La batterie française reste sino-dépendante

La filière européenne des batteries est une réalité. Il y a bien des usines sur le sol français, mais pour les compétences, ce n'est pas encore totalement le cas. En effet, des cerveaux asiatiques viennent bien souvent superviser les débuts de production et la montée en cadence.
Chez Verkor, dont l'usine de Dunkerque (59) sera inaugurée jeudi 11 décembre 2025, des spécialistes venus de Corée du Sud et de Malaisie aident au développement des compétences des équipes locales. Chez AESC, près de Douai (59), qui produit des batteries depuis quelques mois pour Renault, des ingénieurs et techniciens chinois du groupe encadrent au quotidien les recrues françaises.
"C'est eux qui nous forment sur la machine, comment la gérer, comment régler les pannes", explique à l'AFP Ericka Redjimi, 39 ans, arrivée chez AESC en mai sans aucune expérience préalable dans l'industrie : "J'étais vendeuse de prêt-à-porter sur les marchés". Pour communiquer, "on parle très souvent sur Google Traduction", confie-t-elle.
"J'ai encore besoin d'eux, beaucoup moins qu'au début", mais "c'est rassurant qu'ils soient encore là", estime cette conductrice d'installation dans la "zone B" de l'usine, dédiée à la production des cellules pour batteries.
En émettant des bips réguliers, des chariots robots autonomes transportent ensuite les cellules dans la zone C, celle de l'assemblage pour former des modules de batteries pour les citadines électriques R4 et R5 de Renault et la Nissan Micra.
AESC : 150 experts chinois et japonais à Douai
D'ici la fin du premier trimestre 2026, l'usine devrait fonctionner à plein régime, et pouvoir équiper "150 000 à 200 000 véhicules par an", selon Ayumi Kurose, directeur des opérations d'AESC France.
Sur les premiers mois de production, "on est plutôt en ligne avec ce qu'on avait prévu". "Ce qui est toujours compliqué, c'est la maîtrise des machines", qui proviennent souvent d'Asie, "et la formation du personnel", relève-t-il.
Société japonaise majoritairement détenue par le chinois Envision, AESC fabrique des batteries de véhicules électriques depuis 15 ans en Asie. Le groupe peut ainsi s'appuyer sur ce savoir-faire interne pour "avoir les bonnes pratiques dès le début" dans ses nouvelles usines ailleurs dans le monde, explique Ayumi Kurose.
Actuellement à Douai, "près de 150 experts chinois et japonais" d'AESC encadrent quelque 800 salariés locaux. Ce sont par exemple des spécialistes du "contrôle par vision" industrielle ou de techniques de soudure particulièrement pointues, détaille-t-il.
"Le but, c'est vraiment la transmission", souligne-t-il. Ces experts viennent "entre six mois et deux ans, mais ils ne sont pas censés rester". L'usine de Douai devrait "fonctionner en autonomie à partir de fin 2026", pense-t-il.
"Mes collègues français travaillent vraiment dur, c'est juste qu'ils n'ont pas encore l'expérience", estime He Xiaoming, un ingénieur chinois d'AESC de 36 ans. "Une fois qu'ils auront acquis le savoir-faire, ils iront assez vite, je leur fais confiance".
ACC reçoit l'appui de Chinois
À une trentaine de kilomètres de là, à Billy-Berclau (62), ACC, première gigafactory française à avoir démarré en 2024, monte aussi en cadence, après des débuts laborieux.
"Ce que l'on produit en ce moment par jour, c'est ce que l'on produisait par mois au début de cette année", affirme Yann Vincent, directeur général d'ACC. "On n'est pas encore là où l'on voudrait être", mais sur le taux de rebuts comme sur les volumes "ça s'est significativement amélioré".
Coentreprise entre Stellantis, TotalEnergies et Mercedes-Benz, ACC a noué cette année un partenariat temporaire avec un fabricant chinois de batteries, dont elle préfère taire le nom, qui doit gérer de A à Z l'une de ses trois lignes de production jusqu'à l'été 2026, explique Yann Vincent.
Dans les batteries, les Chinois "ont commencé il y a 15-20 ans. Donc ils ont appris énormément. Nous, on a commencé de zéro il y a cinq ans", plaide le directeur général. Alors "autant s'appuyer sur les gens qui savent le mieux" pour accélérer l'apprentissage d'un procédé de fabrication "vraiment délicat".
"En faisant cela, on fait ce que la Chine a fait avec les Occidentaux au cours des 30 dernières années [...]. On ne va pas perdre en souveraineté, pour autant qu'on apprenne" via ce partenariat, assure Yann Vincent.
ACC, qui emploie actuellement 1 200 salariés à Billy-Berclau, prévoit d'équiper environ 250 000 voitures électriques en 2026, contre environ 10 000 jusqu'à présent. (avec AFP)
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