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Constructeurs

Bataille dans l’ombre d’Audi

Publié le 11 mai 2011

Par David Paques
7 min de lecture
Le bousculement de l’ordre établi sur le marché des premium, et la hausse annoncée des ventes de véhicules haut de gamme, à moyen terme, semblent avoir accru l’agressivité commerciale des challengers premium ces dernières semaines.
La distribution automobile a coutume de voir quelques tours de passe-passe s’opérer en fin d’année. Longtemps, ce que certains appellent “l’achat d’immatriculation” ne concernait que de grands généralistes, ou quelques filiales de spécialistes sommées par leur maison mère de tenir leurs objectifs. L’an dernier, BMW semble y avoir eu recours.

Le marché français du premium change. De plus en plus concurrencés, et même attaqués sur leurs flancs par des généralistes en quête de montée en gamme salvatrice, les constructeurs haut de gamme en sont les premiers témoins. Eux-mêmes tentent d’étoffer leurs gammes respectives pour surfer en permanence sur l’effet nouveauté qui va les porter au panthéon du marché. Et ces derniers mois, à ce niveau, c’est bien Audi qui remporte la palme, bousculant au passage la hiérarchie des constructeurs haut de gamme. L’an dernier, pour la 1re fois, la marque aux anneaux s’est placée sur la plus haute marche du podium français en immatriculant 50 936 véhicules neufs, devant BMW (46 074 VN), puis Mercedes (45 612). Derrière le constructeur d’Ingolstadt, les deux autres marques allemandes tentent de suivre le rythme. Au point de voir BMW, en fin d’année dernière, réaliser une manœuvre dont on ne sait si la nature est teintée d’orgueil ou s’explique simplement par quelque obligation industrielle.

“Alors qu’au début de décembre, Mercedes devançait BMW d’environ 100 VN, et qu’à la veille de Noël, la situation était toujours à son avantage, la direction du constructeur bavarois aurait clairement pris la décision de profiter de cette opportunité et de “passer en force”, afin de ne pas terminer 2010 à la troisième place de ce marché”, raconte Alex Mairey, directeur associé d’Opinea, société d’études marketing et d’analyses macro-économiques sectorielles. “La marque aurait ainsi proposé, à ses distributeurs, une prime supplémentaire de 1 500 euros par véhicule immatriculé, sur des modèles bien précis. Une prime s’ajoutant à des moyens commerciaux déjà très généreux”, précise encore Alex Mairey. Résultat : BMW a clos l’exercice 2010 à la deuxième place du marché premium avec 460 immatriculations VN de plus que Mercedes, grâce à une ultime semaine record de quelques centaines d’immatriculations.

Objectif rempli pour BMW. Quelques dents auraient alors grincé du côté de Stuttgart. Mais cette manœuvre n’aura pas simplement bousculé la hiérarchie en place. En effet, celle-ci a par exemple contraint le réseau français de la marque à l’hélice de débuter l’année 2011 avec des centaines de VD ou de véhicule “zéro kilomètres” à écouler. Un embarras, pour certains, une aubaine, pour d’autres. “Grâce à cette prime, le constructeur leur a, quelque part, offert leur marge VN et leur a permis d’être dans le trend des objectifs de volume. Par ailleurs, ils disposent désormais de véhicules d’occasion sur lesquels ils vont pouvoir une nouvelle fois marger”, détaille Alex Mairey. Enfin, cette attaque semble également avoir une conséquence plus pernicieuse, avec une hausse très nette de l’agressivité commerciale des nouveaux challengers.

BMW met des moyens commerciaux exceptionnels pour maintenir ses ventes

L’insolente réussite d’Audi semble avoir mené les marques premium dans certains travers jusque-là réservés aux seules marques généralistes. Entendez par là que les constructeurs premium semblent être entrés, eux aussi, dans une course à la remise, dont ils étaient préservés. Une surenchère à l’avantage du client, dont on remarque clairement les signes depuis le début d’année.

