Peugeot : Un éveil paradoxal
...et l'enjeu des énergies alternatives viennent quelque peu ternir les perspectives d'avenir.
Gamme : sécheresse et profusion
La gamme Peugeot se distingue par sa cohérence et sa densité sur les segments "gammes inférieures" (qui représente environ 34 % du marché en France) et "moyennes inférieures" (qui pèse près de 45 % du marché hexagonal). Le tandem 206/207 tient le haut du pavé : en France, sur les cinq premiers mois de l'année, il affiche un taux de pénétration de 8,5 % ce qui en fait le leader du segment B2 ; en Europe de l'Ouest (18 pays), il figure en seconde position du marché, tous modèles confondus. D'une manière générale, le segment B est le principal terrain de jeu de la marque : 206/207, 107 et 1007 ont totalisé 952 000 ventes dans le monde en 2007 pour un volume global de 1 967 000 unités ! Par ailleurs, dans la catégorie "moyennes inférieures", le couple 307/308 se maintient à un très bon niveau, grâce au lancement réussi de la 308. En France, elle vient d'enregistrer sa meilleure performance depuis son lancement (4,3 % de pénétration en mai pour 3,8 % depuis le début de l'année). Des résultats qui devraient se pérenniser, d'autant qu'après un trou d'air dans la transition entre 307 SW et 308 SW, Peugeot a retrouvé le bon cap. Mais ensuite, le tableau est moins reluisant… Si la 407 a tenu son rang sur le marché des berlines et qu'elle vient de bénéficier du traditionnel restylage des modèles en fin de cycle, la 408 aura fort à faire sur un segment en perpétuelle érosion et caractérisé par un âpre jeu concurrentiel, encore aiguillonné par la remise à niveaux de certains constructeurs (C5 pour Citroën, Insignia chez Opel, etc.). Reste à évoquer les lacunes de la marque. Sur le segment des 4x4 et autres crossovers, Peugeot arrive vraisemblablement après la bataille et les timides débuts du 4007 ne sauraient s'expliquer seulement à l'aune de l'effet écopastille. En outre, si le choix d'un partenariat avec Mitsubishi se justifie pleinement sous l'angle industriel, il a pour corollaire de réduire la marge de manœuvre sur le modèle. Pas facile, dans ces conditions, d'installer la marque sur un segment où les références sont bien établies dans l'esprit des clients. Par ailleurs, la marque est absente du Premium et hormis quelques versions vitaminées de modèles de gamme moyenne, elle n'évolue pas non plus dans le champ des véhicules sportifs. Enfin et surtout, Peugeot est absent du segment des monospaces, les volumes du 807 étant confidentiels. La situation va évoluer puisque Christian Streiff a rendu caduc le leitmotiv "les breaks pour Peugeot, les monospaces pour Citroën". Certes, mais la tâche de Peugeot n'en demeurera pas moins très ardue sur un segment saturé où tout sera affaire de conquête de clients. Au final, il apparaît clairement que la gamme de Peugeot est scindée en deux parties très hétérogènes. Trop hétérogènes mêmes. L'ambitieux plan produits annoncé par Christian Streiff devrait y remédier, mais la route sera longue. Enfin, impossible de ne pas terminer ce tour d'horizon sans la note positive apportée par les VUL. Grâce au trio Partner-Expert-Boxer, Peugeot collectionne les bons résultats en Europe de l'Ouest : 8,8 % de parts de marché en 2007 contre 8,4 % en 2006, par exemple. Et l'arrivée du Bipper et le lancement du nouveau Partner, qui devrait représenter 50 000 ventes dans le monde en 2009, vont alimenter ce dynamisme.
ZOOMStabilité du réseau français |
Internationalisation : les travaux d'Hercule
Peugeot reste avant tout une marque ouest-européenne. Toujours solide sur son marché domestique, avec 17 % de pénétration, elle a réalisé, en 2007, 1 226 100 immatriculations en Europe de l'Ouest sur un total de 1 967 000. Après la Grande-Bretagne (146 100 immatriculations pour 6,1 % de pénétration sur le marché VP et 4,8 % de pénétration sur le VUL en 2007), Peugeot brille sur les marchés latins. En revanche, la marque est en retrait en Allemagne, avec 3 % de parts de marché VP (93 700 unités en 2007) et 3,2 % sur le VUL (7 200 unités en 2007). Dans le périmètre de l'Europe de l'Ouest (18 pays), chacun sait qu'on ne peut que grignoter des parts de marché, tant ces marchés sont matures et la concurrence affûtée. Dès lors, la croissance promise par la direction du groupe passe par d'autres horizons. En Europe Centrale, Peugeot fait mieux que d'accompagner la croissance de la zone, + 11 % en 2007, avec une progression de 16,4 %, et notamment une belle présence en Pologne. Par ailleurs, Peugeot continue de croître en Amérique Latine : 180 000 ventes en 2007, soit + 14 % par rapport à 2006. Son business est logiquement florissant sur les marchés-phares que sont le Brésil (80 600 ventes en 2007) et l'Argentine (60 000 ventes). C'est ensuite que les choses se corsent… Etant entendu que la marque est absente du marché nord-américain et qu'un "retour" sur ce marché n'est ni d'actualité ni opportun par les temps qui courent, les perspectives de croissance se situent dans les BRIC. En l'occurrence, surtout les "RIC". Or Peugeot n'est guère en avance sur ce dossier. Ainsi, en Chine, si