Endurance : La solution Michelin
...devrions y figurer encore longtemps". Pour Frédéric Henry-Biabaud, directeur de la compétition du groupe Michelin, l'Endurance demeure un formidable terrain d'investigation et d'innovation. La démarche peut aussi se voir de cette façon. Absent de la Formule 1, écarté la saison prochaine du WRC au profit de Pirelli, le manufacturier clermontois a tout le loisir de recentrer ses activités sur l'endurance. Et il ne s'en prive pas. Vainqueur avec Audi de la 74e édition des "24 heures", symbole d'une 15e victoire dans la Sarthe, Michelin est d'ores et déjà certain de remporter la 75e édition qui se déroule ce week-end. En effet, cette année, Bibendum équipe pas moins de 39 voitures contre 25 en 2006. Parmi celles-ci figurent les trois écuries de pointe engagées en LM P1, à savoir Audi, Peugeot et Pescarolo Sport…
Mais, flash-back. L'arrivée du Diesel via l'Audi R10 a imposé plus de couple (110 mkg) et plus de contraintes en termes de charge du fait du poids du moteur V12 (de 50 % plus lourd que le moteur de la R8) et des appuis aérodynamiques encore plus élevés. De ce fait, la charge globale sur le pneu arrière atteignait quasiment une tonne, sachant qu'il devait supporter une moyenne de quelque 220 km/h et une vitesse maxi de 320 km/h au moins. "Dans ce contexte, nous avons étudié des solutions visant à "donner de l'air" au pneu AR, à le soulager, en faisant en sorte de mieux utiliser le pneu AV", indique Mathieu Bonardel, responsable des activités Circuit au sein de Michelin Compétition. D'où la conception d'un pneu AV de plus grand diamètre : de 650 mm au départ, celui-ci est passé à un diamètre de 680 mm (pour 330 mm de largeur), contre 710 mm (et 370 mm de largeur) pour l'AR.
Pour Michelin, la barre est plus haute dans la mesure où Audi a énormément
travaillé sur son châssis
De là, les ingénieurs Michelin ont eu la possibilité de mettre plus de charge sur le pneu AV pour accroître le grip, une façon de soulager le pneu AR dans son comportement. Une démarche couronnée de succès puisque, aux dires des pilotes, c'était plutôt le pneu AV qui les empêchait d'aller plus vite dans leur 3e relais. "Un soulagement pour nous !", souligne Mathieu Bonardel. En 2007, le bolide allemand a gagné en performances puisqu'à Sebring, circuit moitié moins long que celui du Mans, il a tourné de 2''5 plus vite. Un gain à ne pas mettre simplement au crédit des pneus, même si ceux-ci sont entièrement nouveaux avec des efforts réalisés au niveau de l'endurance, de la fiabilité, etc. "Pour nous, la barre est plus haute dans la mesure où Audi a énormément travaillé et où ils savent bien que Peugeot est un adversaire de haut rang". Et celui-ci de prévoir cette année une moyenne de 230 km/h pour une vitesse maxi de 330 km/h…
Mais, quelle approche avec Peugeot, qui a choisi de développer une voiture fermée (dont les bases physiques procurent a priori un handicap en termes d'appui) ? "Globalement, après nous avoir présentés leur projet, les ingénieurs d'Audi nous avaient demandé le type de pneus que nous projetions de mettre sur leur châssis, quitte à reconsidérer quelques éléments par-ci par-là, explique Mathieu Bonardel. Certes, nous avions déjà très bien travaillé avec eux. Mais avec Peugeot, nous avons gravi un échelon supplémentaire, qui nous montre que les constructeurs sont parfaitement conscients que le manufacturier représente une clé essentielle de la performance. En effet, leur démarche a été celle-ci : que devons-nous construire comme voiture pour quelle marche bien avec vos pneus ? Qu'aimeriez-vous avoir comme suspension, répartition des masses AV/AR, aérodynamique, etc. ?".
Le fait que la 908 HDi FAP ait réussi à boucler trois relais d'affilée dès sa première sortie à Monza est très encourageant
Ainsi, plutôt que d'intégrer le pneu après avoir conçu la voiture comme l'a fait Audi pour son prototype "ouvert", l'idée des ingénieurs de Peugeot Sport et en particulier de Paolo Catone (chef de projet) était de donner une grande souplesse au manufacturier. Et Mathieu Bonardel d'effectuer cette comparaison : "comme si un tailleur avait réalisé un costume et qu'il cherchait ensuite la personne la plus appropriée pour l'endosser". Selon lui, le fait que la 908 HDi FAP ait réussi à boucler trois relais d'affilée dès sa 1re course à Monza est particulièrement encourageant dans la mesure où Audi, de son côté, n'avait pu le faire à Sebring. "Le fait que la Peugeot montre ses capacités à faire bonne usage de ses pneus est de très bon augure pour le Mans", pense-t-il. A noter qu'en termes de dimensions, et ceci dans la mesure où le règlement interdit d'augmenter le diamètre des pneus AR, les dimensions demeurent identiques à celles de l'année dernière, tant pour Audi que pour Peugeot. En effet, pour ce dernier, le choix de la voiture étant fait dans l'optique d'optimiser les pneus existants, il n'y avait aucune raison d'en changer. En outre, tant que le potentiel de développement de la voiture existe, pas question d'emprunter une voie différente de celle d'Audi. "Cela ne veut pas dire que nous n'arriverons pas en 2008 avec des enveloppes différentes, tout du moins à l'avant, indique Mathieu Bonardel. D'ailleurs, nous avons fait en sorte que cela soit possible". Evidemment, entre les usures, le fonctionnement des enveloppes, les notions de sous et de sur-virage, etc., le retour d'information fourni par les deux équipes se veut particulièrement enrichissant pour les hommes de Michelin. Le tout dans l'optique d'effectuer trois relais d'affilée, ce qui correspond généralement au changement de pilote. "Avec le nouveau règlement ACO (10 l de carburant en moins pour les Diesel, NDLR), il n'est pas exclu qu'une équipe opte pour quatre relais de nuit, pense Mathieu Bonardel. Pour ce qui nous concerne, nous adaptons nos pneus en fonction de la stratégie de l'écurie, elle-même dictée par la condition physique des pilotes". La course livrera son verdict.
Marc David
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