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Constructeurs

Beatrice Foucher, directeur du produit Groupe Renault.

Publié le 27 mars 2009

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
"La notion de juste prix sera dure et longue à rétablir"Toujours aussi disponible et affable, Béatrice Foucher revient en notre compagnie sur les impacts de la crise sur le plan produits du groupe. Sans détours,...
"La notion de juste prix sera dure et longue à rétablir"Toujours aussi disponible et affable, Béatrice Foucher revient en notre compagnie sur les impacts de la crise sur le plan produits du groupe. Sans détours,...
...elle évoque aussi la problématique indienne et le défi du véhicule électrique.

Journal de l'Automobile. La crise a eu un impact sur votre appareil de production, mais plus en amont, a-t-elle eu des conséquences sur votre plan produits comme chez d'autres constructeurs ?
Béatrice Foucher. La crise a effectivement eu un impact immédiatement visible avec la réduction du nombre de véhicules produits et son corollaire, des jours de chômage technique en usine. Au-delà de l'appareil industriel à proprement parler, l'impact s'est aussi fait sentir par le biais d'un ajustement des projets aux recettes disponibles, sachant qu'il faut veiller à ce que l'entreprise ne dépense pas trop d'argent. Donc, nous avons ajusté les investissements relatifs à certains projets, notamment la charge de l'ingénierie et son coût médian. L'arrêt des investissements en Inde ou le report du projet de production au Maroc sont aussi significatifs. Bref, des projets ont été retardés ou annulés. Désormais, nous étudions en permanence les projets à l'aune de l'évolution des différents scenarii de sortie de crise pour déterminer ce qui, en cas de nécessité, pourrait encore être annulé ou gelé. Mais tout n'est pas stoppé, bien entendu. En outre, cette situation, certes subie, possède une vertu : elle permet de poser des questions plus pointues sur certains projets et l'urgence se traduit alors par plus de recul et elle nous pousse à renforcer nos synergies, notamment avec Nissan.

JA. Mégane et Scénic sont des modèles essentiels pour la marque : comment les promouvoir dans un contexte peu propice à ce type de lancements et face à une concurrence bien en place, principalement le C4 Picasso ?
bF. Nous n'avons pas choisi de sortir ces modèles pendant la crise ! Mais au final, nous allons bel et bien sortir toute la gamme Mégane durant la crise… Tout d'abord, lancer une voiture en pleine récession, c'est la lancer sur un marché plus faible en masse, c'est clair, donc les volumes seront moindres même à iso parts de marché ou à gain de parts de marché si on estime que le modèle fera la différence. Ensuite une autre question se pose : est-ce un atout de proposer une nouveauté face à une concurrence en place où cela va-t-il passer inaperçu car les clients ont d'autres préoccupations. Nous savons, sur la base d'études fiables et de l'expérience capitalisée en 1993, qu'il est plus facile de vendre une nouveauté que des modèles plus anciens en temps de crise. De surcroît, nous pensons que sortir du M1 en période de crise, c'est moins pire qu'autre chose… Pour deux raisons : d'une part, c'est notre core-business et nous sommes très performants sur ce segment et d'autre part, nous avons un parc très important, avec des clients fidèles et un potentiel de renouvellement très élevé. En outre, les clients de ce segment ne sont pas les plus touchés par la crise. Bref, sortir un véhicule sur ce segment est un moindre mal.

