"Nous sommes en position d’observation"
Journal de l’Automobile. Comment jugez-vous les 9 premiers mois du constructeur ?
Christophe Bertoncini. Globalement, nous sommes en ligne avec notre plan. Comme tout le monde, nous avons débuté 2010 avec un carnet de commandes sympathique. Aujourd’hui, les marques du groupe sont à peu près au même niveau que l’an dernier à la même époque. Nous sommes même un peu au-delà, puisqu’à fin août, Fiat Group représente entre 4,4 et 4,5 % de part de marché, contre 4,2 en 2009. Une marque se développe plus que les autres, c’est Alfa Romeo. Notamment grâce à la Giulietta. Un chiffre est d’ailleurs significatif : la marque fait 1 % de pénétration sur le seul mois de septembre. Cela montre sa montée en puissance. Lancia est quant à elle un peu en retrait. De manière générale, c’est donc assez satisfaisant. J’aimerais faire mieux, bien sûr. Mais nous suivons notre plan de marche malgré un marché compliqué et une décision stratégique qui aurait pu tromper nos résultats.
JA. C’est-à-dire ?
CB. Nous avons décidé de mettre un focus sur l’activité VN à particuliers et à sociétés. Nous avons, en effet, moins mis l’accent sur nos ventes directes vers les loueurs courte durée. Depuis janvier, nous avons réduit ces ventes de 20 % alors que ce marché est précisément en croissance de 20 %. Nos performances montrent donc bien que nous gagnons des parts de marché sur nos cibles prioritaires. Le réseau tient ainsi une position intéressante. Notamment auprès des particuliers, car Fiat Professionnal est en léger retrait. Mais cela s’explique structurellement parce que nous n’avons pas mis autant de pression sur le VU que les années précédentes. En revanche, sur le sujet, nous venons d’avoir une très bonne nouvelle avec l’élection du Doblò comme “Van of the year”. Cela va sans doute nous aider à remonter un peu nos ventes.
JA. L’arrêt de la prime à la casse et votre faible actualité produits risquent-elles de mettre un coup d’arrêt à cette évolution favorable ?
CB. Pour nous, le moteur bicylindre a autant d’importance qu’un lancement de véhicule. C’est un moteur révolutionnaire qui cumule trois technologies. Le downsizing, un turbo nouvelle génération, et un système de gestion électro-hydraulique des soupapes. Ce qui lui permet d’avoir la puissance d’un bloc essence, puis le confort, le couple et la consommation d’un moteur Diesel. Je le répète, c’est une technologie d’avenir. Il sera déployé sur Ypsilon, Panda puis Grande Punto.
JA. Quels sont vos objectifs avec ce bloc ?
CB. Cela va nous permettre d’être très performants auprès des entreprises. Pour ce qui est de la répartition des ventes, le Twinair va prendre une part du Diesel, qui n’a, lui, plus de raison d’exister. Nous tablons donc sur un mix de 20 à 25 % pour ce seul moteur. Notre ambition étant d’aller jusqu’à 30 %. Au-delà, cela deviendra compliqué car cela reste une motorisation haut de gamme.
JA. Quel sera le positionnement tarifaire de ce moteur bicylindre, par rapport aux autres motorisations ?
CB. Celui-ci sera 1 800 euros plus cher que le 4 cylindres, mais il bénéficiera d’un bonus de 1 000 euros. Ce qui le placera à 1 300 euros plus cher que ce dernier. Nous avons calculé que le delta de consommations entre les deux moteurs permettra à un acheteur de version Twinair d’amortir ce surcoût entre 1,5 et 2 ans.
JA. A fin août, le couple 500 - Panda représente 60 % des ventes de Fiat en France. Est-ce que le retrait des segments A et B vous inquiète-t-il ?
CB. La 500 est un peu hors segment. C’est une clientèle spécifique, haut de gamme, très féminine. Ce n’est pas tout à fait comparable à la clientèle du segment A.
Depuis son lancement, voilà trois ans, la 500 représente chaque année environ 20 500 VN. Ses résultats sont stables. Nous sommes dans une phase “plateau”. La Panda entre, quant à elle, dans sa dernière année de vie. Nous allons donc mettre en place une stratégie pour aider le réseau à maintenir ses ventes de Panda, et même à gagner des parts de marché avec ce produit. Mais je préfère parler de triptyque équilibré, plutôt que de duo. Avec la Grande Punto, ce sont en effet trois produits forts.
JA. Quelles sont les armes dont Fiat dispose pour ne pas revivre une période de vache maigre. Notamment l’an prochain ?
