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Constructeurs

Patrick le Quément, directeur du design industriel du groupe Renault.

Publié le 14 mars 2008

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Il dessinait vraiment comme un Dieu.Figure emblématique du design, Patrick Le Quément a connu et dirigé Jean-Pierre Ploué durant des années très fécondes chez Renault. Il revient sur ces riches heures et ne tarit pas d'éloges sur "un garçon...
Il dessinait vraiment comme un Dieu.Figure emblématique du design, Patrick Le Quément a connu et dirigé Jean-Pierre Ploué durant des années très fécondes chez Renault. Il revient sur ces riches heures et ne tarit pas d'éloges sur "un garçon...

...très fin et très intelligent". Hommage d'une légende à une autre légende.

Journal de l'Automobile. Quels sont vos premiers souvenirs de Jean-Pierre Ploué, vous qui l'avez connu et encadré durant ce qu'on peut appeler l'une des périodes dorées du style Renault ?
Patrick le Quément. Jean-Pierre était déjà là quand j'ai rejoint Renault et c'est vrai qu'il y avait à ce moment un groupe de designers de très grand talent au sein du département. Je pourrais en citer beaucoup, mais si je me tiens à ceux qui se faisaient le plus remarquer, j'évoquerais Jean-Pierre et Thierry (Ndlr : Metroz). En plus, ils étaient toujours ensemble, ils portaient des santiags et avaient tous les deux une Berlinette : on les appelait les jumeaux, d'autant qu'ils travaillaient aussi souvent sur les mêmes projets. Pour en revenir à Jean-Pierre, c'était sans doute le plus épanoui des designers. Oui, il s'est épanoui plus vite que d'autres. Son travail chez nous est connu : Twingo, Clio, Clio 2, Laguna, roadster Laguna, Argos… Mais il y a des choses que l'on sait moins. Ainsi, en 1988, j'ai lancé deux projets et je lui ai demandé de faire les illustrations : il y avait le roadster Laguna, d'accord, mais aussi le concept-car Scenic ! Ensuite, Jean-Pierre n'est pas resté chez Renault et a rejoint Volkswagen, c'est la vie.

JA. A vos yeux, quelles sont les principales caractéristiques de Jean-Pierre Ploué ?
pL. C'est un garçon très généreux et vraiment très agréable à vivre. En fait, il correspond aux quatre critères d'embauches que nous avons chez Renault. Primo, il est tombé dans la potion magique automobile quand il était tout petit. Secundo, il dessinait très, très bien, avec un style très expressif et puissant. Oui, il dessinait vraiment comme un Dieu. Tertio, il savait travailler avec les autres et cela ne lui posait pas de problèmes, bien au contraire. Enfin, bien sûr, il a le talent.

JA. Quand on fait référence à cette époque et à ce groupe de designers, on a toujours l'écho d'une incroyable ébullition : le manager que vous êtes devait-il parfois canaliser tout cela ?
pL. C'est vrai que pour l'unité de la rue du port, ce n'était pas à proprement parler discipliné ! Il y avait une ambiance un peu Beaux-Arts, caractérisée par une énergie débordante et il fallait effectivement canaliser tout cela par moment. Parfois, l'ambiance était même potache ! Je me souviens par exemple qu'ils s'amusaient à scier chaque jour la chaise d'un de leur collègue d'un centimètre jusqu'à ce qu'il s'en rende compte…

JA. Quel est votre jugement de professionnel sur son travail à la tête du style de Citroën ?
pL. Son travail est spectaculaire, exemplaire et remarquable. Il a orchestré le renouveau de la marque et il l'a fait avec une étonnante rapidité. Et aujourd'hui, Citroën est de nouveau à la pointe du design.

JA. Est-ce que cela vous irrite quand on dit que Citroën est aujourd'hui la marque française la plus créative ou l'acceptez-vous, notamment au nom des cycles qui régissent la vie des marques automobiles ?
pL. Je pense que c'est une affaire de cycle. Et concernant Renault, je ne fais pas de souci, plus de souci en tout cas. Nous nous sommes cherchés un peu, mais nous avons retrouvé notre voie. Et je peux vous assurer que les modèles à venir sont très forts.

JA. Quand ses proches se projettent dans l'avenir de Jean-Pierre Ploué, ils ne l'imaginent pas vraiment attiré par la super-gestion du style à la tête d'un groupe, partagez-vous cette impression ?
pL. Je sais que c'est ce qu'on dit, mais il est difficile de répondre. Chez Renault, je le voyais avant tout comme un jeune avec un immense potentiel. Aujourd'hui, vu de l'extérieur, on voit aussi que la plupart des jeunes designers ont envie de rester proches du terrain. C'est très bien, mais pourtant, il est aussi capital que les designers aient accès à des places fortes dans les entreprises. Bref, pour Jean-Pierre, je pense que les choses peuvent évoluer dans quelques années. Quand il aura supervisé dix, quinze modèles et qu'il aura peut-être envie de peser plus encore. Le seul conseil que je peux lui donner, c'est de ne pas accepter d'être responsable du design et de la qualité en même temps. Mais je ne me fais pas de souci pour lui, c'est un garçon très fin, très intelligent.

JA. Etes-vous d'accord avec ceux qui disent qu'il a d'ores et déjà marqué l'histoire du design automobile ou pensez-vous que c'est encore un peu tôt pour le dire ?
pL. On peut le dire dès maintenant, je suis entièrement d'accord ! Jean-Pierre est un grand nom du design français. Il va laisser une trace majeure dans l'histoire de Citroën en particulier, et de l'automobile en général. On peut affirmer qu'il va marquer son époque.

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