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Constructeurs

"Je suis convaincu qu’il est impossible, sans un réel intérêt, sincère, pour les femmes et les hommes qui vous entourent, de les convaincre de vous suivre pour relever de nouveaux défis"

Publié le 29 mars 2012

Par Christophe Jaussaud
13 min de lecture
Christian Klingler, membre du directoire de Volkswagen AG, responsable ventes et marketing du groupe - Homme de terrain, de réseaux, grâce à son expérience dans la distribution automobile, Christian Klingler a su se muer en un dirigeant capable d’imprimer un nouvel élan au Groupe Volkswagen. Bien que le groupe n’ait pas oublié ses fondamentaux que sont l’ingénierie et le produit, il a su développer une nouvelle force reposant sur une approche commerciale et marketing jusqu’ici inconnue à Wolfsburg.
Christian Klingler, membre du directoire de Volkswagen AG, responsable ventes et marketing du groupe - Homme de terrain, de réseaux, grâce à son expérience dans la distribution automobile, Christian Klingler a su se muer en un dirigeant capable d’imprimer un nouvel élan au Groupe Volkswagen. Bien que le groupe n’ait pas oublié ses fondamentaux que sont l’ingénierie et le produit, il a su développer une nouvelle force reposant sur une approche commerciale et marketing jusqu’ici inconnue à Wolfsburg.

Journal de l’Automobile. Le groupe Volkswagen vient de présenter des résultats financiers historiques. Comment expliquez-vous un tel niveau de performance et quelles sont vos principales satisfactions de l’année 2011 ?
Christian Klingler.
Beaucoup de facteurs expliquent ces bons résultats. Au premier chef, les produits, pour chacune de nos marques, jouent un rôle prépondérant. En 2011, comme en 2010 et 2009, nous avons lancé un véritable kaléidoscope de nouveautés car nous avons été capables de maintenir la totalité de nos investissements durant la crise de 2008-2009. Notre réussite passe également par le travail des femmes et des hommes du groupe – et j’inclus ici tous les concessionnaires –, dont l’engagement et l’envie sont d’autres facteurs qui expliquent notre performance. L’amélioration de l’organisation du groupe a aussi joué un rôle important. C’est un travail quotidien, une remise en cause permanente afin d’agir et de réagir rapidement, ainsi que pour être au plus près des attentes des clients.

JA. Comment votre connaissance du terrain de la distribution automobile vient-elle éclairer les réflexions du directoire ?
CK.
Comprendre le fonctionnement d’une concession est une chose, mais il faut surtout écouter, comprendre et analyser les informations qui proviennent d’elle. De la même manière, la compréhension des désirs des clients est primordiale car, sans eux, nous ne serons plus des constructeurs. Ainsi, en faisant le choix d’écouter, nous développons une stratégie autour des hommes, des équipes, afin qu’ils se l’approprient avec envie. Notre plan 2018 va dans ce sens et participe à notre réussite. La stratégie est claire, motivante, et apporte des réponses immédiates. Nos collaborateurs ne se demandent pas où l’on va, mais comment on va y aller, et ils vont œuvrer pour cette réussite collective. Pour prendre une image sportive, une équipe de football ou de rugby bien entraînée et motivée a de bonnes chances d’obtenir de bons résultats sur le terrain.

JA. Justement, vous êtes à la tête de larges équipes, œuvrant dans les domaines de la vente, de l’après-vente ou du marketing. Quel type de manager êtes-vous ?
CK.
Tout d’abord, j’apprécie les débats, riches, avec les spécialistes qui m’entourent. Ces échanges sont nécessaires avant de prendre une décision. Parce que, naturellement, il faut décider. Mais ces choix se font en totale transparence car nos échanges laissent une grande liberté pour expliquer et convaincre. Les personnes qui nous entourent ont un profil d’entrepreneurs, avec leur envie caractéristique, mais elles sont aussi capables de s’inscrire dans l’optique de notre plan stratégique. Je dois reconnaître que concilier cette créativité entrepreneuriale et problématique de grand groupe est quelquefois assez difficile. Nous restons ouverts à la critique car, souvent, elle fait avancer les choses. Cela est vrai pour nos équipes comme pour les concessionnaires. Nous sommes en relations régulières avec eux, chaque année nous visitons 300 à 400 concessions. Et à chaque rencontre, toujours pleine d’enseignements, nous débutons la discussion sur les éventuels problèmes avant d’évoquer les points positifs.