JA. Actuellement, quand vous ajustez vos études de market understanding, quelles opportunités apparaissent et quelles perspectives s'obscurcissent ?
bF. Ces études sont justement revues chez nous en avril et les éléments que je peux avancer pour l'heure sont donc forcément embryonnaires. Cependant, on perçoit que les marchés émergents sortiront plus rapidement de la crise, la Chine, l'Inde et le Brésil par exemple. Sur ces pays plus agiles et où le "paraître" a encore une grande importance, je pense plus spécifiquement au Brésil ou à l'Argentine, le grand défi est d'être prêt dès la sortie de crise à proposer des modèles nouveaux et frais. C'est très difficile car un constructeur évolue dans une structure temporelle plutôt lourde. Pour l'Europe de l'Ouest, l'incertitude est plus forte. En revanche, on sait que le trend du CO2 est structurel et que les clients veulent contrôler leur budget auto dans sa globalité et qu'ils ne reverront pas ce poste à la hausse. De surcroît, la référence prix des véhicules est totalement brouillée actuellement, avec des effets de dumping incroyables ! Le déstockage a cassé les prix, avec une amplitude que nous n'avions jamais connue, et la notion de juste prix sera dure et longue à rétablir.

JA. D'un point de vue géographique, quels sont les relais de croissance prioritaires que vous assignez à la gamme Logan dans un contexte socio-économique très mouvant ?
bF. Tout dépendra bien entendu du calendrier de la sortie de crise, mais nous ne remettons pas tout en cause pour autant. Ainsi, le Mercosur reste une priorité et nous mettons en œuvre une stratégie de compléments de gamme qui sera performante. La Russie, les pays de l'Est et le Maghreb sont aussi des cibles porteuses. Par rapport à l'Inde, la situation est plus délicate et sous l'effet de la crise, nous avons donc ralenti notre processus d'investissement.

JA. Justement, beaucoup d'interrogations pèsent sur votre stratégie en Inde, avec quelques problèmes avec Mahindra qu'on ne peut s'empêcher de rapprocher du partenariat avec Bajaj et bien sûr, le gel du projet de Chennai. Quels sont désormais vos objectifs sur un marché qui demeure très prometteur, notamment eu égard à son indice démographique ?
bF. Avec Mahindra, nous commercialisons Logan et des strategic review sont menées pour voir s'il y a lieu d'aller plus loin, sur fond de crise économique comme je le disais. Dès lors, le projet de Chennai a été arrêté et le plan produits mis en veille. Avec Bajaj, c'est différent, cette association est focalisée sur le marché des primo-entrants sur le marché automobile. Et en Inde, il s'agit aussi souvent de passer de 2 roues à 4 roues, ou du rickshaw à la voiture. Mais cette association est très intéressante car il faut savoir que le business de Bajaj est très rentable en Inde. Quand je parle de rentabilité, on se rapproche plus de Vuitton que des canons traditionnels de l'automobile…

JA.
Au chapitre des énergies alternatives, vous communiquez beaucoup sur le véhicule électrique en ciblant le particulier. Est-ce vraiment la bonne cible alors que les flottes semblent bien plus indiquées, eu égard à la problématique de l'autonomie ?
bF. Dans un premier temps, les flottes seront prioritaires, c'est clair. Mais simultanément, nous devons travailler sur la rationalité des usages du client particulier. En effet, le véhicule électrique est taillé pour un usage spécifique, principalement sous l'angle d'une autonomie réduite. Il y a encore un gros travail à faire sur la notion de coût d'utilisation et à cet égard, nombre d'achats de modèles diesel démontrent un manque de rationalité. En fait, il s'agit d'optimiser l'achat par rapport aux besoins réels. D'où la nécessité de travailler dès maintenant sur les mentalités du client particulier.

JA. Y voyez-vous vraiment un mode de substitution au tout pétrole ?
bF. Ce n'est pas le discours que nous tenons. L'impérieuse nécessité de trouver une substitution au pétrole s'annoncera vers 2050 et si on peut penser que la solution a des chances d'être chimique, on ne la connaît pas encore. D'ici là, une vaste période de transition doit être traversée. Le rapport à l'autonomie a beaucoup de poids dans l'imaginaire collectif, mais il convient aujourd'hui de le remettre en prise avec les usages réels. C'est sur l'acquisition de cette nouvelle compétence que nous devons travailler avant tout. Et cela implique aussi de nouveaux services associés à développer.

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