Christian Meunier, Jeep : "Nous vendons bien plus qu'un produit, nous vendons un style de vie"
Journal de l’Automobile : Que représentent les ventes de Jeep en Europe ?
Christian Meunier : Jeep va écouler 1,2 million de véhicules dans le monde et ce, malgré les contraintes liées notamment à la crise des semi‑conducteurs. L’Europe représente 10 % des ventes de la marque, tandis que l’Amérique du Nord couvre 60 % des parts de marché. L’Amérique du Sud, portée par le Brésil, affiche une pénétration de 15 %, le reste étant réparti sur les autres continents. En volume, l’Europe représente entre 100 000 et 120 000 ventes en fonction des années. Sur le continent, l’Italie est le premier marché avec 50 % des transactions, suivie à parts plus ou moins égales par l’Allemagne, l’Espagne et la France qui est quatrième.
J.A. : Avec l’arrivée des nouveaux modèles électriques, cette part de marché européenne va‑t‑elle évoluer ? Qu’en est‑il en France ?
C.M. : Nous estimons que l’Avenger sera le numéro un des ventes de Jeep en France et en Europe. Avec ce produit, nous visons, au global, les 10 000 ventes annuelles dans l’Hexagone (4 552 à fin septembre 2022 ; 10 822 en 2021 ; 6 381 en 2020 ; 11 541 en 2019, NDLR). Il sera commercialisé au cours du deuxième trimestre. Avec notre nouveau plan produits, nous y reviendrons, nous estimons qu’à moyen terme, l’Europe représentera 15 % de nos ventes. Nous allons notamment essayer de dupliquer ce qui se passe en Italie sur les principaux marchés européens. Car l’Italie commercialise près de 60 000 véhicules par an et couvre 10 % de part de marché du SUV. En France, Jeep ne représente que 1 % des ventes de SUV et 0,5 % sur le marché toutes marques confondues. Le potentiel est donc énorme.
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J.A. : En France, l’image de Jeep est un peu floue. Quelle est votre stratégie pour y remédier ?
C.M. : Au fil des années, dans un monde où l’on ne parle que de mobilité, la marque a perdu son image. Avec Jeep, nous ne vendons pas de la mobilité, mais un art de vivre. J’observe d’ailleurs que dans d’autres secteurs, comme l’habillement ou la technologie, par exemple, l’art de vivre est souvent mis en avant par certaines marques qui le revendiquent dans leur ADN. Ce n’est pas le cas dans l’automobile. Et si, dans notre secteur, il y a une marque qui symbolise l’art de vivre, c’est bien Jeep. Mais attention, cela ne veut pas dire que nous sommes décorrélés des attentes du marché, que nous n’avons pas des solutions pertinentes pour répondre aux enjeux environnementaux. D’ici 2025, nous allons commercialiser quatre modèles 100 % électriques.
J.A. : Dont l’Avenger ?
C.M. : Exactement. Il a été dévoilé pour la première fois en Europe au Mondial de l’Automobile. Il s’agit du premier modèle 100 % électrique de notre histoire. Il disposera d’une batterie d’une capacité de 54 kWh, ce qui lui permettra d’afficher une autonomie de 400 km et jusqu’à 550 km en cycle urbain. Il sera le fer de lance de l’introduction de cette nouvelle gamme électrique.
J.A. : Quels sont les autres modèles ?
C.M. : En 2024, nous allons commercialiser le Recon. J’ai eu l’occasion de le présenter lors de la révélation de notre plan produits en septembre 2022, il s’inscrit dans la continuité du Wrangler qui restera au catalogue. Comme ce dernier, il disposera de vraies capacités de franchissement. Nous lancerons ensuite le Wagoneer S dont l’autonomie sera de 650 km. Enfin, un quatrième modèle complétera cette offensive électrique.
J.A. : Quelle est la stratégie de Jeep concernant la distribution ?
C.M. : Nous ne prévoyons pas à court ou à moyen terme de passer à un contrat d’agent comme c’est le cas pour d’autres marques du groupe Stellantis. Néanmoins, nous souhaitons nous appuyer sur un réseau solide et rentable. Nous voulons que nos distributeurs puissent dégager de la rentabilité et investir, notamment en termes de ressources humaines, dans des équipes qui portent les valeurs de la marque. Nous vendons bien plus qu’un produit, nous vendons un style de vie et j’insiste sur ce sujet. Nous ne sommes pas une marque généraliste ; j’ai besoin de passionnés pour accompagner notre développement. Cette restructuration ne passe pas par la réduction des points de vente, car j’estime que nous avons une bonne couverture du territoire, mais par une concentration des talents et des compétences.
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J.A. : Alors que certains mettent en avant le paradoxe entre les véhicules électriques et les SUV, quelle est votre réponse ?
C.M. : En me promenant dans les allées du Mondial de l’Automobile, je n’ai pas vraiment vu que c’était la fin du SUV ! Mais il est vrai que nous devons faire évoluer nos produits vers plus d’aérodynamisme et des batteries plus légères afin d’offrir la meilleure efficience. Néanmoins, d’une manière générale, je pense que le sujet prioritaire pour les véhicules électriques n’est plus forcément l’autonomie, mais le temps de recharge. En outre, sur l’électrique, les constructeurs automobiles communiquent trop, voire exclusivement, sur la mobilité et pas du tout sur le plaisir, l’art de vivre. Nous voulons nous emparer de ces axes de communication pour promouvoir nos nouveautés. Même électrique, une Jeep reste une Jeep avec toutes les spécificités tout‑terrain qui ont porté la marque depuis sa création. Mais le message doit passer également par les équipes commerciales. Nous avons à leur disposition les arguments techniques ; l’électrique offre, en effet, un meilleur couple, une plus grande réactivité en franchissement et surtout, dans les endroits où le 4 x 4 est autorisé, comme aux États‑Unis, un vrai silence d’utilisation. Nous devons revenir à nos fondamentaux pour vendre nos modèles. J’ajoute que nous ne sommes pas là pour vendre un prix, mais du rêve. Jeep dispose d’un capital sympathie très important, mais cela ne se traduit pas en termes de ventes. Car pour un grand nombre d’automobilistes, Jeep reste encore synonyme de gros moteurs, pas adaptés au marché européen. L’électrification de notre catalogue, et c’est d’ailleurs le cas avec notre gamme actuelle 4xe, va permettre de repositionner la marque au chapitre des émissions et de l’ouvrir à de nouveaux clients. En parlant d’art de vivre, Jeep dispose d’un programme assez unique dans le monde de l’automobile qui est la Jeep Academy. Elle a été mise à mal avec la pandémie.
J.A. : Allez‑vous la redévelopper ?
C.M. : Il s’agit d’un programme que nous allons effectivement poursuivre, car dans tous les pays où il existe, les ventes de Jeep sont performantes. C’est le cas notamment aux États‑Unis, au Brésil ou au Japon. Grâce à la Jeep Academy, nos clients deviennent des ambassadeurs de notre marque.
J.A. : Jeep est la seule marque américaine du groupe Stellantis à être commercialisée en Europe. Quelle est la stratégie pour les autres marques ?
C.M. : Jeep est une marque globale, ce qui signifie qu’elle est présente sur tous les continents. Chrysler et Dodge, sans parler de RAM, sont des marques plus locales avec des produits qui, par leurs dimensions ou leurs motorisations, pour ne prendre que ces critères, ne correspondent pas à tous les marchés. Néanmoins, avec l’électrification des véhicules, cela pourrait évoluer dans le temps.
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