FCA - Renault : l'échec de la fusion fragilise l'Alliance
Une fois le choc passé, le moment du deuil doit arriver ! C’est sans doute un peu groggy que Renault et FCA se sont réveillés ce matin. Car la lecture des évènements, a posteriori, montre une succession d’erreurs stratégiques et de non-préparation qui replonge l’Alliance dans une très grande fragilité.
Pour Jean-Dominique Senard, nouvel homme providentiel de l’Alliance, nommé par le gouvernement en février 2019, c’est le deuxième refus que ce dernier doit supporter en moins de trois mois et non des moindres. La lune de miel avec Nissan et son patron Hiroto Saikawa n’aura finalement duré que peu de temps, un mois tout au plus. Très vite, le Français, qui semble avoir apaisé et rassuré les japonais, doit subir à nouveau leur méfiance en ressortant le projet de fusion entre Renault et Nissan. « Mais ce projet de fusion date d’il y a longtemps et c’est Carlos Ghosn qui l’avait initié », nous rapporte une source proche du dossier. « Nissan ne pouvait que le refuser, c’était évident. »
Un premier coup de canif dans un contrat déjà bien abîmé. Mais la surprise est encore plus grande lorsque Nissan apprend, alors que les négociations semblent déjà bien avancées, que Renault travaille à une fusion avec FCA, sans Nissan dans un premier temps. Ce que ne permet pas le texte qui régit les relations entre les partenaires de l’Alliance.
Coup de poker raté
Un moyen de faire pression sur Nissan ? De forcer les dirigeants japonais à accepter un deal qui n’aurait pas abouti autrement ? La ficelle est tellement grosse aujourd’hui qu’elle semble inimaginable. « Nissan n’a pas été mis dans le coup. Or, Nissan est indispensable dans la réalisation de ce deal. Cette attitude les a braqués », estime cet observateur du secteur.
Indispensable car l’intérêt de FCA avec Renault réside dans les avancées technologiques, les brevets, les accords de propriété intellectuelle tissés entre Renault et Nissan depuis 20 ans. L’ensemble de ces accords, jusqu’aux plateformes communes, ne peuvent être partagés avec un autre acteur sans l’aval de Nissan. « Mais franchement, Nissan a autre chose à faire que d’aider FCA, son concurrent sur le marché américain », riposte cet industriel.
un deal impossible sans Nissan
Si pendant quelques heures, le retrait de l’offre de FCA pouvait ressembler une tactique de négociation, le revirement de John Elkann, héritier de l’empire Agnelli, est bien définitif. Sans Nissan, dont les deux représentants au conseil d’administration de Renault avaient décidé de s’abstenir lors du vote mercredi 5 juin dans la soirée, la fusion devenait inutile. Sans Nissan et son accord de partage technologique, aucune fusion avec Renault n’est intéressante.
Ainsi le coup de poker de Jean-Dominique Senard vient de se retourner contre lui : le deal avec FCA ne se fera pas, et les relations avec Nissan aussi glaciales que lorsque Carlos Ghosn a été arrêté sur le tarmac de l’aéroport de Tokyo ! « Hiroto Saikawa comptait beaucoup sur Jean-Dominique Senard, c’est un désenchantement majeur », poursuit notre spécialiste.
Visiblement, le nouveau patron de l’Alliance a pêché par excès de confiance ou par manque de conseils avisés. En interne, chez Renault, certains dénoncent le manque d’associations des équipes opérationnelles et le trop plein d’optimisme sur les synergies envisagées entre FCA et Renault. « 5 milliards d’euros ? C’est impossible à trouver aujourd’hui. Ne serait-ce que la moitié serait déjà une excellente affaire », soutient ce salarié.
FCA dos au mur et l’Alliance en danger
Une position incroyablement dangereuse pour Renault qui en réalité n’avait pas besoin de ce deal. Le demandeur est bien le groupe FCA qui cherche depuis plusieurs mois, plusieurs années même, à trouver une solution à son manque de stratégie industrielle et d'investissement comme en témoignent ses motorisations non adaptées et dangereusement émettrices de CO2. A tel point que le groupe a dû acheter un droit d'émissions auprès de Tesla !
Après avoir fait une première proposition à PSA, que Carlos Tavares a écarté, jugeant FCA beaucoup trop gourmand, le groupe s'est donc tourné vers le seul autre allié possible : Renault. Etre le second choix aurait peut-être dû mettre la puce à l'oreille du constructeur de Boulogne et de son actionnaire principal, l'Etat.
Quant à l'éventuel "mariage" de FCA, les possibilités se réduisent. Une fusion avec un constructeur chinois verrait sans doute immédiatement sortir un veto de la part de Donald Trump. Toyota n'est pas intéressé par une fusion avec un autre groupe. Honda reste plutôt fermé sur lui-même et Volkswagen arrête la croissance externe pour se concentrrer sur les véhicules électriques.
FCA doit donc se préparer à des heures difficiles. Dans 18 mois, à l'heure des amendes de la Commission européenne, l'italo-américain pourrait bien voir revenir PSA pour un rachat, pas pour une fusion. Renault, quant à lui, doit aujourd'hui se concentrer à reconstruire les liens entre les membres de l'Alliance afin d'éviter de mettre en péril le travail réalisé depuis 20 ans.
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