Afin de rester dans la course, et de manière à compenser le manque à gagner engendré par les commandes anticipées de fin décembre, BMW a remis la main au portefeuille, dès les premiers jours de janvier, pour soutenir ses commandes VN. Sur le premier trimestre, le constructeur aurait, selon des données transmises par Opinea, ajouté 2 850 euros de moyens commerciaux en plus, par véhicule. Traditionnellement, chez les marques premium, ces moyens oscillent entre 1 500 et 2 000 euros. Cette même moyenne aurait d’ailleurs atteint 1 550 euros chez Mercedes et 1 050 euros chez Audi. De grandes disparités apparaissant parmi les gammes des trois constructeurs sur le sujet. Chez BMW, c’est l’escalade, avec notamment plus de 10 000 euros de moyens mis en place sur les Série 6 et Série 7. “Mercedes reste dans une logique classique, jugeant sans doute inutile de payer pour gagner quelques ventes de plus”, explique Alex Mairey. En effet, la marque à l’étoile est restée mesurée dans cette approche, n’offrant au mieux qu’un peu plus de 5 000 euros sur la Classe S, 3 500 euros sur les Classe M et CLS. Même constat chez Audi.

Ce support accordé au réseau a sans doute facilité l’activité des distributeurs durant les trois premiers mois de l’année. Notons, à ce sujet, qu’Audi était toujours très nettement en tête du segment à fin mars avec 13 785 VN (+ 13,35 %), devant BMW et ses 10 500 VN (+ 0,23 %), puis Mercedes, dont les immatriculations ont dangereusement chuté de 14 % à 8 927 VN. “Les ventes unitaires de Mercedes restent rentables, mais l’effet volume va bientôt impacter négativement les comptes des distributeurs”, analyse Alex Mairey. Notons que ce même phénomène avait déjà fait reculer la valeur du résultat net moyen des distributeurs de Mercedes de près de 60 % l’an dernier, malgré un ratio de profitabilité en hausse à 1,7 % du chiffre d’affaires moyen, contre 1 % une année auparavant.

Depuis avril, Mercedes se montre plus agressif

Après trois mois de nouveau compliqués, Mercedes a donc réagi pour soutenir l’activité commerciale de ses distributeurs. En avril, la marque aurait par exemple mis 20 000 euros de moyens commerciaux sur SLS, alors que sur le premier trimestre, aucune aide n’avait été attribuée à ce modèle. Mais la démarche est presque anecdotique. La plus importante réside en réalité dans la réponse donnée par Mercedes aux offres commercialisées dans le réseau BMW.

Depuis le mois dernier, BMW et Mercedes ont, toutes deux, mis en place des opérations pour attiser le business. Rien de bien nouveau. Le segment des premium n’a jamais été épargné par ces opérations. Il est toutefois intéressant de mettre en relation les deux séries spéciales concoctées par les deux marques.

Chez BMW, la politique reste la même. Les séries spéciales Black & White Edition sont en effet particulièrement agressives. Notamment sur la Série 1. Basée sur la finition d’entrée de gamme, celle-ci permet d’afficher le véhicule à partir de 19 900 euros et, en fonction des motorisations, d’afficher un bénéfice client compris entre 3 250 et 4 200 euros, dont le constructeur prend entre 40 et 60 % à sa charge.

Chez Mercedes, du 1er avril au 30 juin, une Classe A série spéciale Optimum, basée sur le modèle 160 BE Classic, permet de proposer le véhicule à partir de 17 500 euros, au lieu de 19 950 euros. La contribution du constructeur étant évaluée à 1 424 euros HT, celle du réseau à 603 euros HT, pour un bénéfice client estimé à 2 450 euros TTC.

Notons, en outre, que pour aider son réseau, le constructeur de Stuttgart offre des primes additionnelles pour toute commande, hors série Optimum. Une prime qui s’élève à 1 200 euros pour les commandes de Classe A, et à 1 400 euros pour celles de Classe B. On retrouve d’ailleurs cette même aide chez leur homologue munichois. Un bonus systématique de 1 500 euros est en effet attribué aux distributeurs BMW pour toute commande de Série 1 ou de Série 3 jusqu’au 30 juin prochain, hors série Black&White.

Prime, avantage client, immatriculations de VD… les marques premium ont donc bel et bien succombé aux mêmes sirènes que leurs consœurs généralistes pour se distinguer dans un univers de plus en plus concurrencé. Des questions se posent toutefois. Jusqu’où peuvent aller ces marques dans cette politique de soutien ? Notamment BMW, sans conteste le constructeur le plus agressif commercialement. Peut-être le salut viendra-t-il du produit… Peut-être d’ailleurs… De l’extension du marché, par exemple. Benoît Tiers, directeur général d’Audi France, voit justement le marché français du premium progresser de 18 000 VN cette année pour clore 2011 à 200 000 unités (voir JA 1131). Il le voit même représenter, à terme, 15 % du marché hexagonal. Peut-être cette croissance évitera-t-elle aux marques premium de tomber dans ce que certains distributeurs généralistes appelaient récemment “la grande braderie”.

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