Sérieux stress-test pour la Fiat de Sergio Marchionne
Tandis que le cours de l’action de Fiat n’en finit plus de dévisser, les agences de notation formulent ouvertement des doutes sur la stabilité du groupe. Ainsi, après Moody’s en septembre, Fitch Ratings vient de dégrader la note de Fiat Spa de BB+ à BB, faisant aussi de même pour Fiat Finance&Trade Ltd. Sergio Marchionne, administrateur délégué du groupe, a pourtant confirmé ses objectifs pour 2011 et 2012, malgré les lourdes incertitudes qui pèsent sur les marchés européens. Il a aussi confirmé la pertinence du rapprochement avec Chrysler : “Sur le long terme, Fiat et Chrysler n’auraient pas pu s’en sortir tout seuls. Fiat était notamment trop petit et trop handicapé par les lacunes de son business-modèle en Europe”. Emanuele Vizzini, financier cité par Bloomberg, ne dit pas autre chose : “Fiat serait aujourd’hui très vulnérable sans Chrysler, avec très peu d’options industrielles et financières à sa disposition”, sans que cela ne rassure pour autant les analystes.
Les parts de marché du groupe se délitent
Emmanuel Bulle, analyste senior pour Fitch Europe, assène ainsi : “Notre décision de dégrader la note du groupe est basée sur le profil financier de Fiat, mais prend aussi en compte les risques à court terme du rapprochement de Fiat et Chrysler LLC, surtout que l’environnement concurrentiel se durcit”. D’autant que si Chrysler voit actuellement ses ventes rebondir aux Etats-Unis, le groupe n’apparaît pas pour autant d’une solidité à toute épreuve. Et un analyste de Moody’s rappelait récemment que ses ventes sont passées de 2,1 millions à 1,1 million de véhicules en l’espace de cinq ans. De son côté, Fiat perd du terrain en Europe avec des ventes en recul de 13 % entre août 2011 et août 2010 et une part de marché déclinant au diapason, 8,2 % contre 7,3 %. De surcroît, la crise qui frappe l’Italie avec rudesse se traduit dans les résultats commerciaux du groupe et pis encore, dans sa part de marché, passée de 34 % mi-2009 à moins de 30 % à fin août 2011.
Une trop forte dépendance au Brésil et à l’Italie
Au-delà de l’instabilité sociale dans les sites italiens, le puissant syndicat Fiom ayant récemment appelé à la grève, les doutes portant sur Fiat se cristallisent essentiellement autour de trois éléments. D’une part, la dépendance du groupe à deux marchés, l’Italie et le Brésil, est jugée problématique, surtout que l’économie italienne mettra quelques années à retrouver un semblant d’allant. “En outre, la concurrence devient plus âpre au Brésil, notamment par le biais de l’arrivée de nouveaux entrants, et la part de marché de Fiat se trouve clairement menacée, surtout que la croissance de ce marché devrait ralentir après des années dorées”, explique Emmanuel Bulle, avant de poursuivre : “Il ne faut pas oublier non plus que la profitabilité de Fiat est très liée aux ventes de VUL, un marché qui suit de près les tendances générales de l’économie et qui pourrait donc s’affaiblir”.
Absent des RIC et de l’actualité produits
D’autre part, le groupe Fiat est cruellement absent sur les marchés à forte croissance, aussi bien en Chine qu’en Russie ou en Inde. “Sa présence est marginale sur ces marchés à forte croissance et à fort potentiel”, résume Emmanuel Bulle. Une lourde faille structurelle qui “vient s’ajouter à une absence totale du segment Premium et à la faiblesse récurrente des marques Lancia et Alfa Romeo”. Enfin, le plan produits suscite des interrogations et le groupe souffre de plus d’une trop grande dépendance à un nombre réduit de modèles (Punto, 500 et Panda). La priorité a clairement été donnée à Chrysler dans ce domaine : la marque américaine a multiplié les lancements et les restylages depuis juin 2009 quand Fiat attend une présentation emblématique, hors moteurs, depuis 2007 ! Désormais, le temps presse et la tension est palpable au Lingotto dans la mesure où de nombreux projets phares ont été reportés. C’est le cas de la nouvelle Panda dont le lancement s’annonce névralgique. Et surtout à hauts risques car la concurrence s’est renforcée, avec une nouvelle Twingo et la gamme Up! par exemple. Selon Henner Lehne, directeur des prévisions de ventes d’IHS Automotive, la citadine de Volkswagen a de fortes chances de faire mal aux ventes de la Panda. Autant d’éléments qui justifient que Moody’s et Fitch, en plus de dégrader la note de Fiat, lui attribuent une perspective négative à long terme. Toutefois, le plan produits de Fiat présenté par Sergio Marchionne prévoit 23 nouveautés d’ici 2016, ce qui pourrait enrayer le repli du groupe, surtout si les marchés européens retrouvent leur boussole. Les analystes posent néanmoins la question : doit-on encore faire pleinement confiance à Sergio Marchionne, jadis qualifié par Gilles Michel “d’excellent joueur de poker” ?
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