la marque a progressé de 14 % en 2007, à 93 000 ventes, elle n'a pas suivi le rythme du marché (+ 24 %) et a peiné à maintenir sa maigrelette pénétration (1,8 %). A l'image de PSA, Peugeot est distancé par la plupart de ses concurrents sur un "eldorado" qui rime toujours avec croissance annuelle à deux chiffres (+ 17 % sur les cinq premiers mois de 2008). Si les deux situations ne sont pas strictement comparables, la marque est aussi en retrait en Russie. Certains chiffres sont trompeurs : certes Peugeot a enregistré une croissance de 63 % de ses ventes entre 2007 et 2006, à 26 000 unités, (pour 36 157 ventes de PSA à + 33 %), mais l'écart qui le sépare de ses concurrents va aussi croissant (voir tableau page 33). Consciente du problème, la direction de PSA a pris plusieurs décisions. Sous l'angle industriel, PSA accélère le mouvement : la première pierre de l'usine russe commune PSA-Mitsubishi vient d'être posée à Kalouga et le site sera opérationnel en 2011 (avec une capacité de production de 110 000 unités pouvant être portée, à terme, à 300 000 unités), tandis qu'en Chine, l'usine de Wuhan entrera en production en 2009, portant la capacité totale du groupe à 450 000 véhicules par an. De surcroît, le mémorandum signé avec Hafei et l'étude d'implantation d'un quatrième site témoignent de la volonté du groupe de passer à la vitesse supérieure, pour tenter d'atteindre en 2015 la barre symbolique du million de ventes. Par ailleurs, du point de vue de la distribution, Peugeot investit aussi des sommes importantes. En Russie, le réseau est passé de 28 à 39 distributeurs entre 2006 et 2007 et 15 ouvertures de Blue Box sont prévues cette année. En Chine, après une refonte totale de la business unit, le réseau est aussi l'objet d'un soin particulier, même si Alexis Vannier, membre de l'équipe de communication Chine du groupe nous confiait récemment : "Le recrutement de concessionnaires ne pose aucun problème, surtout avec de grands groupes de distribution, dirigés par de jeunes investisseurs, qui se mettent en place, mais l'équilibre économique est plus difficile à trouver", avant d'ajouter : "L'une des difficultés consiste à suivre la croissance du marché en volume, mais aussi sous l'angle géographique car cela implique de gros investissements". En somme, Peugeot se donne actuellement les moyens de rattraper son retard sur les nouveaux marchés.
ZOOMVers un nouveau style Peugeot |
L'argument environnemental : un missile à courte portée
Actuellement, Peugeot fait partie des bons élèves par rapport au respect de l'environnement. Selon les études, la marque apparaît soit première, soit seconde, derrière Fiat, au classement par marques des émissions de CO2. Ce qui mérite d'être souligné et salué. La marque propose 72 versions de véhicules (107, 206, 207, 207 SW, 207 SW Outdoor, 207 CC et 308) qui émettent moins de 130 g de CO2, ce qui lui permet d'être leader des ventes de véhicules sur la tranche 121-130 g de CO2/km en France, avec une part de marché de près de 30 %. Sur la tranche 101-120 g, Peugeot détient une part de marché de 23,2 % qui la place en seconde position. Depuis le début de l'année, parmi les dix modèles émettant moins de 120 g de CO2/km, on trouve quatre modèles Peugeot. En outre, une Peugeot sur deux environ vendue actuellement en France, répond au label "Blue Lion", tandis que depuis 2001, la marque a commercialisé plus de un million de véhicules à moins de 120 g/km dans la zone Europe. Un bilan flatteur qui s'explique par la structure de la gamme de la marque et son mix des ventes, mais aussi par un travail pertinent sur l'optimisation des motorisations diesel et le FAP. Cependant, à moyen terme, l'enjeu écologique reste problématique… Et l'épisode de l'hybridation diesel, solution dont la commercialisation a été reportée et dont le champ d'application sera de surcroît réduit, ne fait que renforcer cette inquiétude. Inquiétude que n'estompent pas les déclarations que nous faisait récemment Jean-François Huère, alors chargé de communication, sur le dernier Challenge Bibendum Michelin : "Notre discours est honnête et pragmatique. Il y a encore du gras sur l'essence et le Diesel et il faut en profiter. Par ailleurs, en ce qui concerne l'hydrogène et les technologies fuel-cell, c'est trop lointain, nous n'en sommes pas encore là". En fait, Peugeot - plus exactement PSA dans son ensemble - n'est pas en avance sur le dossier des énergies alternatives. Quelques pistes, comme la récente présentation du démonstrateur H2Origin avec Intelligent Energy, le partenariat CEA, ou l'implication dans le projet Storhy sont certes intéressantes. Mais considérant l'ampleur des investissements nécessaires pour trouver des solutions dans ce domaine et les objectifs du Cap 2010, on doute fort que le groupe puisse y parvenir de façon autonome. Le recours à des partenariats ponctuels pourrait être une solution. L'éventuel accord de coopération avec Mitsubishi pour développer des véhicules électriques irait d'ailleurs dans ce sens. Mais il faut faire vite…
ZOOMEurorepar version Peugeot |
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