop en silo", relève un distributeur.
"La gouvernance à trois ne tiendra pas, car cela coûtera trop cher", poursuit un concessionnaire du sud de la France. Pour l’instant, chacune des trois marques fonctionne de manière indépendante. Un exemple ? Si le siège de Volvo abrite les bureaux de Lynk & Co, Polestar en cherche encore activement.
"100 % du réseau Volvo peut accueillir les panneaux SAV de Lynk & Co et Polestar, précise Yves Pasquier‑Desvignes. Concernant la distribution des véhicules, ces nouvelles marques s’appuient uniquement sur le réseau Volvo, mais dans des espaces qui leur sont propres, avec des vendeurs et des politiques commerciales dédiés." Ce dernier rappelant que Volvo est sorti du capital de Lynk & Co et ne détient qu’environ 18 % de Polestar.
Lynk & Co, qui travaille depuis deux ans à la constitution de son réseau, a signé 22 contrats en juin dernier pour des ouvertures d’ici fin 2025, tandis que Polestar a déjà ouvert 7 sites à la mi‑octobre et prévoit d’en inaugurer 3 à 5 autres d’ici la fin de l’année. "Nous travaillons déjà avec 80 % du réseau en après‑vente", rappelle Stéphane Le Guével, directeur général de Polestar France.
Concurrence interne
Si certains accueillent volontiers Polestar, c’est plus compliqué pour Lynk & Co. Certains concessionnaires sont d’ailleurs assez remontés. "Lorsque la marque est arrivée, Alain Visser (l’ancien patron européen de Lynk & Co, NDLR) a dit qu’il n’avait pas besoin du réseau, tempête un concessionnaire. Les clubs Lynk & Co ont été un concept inepte ! Maintenant que les ventes sont catastrophiques, la marque vient nous voir pour commercialiser ses modèles !"
Une posture ? "La colère est légitime, mais dans la situation actuelle du réseau Volvo, dont une partie distribue des marques difficiles comme Jaguar Land Rover, Lynk & Co peut représenter une porte de sortie", observe un fin connaisseur du dossier.
Se pose également la question de la concurrence. Les produits des trois marques sont positionnés sur le premium, mais la politique commerciale de Lynk & Co est plus agressive.
Polestar balaie la question d’un revers de main. "L’ennemi est en dehors du building, insiste Stéphane Le Guével, qui rappelle que Volvo réalise environ 1 % de part de marché en France. J’amène un client supplémentaire au réseau et, parmi les premiers retours, j’observe que les acheteurs hésitent avec le premium allemand ou Tesla, mais pas avec Volvo. Le marché du premium en France représente 15 % des immatriculations et sur ce volume, un tiers des véhicules est électrique. Notre objectif est d’être dans le top 3 des marques électriques haut de gamme en Europe."
"C’est la première fois que Volvo se retrouve avec une concurrence interne, comme c’est le cas chez Stellantis ou Volkswagen, note un distributeur du Nord‑Ouest. Même si nous n’avons pas l’habitude de cette situation, je préfère avoir de la concurrence interne plutôt qu’avec BYD ou XPeng."
"Je pense que les marques Polestar et Lynk & Co seront complémentaires de Volvo, mais pas concurrentes", ajoute un concessionnaire du Grand Est, qui souligne néanmoins que Polestar bénéficie de l’image de marque de Volvo, ce qui n’est pas le cas de Lynk & Co. "Chez les clients Volvo, le nom de Polestar est connu", conclut‑il.
Reste à implanter ces nouvelles marques, ce qui suppose de disposer d’espace. Certains reconditionnent d’anciens bâtiments, d’autres installent les nouvelles enseignes à distance des concessions Volvo. "Nous allons démarrer doucement pour voir comment le marché réagit, puis nous nous développerons si cela fonctionne", expliquent, prudents, plusieurs concessionnaires.
Mais les distributeurs risquent rapidement de se heurter à un problème : celui de la place. Si Lynk & Co ne commercialise pour l’instant que trois modèles en France, la marque dispose d’une gamme complète de neuf véhicules.
De son côté, Polestar en annonce cinq. "Les showrooms Volvo ne sont pas des cathédrales, glisse Yves Pasquier‑Desvignes. Et comme le marché est très concurrentiel, il faut impérativement séparer les marques. »
Malgré une année 2025 très compliquée, le réseau reste confiant pour la suite. "Volvo a arrêté de s’enfermer dans le tout-électrique et s’adapte aux attentes du marché", souligne un concessionnaire.
"Nous allons tout faire pour que notre réseau soit à l’équilibre en 2025, grâce à la bonne tenue de l’occasion et à l’activité après‑vente. Le VN en 2026 ne sera pas forcément meilleur, mais nous travaillerons pour maintenir le niveau", conclut Yves Pasquier‑Desvignes. L’arrivée des nouvelles marques pourrait, peut‑être, redonner quelques couleurs à l’ensemble.
------------------------------------------------------------------------
Quarante concessions Lynk & Co d’ici 2026
À fin octobre, 13 concessions Lynk & Co étaient ouvertes et la marque compte atteindre les 20 à 25 points de vente à la fin de l’année, puis 40 en 2026. En parallèle, elle dispose déjà de 60 ateliers agréés en France.
Aujourd’hui, la marque est distribuée par les groupes Bidaud à Athis‑Mons (91), Sofilio aux Sables-d’Olonne (85) et à Nantes (44), Thibault Optimum au Mans (72), Cachet Giraud à Poitiers (86) et à Niort (79), Saint‑Christophe à Nancy (54), Elypse Autos à Colmar (68) et Vulcain, à Lyon (69) et prochainement à Saint‑Étienne (42).
"Les standards reprennent l’esprit des clubs Lynk & Co que nous avons ouverts un peu partout en Europe (sauf en France, NDLR), adapté pour les concessions", présente Michael Meyer, responsable du développement réseau de Lynk & Co en France, en Belgique et aux Pays‑Bas.
Contrairement à Polestar, Lynk & Co s’appuie sur un contrat de concession. Si la marque ne communique pas sur le coût des standards, elle demande au réseau de distribution un minimum de 150 m², afin d’exposer les trois modèles de la gamme, les PHEV 01 et 08 et l’électrique 02, ainsi qu’un vendeur dédié.
Avec cette nouvelle stratégie de distribution, Lynk & Co, dont les ventes peinent à décoller en France (519 en 2024), mais qui ont progressé sur les neuf premiers mois de 2025 avec 661 unités (+34,3 %), compte immatriculer 3 000 véhicules d’ici la fin de l’année et passer à 6 000 en 2026, soit en moyenne 150 unités par point de vente.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.