CB. Par rapport à 2011, nous sommes en position d’observation. Nous allons essayer de tirer parti au maximum de la prime à la casse jusqu’au 31 décembre, de manière à avoir un carnet de commandes qui nous permette de tenir jusqu’à la fin du 1er trimestre. En exploitant cette action au mieux, l’effet de césure ne sera pas aussi significatif. Ensuite, nous aurons tout de même les produits pour nous battre. Le 15 octobre, nous avons par exemple lancé une nouvelle gamme GPL qui doit favoriser le maintien de nos volumes. Panda, Punto, Bravo et Idea en bénéficieront. Nous aurons la gamme GPL la plus large du marché. Ce qui est intéressant au vu de la progression de celui-ci (N.D.L.R. : marché multiplié par dix entre 2008 et 2009). Je rappelle que Fiat Group a le taux de CO2 moyen le plus bas des constructeurs européens depuis trois ans. Et cela va se poursuivre car nous explorons plusieurs solutions. D’ailleurs, sur l’appel d’offres de l’Etat quant à une commande de véhicules électriques, nous ne sommes plus que deux candidats en lice. Citroën, allié à Venturi, et nous, avec notre partenaire Newteon. Ce qui montre que nous sommes aussi à la pointe sur les technologies électriques. Fiat a d’ailleurs déjà annoncé son intention de commercialiser des véhicules full électrique, sur la base du Fiorino, puis du Doblò, dans les 18 - 24 mois qui viennent.
JA. En 2009, la profitabilité moyenne du réseau est passée de 1,3 à 0,7 %. Qu’en est-il aujourd’hui et quelles sont vos projections pour la fin de l’année ?
CB. A fin juin, la profitabilité moyenne du réseau était au même niveau que l’an dernier. Nous faisons ce qu’il faut pour que cela se maintienne. La majorité du réseau est dans le positif. C’est très hétérogène. Nous avons malheureusement environ 25 % de nos opérateurs qui perdent de l’argent. Nous voulons réduire cette part et mettons donc en place des plans pour aider ces concessionnaires à retrouver une situation financière normale.
JA. Par quel biais ?
CB. C’est un ensemble de process. Par exemple, le réseau adhère toujours aussi bien à notre stratégie VO. Ce qui est une bonne chose, puisque ce métier demeure une vraie source de profits. Côté VN, nous évoluons également. En un an, nous avons par exemple recruté une centaine de nouveaux vendeurs car nous avions besoin de densifier notre force terrain. Nous en comptons désormais 900 dans le réseau. Et c’est un préalable à une meilleure satisfaction clientèle. Sur l’après-vente, nous venons là aussi de mettre en place des études de suivi de manière à améliorer nos capacités de traitement du client. Technique, commerciale, comportementale… : Nous avons augmenté le nombre de formations dans tous les secteurs. Le coaching des collaborateurs a été accéléré de manière très importante depuis deux ans.
JA. Fiat n’échappe pas à cette quête de la satisfaction client…
CB. C’est essentiel. Nous mettons en place des standards qualitatifs qui doivent nous permettre d’augmenter nos indices de satisfaction. Mais c’est très long. La mise en œuvre est encore trop récente et il est donc difficile de palper des changements de manière précise. Néanmoins, cela s’améliore.
JA. Un point réseau sur le dossier Lancia-Chrysler. Où en sommes-nous ?
CB. Vous le savez, nous avons résilié les deux réseaux il y a trois mois. Aujourd’hui, les choses avancent normalement. Suite à ces résiliations, nous avons sollicité un retour de lettres d’intention. Nous sommes satisfaits car nous avons eu rapidement un taux de retour de 95 %. Ce qui veut dire que les distributeurs adhèrent à notre projet. Durant l’été, nous leur avons donc fait parvenir les dossiers de candidatures. La grande majorité nous les a déjà renvoyés. Depuis mi-août, nous les analysons. A ce sujet, je tiens à apporter une précision. Car il y a beaucoup de rumeurs qui circulent. Il n’y aura pas de priorité donnée à un réseau ou à un autre. Seuls des paramètres factuels guideront notre choix. Et cela de manière à nous assurer de disposer du meilleur réseau qu’il soit. C’est évident.
JA. Quel genre de paramètres justement ?
CB. Ce sont des critères objectifs, comme la localisation géographique, l’immobilier, la capacité commerciale du candidat ou sa surface financière. En l’occurrence, sur ces domaines, il y a des candidatures sérieuses des deux côtés. Il y aura donc quelques aménagements mais pas de grande révolution. Nous donnerons une réponse en tout début d’année prochaine, car la date de lancement de notre nouveau réseau est le 1er juin 2011. Il faudra être prêts pour une aventure inédite. Le constructeur a annoncé 34 nouveaux produits et 17 facelifts dans les 5 ans qui viennent. Il nous faut donc un réseau bien maillé et motivé.
JA. On parle pourtant de plusieurs dizaines d’opérateurs qui seront laissés “sur le bord de la route”. Qu’en est-il réellement ?
CB. En France, ce nouveau réseau comportera 160 points de vente, alors qu’aujourd’hui, Lancia compte 156 sites et Chrysler une centaine. Dans 80 % des cas, le choix est évident, car nous n’avons qu’un représentant sur la zone. Il y aura une grosse dizaine de cas où l’arbitrage sera difficile. Quant à Jeep, qui fera l’objet d’un contrat séparé, les cartes sont également en passe d’être redistribuées.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.