JA. La distribution automobile demeure un élément clé. Quelles pourraient être les améliorations à apporter aux relations entre constructeur et concessionnaire ?
CK.
Je pense profondément que les concessionnaires font et feront la distribution automobile. Les mots respect et partenariat doivent être les éléments centraux de nos rapports. Cette vision implique que l’on se dise les choses afin de faciliter l’émergence d’axes communs d’amélioration. C’est dans ce sens que nous travaillons avec les équipes. Nous, constructeur, devons leur donner des perspectives, leur offrir la possibilité de gagner de l’argent, d’être performants. Car un partenariat trouve aussi ses fondements sur la performance, que l’on évoque les ventes, la satisfaction clients à la vente ou à l’après-vente. Et ce n’est pas seulement vrai pour les concessionnaires. Par exemple, on nous reproche quelquefois, sur certains sujets, d’être un peu trop procéduriers. Parfois, c’est exagéré, mais cela peut aussi être légitime. Dans ce cas, nous devons nous adapter pour faciliter la vie du concessionnaire. Moins il passera de temps dans les papiers, plus il sera en contact avec les clients. Voilà un exemple d’axe d’amélioration possible.

JA. De par votre fonction, vous êtes amené à travailler avec toutes les marques du groupe. Peut-on comparer cela, toutes proportions gardées, au multimarquisme d’un groupe de distribution ?
CK.
L’expérience du multimarquisme est un avantage car il oblige à un grand respect de l’ADN de chacune des marques. Le directoire est composé d’hommes de l’automobile qui adorent les produits, qui les testent, mais nous ne perdons jamais de vue l’intérêt des marques, afin qu’elles aient les meilleures conditions pour s’exprimer. Toutefois, bien que chacune d’entre elles possède son centre de recherche, ses usines, gère ses finances, etc., elles doivent bel et bien évoluer dans un cadre défini à l’échelle du groupe. Cette philosophie est assez unique dans l’univers automobile.

JA. Justement, êtes-vous satisfait de l’évolution de chacune de vos marques ?
CK.
Considérant les résultats que nous avons enregistrés, je pense qu’on peut l’être. Mais notre leitmotiv est de faire toujours mieux, de rechercher sans cesse les choses à encore améliorer. Il s’agit d’un des aspects passionnants de notre métier.

JA. On prête souvent au groupe Volkswagen la volonté d’élargir encore son portefeuille de marques. Est-ce aujourd’hui une éventualité ? Où en est l’intégration de Porsche ?
CK.
Notre portefeuille de marques est certes conséquent, mais pas figé. La preuve, en novembre dernier, nous avons acquis une participation majoritaire dans le constructeur de poids lourds MAN. Au sujet de Porsche, nous poursuivons notre travail afin de créer un groupe automobile intégré dans des conditions économiques raisonnables.

JA. Après un exercice 2011 historique, avec 8,3 millions de ventes, comment jugez-vous les deux premiers mois de l’année 2012 ?
CK.
Avec une croissance de 7,7 % depuis le début de l’année, représentant 1,29 million de ventes, nous pouvons nous montrer satisfaits. Mais la prudence reste de mise. Nous sommes confrontés à une vraie hétérogénéité des marchés. Il faut admettre que les marchés européens ne sont plus les mêmes qu’il y a douze ou dix-huit mois. La crise de l’endettement existe, et nous devons prendre en compte cet environnement. Toutefois, malgré ce contexte, et à l’échelle mondiale, nous visons une croissance supérieure à celle du marché.

JA. A la vue de vos résultats ces dernières années, respectez-vous les jalons du Plan 2018 ? Certains objectifs du plan pourraient-ils être atteints avant l’échéance ?
CK.
La stratégie que nous avons mise en place voilà quatre ans porte ses fruits. Les résultats enregistrés en 2011, mais également les années précédentes, nous laissent penser que nous sommes sur la bonne voie pour atteindre nos objectifs. Nous restons vigilants, attentifs, réalistes et pragmatiques, car nous sommes conscients que rien n’est jamais acquis ou sera facile. Nous gardons cette capacité à nous remettre en cause, à conserver l’envie.
Quant à l’éventualité d’atteindre certains objectifs avant l’échéance, ce sera peut-être le cas, mais il ne faut pas oublier que notre seule ambition est de devenir le groupe automobile qui a le plus de succès et surtout de le rester. Et pour cela, nous avons tout intérêt à construire de solides fondations.

