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Constructeurs

Microlino dans une course contre-la-montre pour trouver sa place en Europe

Publié le 11 juin 2024

Par Gredy Raffin
9 min de lecture
Dans quelques semaines, la Microlino Lite fera ses débuts sur le marché des voitures sans permis. Au-delà de partir à la chasse à la Citroën Ami, le constructeur suisse établi à Turin se démène pour définir un modèle d'organisation durable, compétitif et attractif pour de nouveaux actionnaires. La survie du projet industriel de Microlino en dépend.
Microlino
Wim Ouboter, président fondateur de Microlino. ©Le Journal de l'Automobile

La chaîne de production accélère. D'ici début juillet 2024, il faudra approvisionner les différents marchés européens. Appelée à élargir le catalogue, la version Lite de la Microlino est attendue au tournant. Cette déclinaison de voitures sans permis doit permettre au néoconstructeur suisse de s'inscrire dans le sillage de la Citroën Ami, véritable cheffe de file du segment.

 

Mais la route sera longue et sinueuse pour Microlino et ses voitures électriques. En plus de superviser ce prochain lancement sur un segment qui lui est jusqu'alors inconnu, le néoconstructeur doit sauver son premier modèle. Les résultats commerciaux ne sont pas au beau fixe. Wim Ouboter, l'entrepreneur suisse à la tête de ce projet industriel, le concède. "En raison de la tendance de consommation, nous avons ramené le rythme d'assemblage à six unités par jour", explique-t-il.

 

Un outil de production hors pair

 

Un volume d'activité loin de suffire pour amortir un appareil industriel de qualité capable de sortir 5 000 voitures par an avec une seule des trois équipes. Installé dans la banlieue de Turin, Microlino a repris le bail de l'usine Cecomp. "Il nous en a couté trois fois moins d'investir dans ce sens que de nous appuyer sur Magna Steyr", explique Wim Ouboter, dont les ressources ont permis l'acquisition du matériel et le recrutement d'une équipe de 70 employés (production, R&D et administration).

 

Le groupe dispose ainsi d'un complexe de 12 000 m2 au total, sur lequel il y a un bâtiment principal de 4 000 m2 consacré à la production. Un lieu employé également par le groupe Bolloré pour la Bluecar et par Renault pour la caisse en blanc des Alpine, car l'usine turinoise a une expérience avérée dans la manipulation de l'aluminium.

 

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Un haut niveau de qualité sur lequel Microlino veut capitaliser. Il est le seul de cette industrie à s'approcher autant des méthodes de l'automobile traditionnelle dans sa conception du châssis. Mais le constructeur paye aussi ses singularités. Tandis que la concurrence tire les prix vers le bas, le suisse se positionne dans le haut de la fourchette. Pour rappel, ses tarifs débutent à 19 990 euros, quand ceux de l'Ami démarrent à 8 390 euros.

 

Conscient de devoir y remédier Wim Ouboter souligne que son contrat d'approvisionnement en aluminium arrivera à échéance dans un an. Alors, le constructeur s'en remettra de manière plus conséquente à l'acier, notamment pour les portes et le toit. Ce qui va réduire la facture de plusieurs pour cent.

 

La Microlino est fabriquée sur le même site que la Bluecar de Bolloré. ©Le Journal de l'Automobile

 

En revanche, l'entrepreneur s'oppose à une décision aussi radicale que de purement quitter l'Europe. Une question de conviction personnelle. "Les consommateurs doivent accepter aussi l'idée qu'il y a un enjeu sociétal à localiser la production automobile dans nos pays pour maintenir l'emploi. Cela se répercute nécessairement sur la grille tarifaire", expose-t-il. Une piste alternative est néanmoins à l'étude.

 

Les pistes d'un nouveau schéma industriel

 

Le constructeur recherche d'autres sites industriels pour établir des schémas parallèles ou complémentaires. Peu de chance de voir Microlino choisir la Chine, où le groupe produit déjà les trottinettes qui ont fait son succès. L'Inde tient la corde.

 

Une hypothèse de travail consiste à y produire en masse les Microlino. Elles auraient alors des portes latérales moins complexes et donc moins coûteuses, plutôt qu'un accès par l'avant. Elles seraient ensuite importées en Europe. L'usine de Turin garderait une implication dans la conception de séries spéciales à plus forte valeur ajoutée.

 

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L'autre solution reposerait sur une stratégie de fourniture en CKD. Les kits iront vers l'Europe et l'Amérique du Nord, où des sites, dont celui de Turin, achèveront l'assemblage. "Nous devons avoir plusieurs plans et prendre en compte les enjeux logistiques. Ils ne sont pas négligeables sur le plan économique", soutient le fondateur de Microlino.

 

Une troisième possibilité enverrait la chaîne d'assemblage au Maroc. Les contraintes économiques rapprochent l'italo-suissesse de sa rivale française. "Nous n'avons pas les connexions pour nous établir en Europe de l'Est malheureusement, admet Wim Ouboter. Au Maroc, nous aurions plus de facilité". À ses débuts, faut-il le souligner, il a contacté Magna Steyr. Le montant demandé en garantie était trois fois supérieur au prix du site de Turin.

