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Constructeurs

Gare aux contraintes du véhicule à batterie

Publié le 11 octobre 2022

Par Jean-Baptiste Kapela
6 min de lecture
Boston Consulting Group (BCG) a réalisé un décryptage du secteur automobile au travers du prisme du véhicule électrique. Si le cabinet de conseil en stratégie émet un avis positif, il pointe tout de même des défis à relever. 
Pour être rentable écologiquement, un véhicule à batterie doit parcourir 25 000 km.

Boston Consulting Group (BCG) s’est intéressé aux défis qui attendent le secteur avec l’émergence du véhicule électrique. Avec une pénétration prévisionnelle de 39 % à l’horizon 2030 et de près de 60 % d’ici à 2035 au niveau mondial, c'est tout un écosystème qui sera transformé dans la prochaine décennie.

 

"Pendant une centaine d’années, le top 10 des constructeurs et des fournisseurs restait inchangé. Mais aujourd’hui, il y a de nouveaux acteurs en provenance de Chine ou de l’ouest des États-Unis, exclusivement électriques, mais aussi des fournisseurs de batteries qui représentent désormais la part la plus chère d’un véhicule, souligne Thomas Weber, directeur associés du bureau de BCG Paris. Il y a toute une industrie en transformation et l’écosystème que nous connaissions, il y a une dizaine d’années, sera totalement différent".

 

Le véhicule à batterie rentable écologiquement à partir de 25 000 km

 

La batterie étant la technologie privilégiée par les constructeurs, le cabinet s’est demandé si cette dernière est vraiment intéressante pour un avenir décarboné. BCG constate, sur la base d’une étude d’IHS Markit, que le taux d’émission de CO2 émis lors de la production d’un véhicule électrique est plus élevée qu’un modèle thermique, en grande partie à cause de la fabrication de la batterie.

 

En revanche, sur la durée de vie de la voiture, il y a près de 20 tonnes de différence en termes d'émission de CO2. Ainsi, pour qu’un véhicule batterie soit rentable écologiquement comparé aux véhicules thermiques, il faut qu’il ait parcouru au minimum 25 000 km.

 

Problème de coûts

 

Si BCG est optimiste sur un avenir décarboné via les véhicules à batterie, le cabinet souligne cinq défis à relever. Il prévoit notamment une baisse de 10 % du volume mondiale de production en raison de multiples pénuries, un financement de 600 à 900 milliards d’euros requis pour l’industrialisation des véhicules à batterie, un cycle d’innovation de deux ans au lieu de cinq dans les systèmes de batterie, 600 000 effectifs en transitions et un prix unitaire plus élevé pour une voiture de taille moyenne, de plus de 5 000 euros.

 

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D’après Mikaël Le Mouëllic, directeur associés du bureau de BCG Paris, la principale contrainte du véhicule à batterie touche au coût : "s’il est demandé de renouveler la totalité du parc, la population va devoir payer deux voitures au lieu d’une sur un horizon de 15 ans, ce qui a un impact majeur". BCG s’est donc demandé comment réduire le prix des modèles à batterie. Parmi les sujets peu abordés, il y a la question du poids de la voiture. "Un véhicule aujourd'hui, c’est plus de 1,5 tonne en moyenne pour transporter quelques kilogrammes. Il y a ainsi un rapport de 1 à 8 entre ce qui est transporté et le poids de la voiture. Ce dernier a un impact très important sur le prix et sur l’environnement", alarme Mikaël Le Mouëllic.

 

"Le poids est un enjeu majeur si nous voulons passer cette transition. Déjà, le véhicule électrique est plus lourd que le thermique, mais nous constatons que le poids des voitures a aussi varié de 40 % en 15 ans, à usage équivalent, constate Mikaël Le Mouëllic. L’une des raisons se trouve dans la mode des SUV mais aussi parce que la sécurité routière est devenue passive. Tous les châssis et les caisses se sont adaptés pour avoir de bonnes performances aux crash test et ces derniers nécessitent énormément de matière. La sécurité passive a augmenté énormément le poids ces 20 dernières années."

 

Risque de pénuries

 

Autre contrainte majeure, la question des ressources utilisées dans les véhicules à batterie. Aujourd’hui, les tensions sont très fortes sur les matériaux comme le lithium ou le nickel. Mais BCG constate deux raisons différentes. Le risque sur le lithium n’est pas lié à de potentielles pénuries, mais à un problème dans le nombre trop faible de mine disponible (ces dernières se trouvant majoritairement en Australie et au Chili).

 

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Il y a ainsi un écart entre la demande et les capacités d'extraction. Un sujet qui n’a pas été pris tout de suite au sérieux et qui risque de provoquer des problèmes à l’avenir. Thomas Weber précise qu’il faut entre six et neuf ans pour ouvrir une mine de lithium. En revanche, pour le nickel, il s’agit d’un réel risque de pénurie, "car la demande en nickel pur pour les véhicules électriques est trop forte, et cela concerne un élément rare” explique Mikaël Le Mouëllic.

 

La batterie à tout prix n’est pas une solution

 

Avant toute chose, le cabinet de conseil observe quatre axes majeurs dans le secteur automobile de demain : le véhicule électrique, l’autopartage, la connectivité et le véhicule autonome. Thomas Weber précise : "la transformation ne sera pas exclusivement électrique. Les défis qui attendent le secteur sont liés à une mutation dans tous les domaines, comme les nouvelles mobilités ou encore le véhicule autonome". Cependant, pour ces derniers, BCG prévoit une part marginale à l’avenir. Mikaël Le Mouëllic assure que "le véhicule à batterie n’est pas adapté à tous les usages, c’est pour cela qu’il faudra compter aussi sur les autres mobilités et l’hydrogène.

 

Ainsi, selon l’étude, les trajets urbains en autopartage ne représenteront que 12 % en 2030 et 14 % en 2035, loin derrière le vélo ou encore la voiture particulière. Néanmoins, l'usage devrait tout de même augmenter de 8 points entre 2019 et 2035, d’après BCG. Concernant les véhicules autonomes, la part des modèles de niveau 3 et 4 devrait respectivement s’élever d'ici à 2035 à 13 % et 7 %. Sur le plan des voitures connectées, leur nombre devrait exploser. Là où, en 2019, leur part ne s’élevait que de 10 %, le cabinet estime qu’elle devrait s’élever à 50 % en 2025 et à 90 % en 2035. "Progressivement, la nouvelle génération s’intéresse surtout à la connectivité dans les véhicules plutôt qu'à d'autres critères", remarque Thomas Weber.

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