JA. Martin Winterkorn a parlé de la responsabilité du groupe, tant à l’égard de l’environnement que des hommes. Est-ce un autre pilier de ces solides fondations ?
CK.
Nous avons effectivement une très grande responsabilité. Le groupe emploie directement plus de 500 000 personnes. Si on ajoute les emplois indirects, ce chiffre atteint 2,5 millions d’emplois et même 10 millions si l’on prend en compte les familles. C’est l’équivalent de la population de la Slovaquie. Vous comprenez mieux ainsi notre responsabilité, que nous prenons très au sérieux. Elle est tout aussi forte concernant l’environnement, dans lequel le groupe ne cesse d’investir afin d’améliorer l’efficience de ses produits. Chaque nouvelle génération sera 10 à 15 % plus économe, mais aussi celle de nos sites de production. D’ici 2018, nous allons investir 600 millions d’euros pour rendre nos 94 usines 25 % plus respectueuses de l’environnement.

JA. Avec plus de 2,25 millions d’unités en 2011, la Chine demeure centrale. A l’échéance 2018, quel pourrait être le volume du groupe dans ce pays ?
CK.
Notre performance dépendra naturellement du développement du marché. En 2012, nous visons encore une croissance de nos ventes VP, même si nous sommes conscients de ne pas retrouver un marché avec les taux de croissance de ces dernières années. En chiffres, nos ambitions sont liées à notre capacité de production sur place, qui va atteindre 3 millions d’unités à moyen terme grâce à la construction de trois nouvelles usines à Foshan, Yizheng et Ningbo, et à l’augmentation de la capacité de celles de Nanjing et Chengdu.

JA. Avec l’ouverture de l’usine de Chattanooga au printemps dernier, un nouveau chapitre semble réellement s’ouvrir aux Etats-Unis. Cela se traduit-il dans vos chiffres ?
CK.
Nous avons effectivement complètement revu notre stratégie sur le marché américain. Volkswagen avait joué un rôle significatif aux Etats-Unis dans les années 60 et 70, avant que des choix stratégiques n’en fassent pas la priorité. Les choses ont changé et nous retrouvons petit à petit une place plus conforme à nos ambitions sur ce marché, notamment grâce au début de la production de la Passat dans l’usine de Chattanooga. L’année dernière, le groupe a affiché une croissance de 23,3 % et le début de l’exercice 2012 nous donne également satisfaction, avec des ventes en hausse de 36,5 %, à 76 000 unités, après deux mois d’activité. Nous respectons notre feuille de route, mais nous restons vraiment très attentifs à l’évolution de ce marché et de nos positions.

JA. En revanche, le marché ouest-européen apparaît plus délicat. Comment l’imaginez-vous à moyen terme ? Y a-t-il, selon vous, un réel problème de surcapacité de production ?
CK.
Difficile de répondre sans ma boule de cristal ! Plus sérieusement, le traitement de la crise de la dette aura une influence déterminante. Mais l’Europe doit aussi résoudre des problèmes structurels. Quant à la production, il est de notre responsabilité de constructeur de préserver le tissu industriel. Nous n’avons délocalisé aucune de nos productions, c’est même l’inverse. Et nous continuons à investir largement en Allemagne, qui compte parmi les meilleurs ingénieurs de la planète, dispose d’une main-d’œuvre très bien formée, mais aussi d’une bonne flexibilité. L’industrie demeure la clé de la consommation. Il faut bien comprendre que, parfois, un avantage à court terme peut coûter l’avenir.

JA. Votre parcours professionnel vous a amené à travailler en France. Suivez-vous avec une attention toute particulière la performance du groupe dans ce pays ?
CK.
Avec la nouvelle équipe mise en place par Marie-Christine Caubet, l’approche a changé, insufflant une nouvelle dynamique conjuguée à beaucoup de professionnalisme. Il faut de plus souligner le travail très positif accompli par le réseau malgré quelques craintes au moment de certains changements. Le travail engagé commence à porter ses fruits, mais il y a encore des adaptations à faire.

JA. Est-ce votre parfaite connaissance du marché français qui vous a poussé à recruter dans l’Hexagone ?
CK.
Deux Français nous ont effectivement rejoints, Alain Favey, aujourd’hui président de Porsche Holding Salzburg, et Xavier Chardon, qui occupe le poste de responsable des ventes Europe pour la marque Volkswagen. Mais leur nationalité n’en est pas la cause. Ils sont là, comme les nombreuses autres personnes recrutées, grâce à leurs compétences. Ils sont des éléments d’une équipe très internationale, peut-être la plus internationale de tous les constructeurs, où se côtoient notamment des Chinois, des Anglais, des Australiens, des Américains, et des Français. Nous cherchons naturellement toujours des gens très compétents dans leur domaine, mais aussi capables de s’inscrire dans notre vision afin qu’ils puissent s’exprimer pleinement.