 

Changer de catégorie pour vendre des droits à polluer

 

Il y a un virage industriel vital à prendre pour le constructeur qui fonctionne avec un modèle d'agent et expédie toute sa cargaison chez les distributeurs. Il y a aussi des batailles réglementaires. Celui qui arbore "Ceci n'est pas une voiture" sur tous les supports de communication se bat pour faire passer son véhicule dans une catégorie plus appropriée. Malgré les 90 km/h en pointe, la Microlino ne peut pas accéder à toutes les routes. Elle se voit aussi refuser l'accès à des dispositifs fiscaux dans certains pays.

 

Avec une équipe sur trois, l'usine Cecomp de Turin peut produire 5 000 Microlino par an. ©Le Journal de l'Automobile

 

"Nous discutons avec les autorités pour définir plus précisément la catégorie L7, explique Rémy Dumont, directeur général de Microlino France. Par nature, celle-ci est dominée par les immatriculations de quads. Or, la réglementation doit évoluer. Il faut parvenir à obtenir le droit de réaliser une expérimentation afin de démontrer que nous pouvons avoir plus de liberté de circulation. Pourquoi ne peut-on pas rouler sur des axes ouverts à des scooters de 125 cm3 moins véloces ?".

 

En changeant de catégorie, Microlino pourrait actionner un levier rentable. Comme d'autres spécialistes de voitures 100 % électriques, la marque suisse présenterait un atout pour les autres constructeurs. Elle signerait des accords autour des crédits de CO2. "Cela rapporte bien plus d'un demi-milliard d'euros par an à Tesla", rappelle Wim Ouboter. Un moyen d'abaisser ses coûts de production et donc ses tarifs.

 

Volkswagen Group pour le financement en France

 

En France justement, Rémy Dumont s'active. Les immatriculations sont loin d'être au niveau. Depuis le lancement à l'été 2023, la barre des 50 livraisons a été franchie dans la difficulté. Les raisons sont multiples. D'Ieteren qui joue le rôle d'importateur cherche à étoffer son maillage pour toucher le plus de clients possibles. Il s'agit notamment de propriétaires de SUV qui souhaitent disposer d'un véhicule plus petit et plus sobre au quotidien.

 

Dans un autre registre bien plus crucial, à en croire les partenaires de la première heure, l'importateur a enfin trouvé une solution de financement. Faisant jouer ses étroites relations avec le groupe Volkswagen, D'Ieteren a noué un accord chez Volkswagen Financial Services. Dès lors, les agents commerciaux pourront proposer des formules locatives. Les loyers mensuels seront de 179 euros pour la version Lite et de 199 euros pour la Microlino classique.

 

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Mais quelle est la valeur résiduelle d'une Microlino ? "Nous échangeons avec les entreprises de données afin d'exister dans leurs bases", déplore Wim Ouboter. Jato a été contacté. Il faudra encore attendre. "Nous affichons un TCO des plus bas, signale le fondateur. Nous devons jouer de cet argument pour défendre un modèle économique de valorisation sur plusieurs vies. D'autant que notre voiture est bien plus durable que celle du leader du marché".

 

Faire entrer un actionnaire

 

Microlino n'a pas les ressources pour porter des stocks. Alors quand l'entreprise Rolex lui achète trois voitures pour sa flotte, les modèles sont financés à risque par l'horloger. Wim Ouboter, qui cherche actuellement des investisseurs pour rejoindre l'aventure, n'exclut pas d'aller frapper à la porte d'un leaser. Avec de telles compétences dans l'actionnariat, cela pourrait faciliter la mise en place d'un modèle d'affaires complémentaire.

 

Ce n'est pas l'unique piste. L'entrepreneur suisse fait des appels du pied à divers profils. Il aimerait notamment un industriel en Inde, en référence au projet logistique que le fondateur envisage. Il évoque aussi la voie menant à un équipementier capable de réduire le coût de revient des voitures. Wim Ouboter rêve aussi de retenir l'attention de John Elkann. Le président de Stellantis a récemment visité l'usine turinoise. "Je lui ai dit qu'en tant que dirigeant italien, il avait tout à gagner à soutenir ce projet", plaisante le fondateur de Microlino.

 

Une version à toit amovible est prévue pour 2025. ©Le Journal de l'Automobile

 

L'histoire ne dit pas si le petit-fils de Gianni Agnelli a pu approcher le futur modèle de Microlino. Tout juste achevé avant notre visite, le premier exemplaire prendra prochainement la direction de l'Espagne pour des tests d'homologation. Cette troisième mouture a une particularité qui rappelle des modèles emblématiques de Citroën. Comme la Méhari ou la C3 Pluriel, la prochaine Microlino a été renforcée avec des arceaux sur lesquels vient s'accrocher un toit en dur amovible. Elle sortira en juillet 2025, si les plans du constructeur sont respectés.

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