La décennie Carlos Tavares : DS, la belle endormie
Il fallait un sacré courage pour lancer une marque automobile française premium. Ce segment a longtemps été abandonné par les constructeurs tricolores depuis que les allemands ont imposé leur standard en la matière. Mais avec l’expérience de la ligne DS (une gamme premium développée par Citroën), Carlos Tavares, obsédé par les marges unitaires, avait jugé que c’était le bon moment.
C’était d’ailleurs sa première décision lorsqu’il prit les rênes du groupe PSA en juin 2014 : extraire cette gamme du catalogue Citroën pour en faire une marque à part entière. Mais il y avait du chemin à parcourir. Car, si le succès fulgurant du DS 3 (plus de 800 000 voitures vendues) a permis à Citroën DS de se propulser sur le marché, l’échec des DS 4 et DS 5 a lesté son envol.
Un premium "à la française"
Peu importe, car DS, dont le logo reprend les chevrons de Citroën, a redessiné la possibilité pour une marque française de s’affirmer sur le premium. Sous la houlette d’Yves Bonnefont et d’Arnaud Ribault, le DS libéré va tricoter un récit marketing autour du "raffinement à la française". "La France est une terre de luxe, il n’y a aucune raison qu’elle n’ait pas son mot à dire dans l’automobile", clame le duo dans l’attente du déploiement du plan produits. Il multiplie les références à la France, à Paris…
A lire aussi : La décennie Carlos Tavares : chronique d'une ascension fulgurante
DS va également investir le thème du cuir comme un marqueur du luxe en se référant à la tradition française dans la sellerie. Toutes les opérations de communication invitent des artisans tanneurs. Les éditions spéciales et concept cars mettront en avant du cuir haut de gamme sur la planche de bord et les portières. Les sièges innovent avec des cuirs "bracelet".
DS va également se servir du DS 3 pour multiplier les collections en allant chercher des références toujours vers le luxe (Inès de La Fressange…).
Mais il faut attendre 2017 pour qu’enfin, DS présente son premier véhicule conçu dès le départ avec un cahier des charges résolument premium. Le DS 7 Crossback positionne la marque française sur les SUV de segment C, le cœur du marché européen. Il sera suivi par le DS 3 Crossback, un SUV qui remplace la citadine à succès.
Mais après un excellent démarrage, ce petit SUV voit ses ventes rapidement plafonner. "La faute à un segment B qui n’est traditionnellement pas propice au premium", justifie Béatrice Foucher, qui dirige alors la marque.
Une DS 9 chinoise mal accueillie
Ensuite, la DS 9 arrive avec l’espoir de coiffer la gamme avec une grande berline statutaire. Mais celle‑ci est largement critiquée car produite en Chine. Puis, survient la pandémie de Covid qui dérègle tout l’agenda commercial de DS.
La DS 4 arrive au pire moment : la crise des semi‑conducteurs paralyse la production. La fenêtre de tir commerciale se referme rapidement et la DS 4 rate son lancement. Elle mettra deux ans à apparaître sur la route. Mais DS marque une pause sur son plan produits plus tôt que prévu.
Alors que le programme annoncé était un lancement par an pour un catalogue de six modèles en 2024, les showrooms ne voient que quatre modèles et aucune vraie nouveauté n’a été commercialisée depuis 2021. Les DS 7 et DS 3 (ils perdent au passage le suffixe Crossback) sont toutefois rafraîchis, ce qui permet d’animer le réseau.
A lire aussi : Stellantis enterre la DS9 et promet de pousser les feux du premium
Mais avec 45 000 immatriculations en 2023, DS fait encore de la figuration. Les ventes reculent même sur son principal marché, la France, de 17 % sur les quatre premiers mois de l’année 2024. Longtemps, la presse s’est interrogée sur la pérennité de la marque.
Avec la création de Stellantis, Carlos Tavares dispose de marques premium déjà établies comme Alfa Romeo ou Lancia. Autrement dit, la survie de DS est moins stratégique que dans la configuration du petit groupe PSA.
Un nouveau flagship en vue
Chez Stellantis, le discours est catégorique : pas question d’arrêter DS. Olivier François, nouveau patron de la marque, veut d’ailleurs croire que DS est encore loin d’avoir exploité tout son potentiel. Selon lui, la marque doit encore pousser un peu plus les feux du premium avec des produits "plus iconiques".
À la fin de l’année, la filiale du groupe Stellantis présentera un nouveau modèle, son flagship, et devrait inaugurer une nouvelle gamme. Ce nouveau modèle remplacera la DS 9 et signera par la même occasion les ambitions chinoises de DS. Un nouveau modèle pour un nouveau départ pour ses dix bougies, veut croire Olivier François.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.