JA. Enfin, si nous connaissons un peu mieux Christian Klingler, le membre du directoire, nous connaissons finalement très peu Christian Klingler, l’homme.
CK.
Ma famille est centrale. C’est mon repère. Je suis marié à une femme que j’aime et suis le père de deux jumeaux. J’ai moi-même un frère jumeau parmi mes sept frères et sœurs. Ceci explique sans doute pourquoi j’attache une très grande importance à la famille, et aussi pourquoi je la protège. Je peux aussi compter sur des amis de longue date, avec qui je reste en contact régulier.
Ensuite, je suis un passionné de musique. J’aime l’écouter, mais aussi en jouer. J’ai longtemps joué de la batterie et je crois même que certains chez PGA s’en souviennent. C’est d’ailleurs avec la musique, en donnant des cours à des enfants, jusqu’à 150 par semaine, qui j’ai gagné mes premiers salaires. Cette expérience fut très riche. Je suis également un grand amateur de vins, privilégiant la qualité dans une consommation qui reste toutefois très faible. Pour accompagner ces bons vins, je peux parfois devenir cuisinier, à condition de ne pas me demander un dessert. Il y a aussi des moments où j’apprécie le fait de ne rien faire. Mais cela ne m’arrive que très rarement !

JA. Et l’adolescent que vous étiez aimait-il l’automobile ?
CK.
Bien sûr. On ne peut choisir et avancer dans ce métier sans être complètement passionné par l’automobile. Le design m’intéresse aussi, comme le management de la complexité automobile.

JA. Le mot de la fin ?
CK.
Les relations humaines sont la clé de tout. Je suis convaincu qu’il est impossible, sans un réel intérêt, sincère, pour les femmes et les hommes qui vous entourent, de les convaincre de vous suivre pour relever de nouveaux défis.

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CURRICULUM VITAE

Né en 1968 à Innsbruck, en Autriche, Christian Klingler débute sa carrière en 1992 chez Porsche Inter Auto, en Autriche, après des études à l’Université d’Innsbruck. Il va progresser dans ce groupe de distribution puisqu’il va prendre en charge l’importation et la construction de réseaux pour les marques Volkswagen et Audi dans la région, comme notamment en Slovaquie.

Il deviendra ensuite assistant du Président de Porsche Holding Österreich où il aura notamment comme mission, à partir de 1995, la responsabilité d’établir les activités du groupe autrichien sur le marché français. Durant cette période, il sera un des acteurs du rachat de PGA. En 1998, il deviendra membre du directoire de ce groupe avant d’en prendre la présidence en 2002. En 2004, il devient membre de directoire de Porsche Holding Österreich. En août 2008, il devient le représentant de Volkswagen AG dans cette structure mais entre également au directoire de la marque Volkswagen en charge des ventes, du marketing et de l’après-vente. Depuis le 1er janvier 2010, il est également membre du directoire de Volkswagen AG en charge des ventes et du marketing.

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FOCUS - Les membres du Jury

• Astagneau Denis, France Inter
• Barbe Stéphane, L’Equipe
• Bazizin Luc, France 2
• Bellu Serge, Automobiles Classiques
• Bolle Héloïse, Challenges
• Botella Jean, Capital
• Boulanger Pascal, TF1/LCI
• Bourroux Christophe, RTL
• Calvez Laurent, France 3
• Chapatte Dominique, M6
• Chevalier Jacques, free lance
• David Christian, L’Expansion
• David Marc, free lance
• Fillon Laure, AFP
• Fréour Cédric, Les Echos
• Frost Laurence, Thomson Reuters
• Gallard Philippe, free lance
• Gay Bertrand, AutostratInternational
• Genet Jean-Pierre, L’Argus
• Genet Philippe, La Revue du Vin de France
• Grenapin Stanislas, Europe 1 / M6
• Le Goff-Bernis Héloïse, Auto Infos
• Jouany Félicien, free lance
• Lagarde Jean-Pierre, free lance
• Macchia Jean-Rémy, France Info
• Marmet Jérôme, Investir/JDF
• Meunier Stéphane, L’Automobile Magazine
• Normand Jean-Michel, Le Monde/Le Monde 2
• Pennec Pascal, Auto Plus
• Péretié Olivier, Le Nouvel Observateur
• Robert Lionel, free lance
• Roubaudi Renaud, free lance
• Roy Frédéric, CB News
• Roy Jean-Luc, Motors TV
• Verdevoye Alain-Gabriel, La Tribune

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