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“Nous sommes à la veille de changements plus profonds”

Publié le 23 juillet 2014

Par Tanguy Merrien
7 min de lecture
Après une longue et riche carrière passée au sein du groupe Renault, Jean-Pierre Laurent préside aujourd’hui aux destinées d’un des plus grands groupes de distribution en France : le groupe Bernard. Le dirigeant revient sur les raisons de sa nomination et détaille les ambitions de l’opérateur dans les années à venir.
Jean-Pierre Laurent, directeur général du groupe Bernard.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Vous avez rejoint le groupe Bernard après avoir mené une longue carrière chez un constructeur, Renault. Pouvez-vous revenir sur les raisons qui vous ont poussé à passer de ce côté-ci de la barrière ?

JEAN-PIERRE LAURENT. J’ai toujours été lié de près ou de loin, pendant ma carrière, à la distribution puisque j’ai occupé divers postes de direction, gérant une ou plusieurs succursales en France, en Espagne et même dans le monde. C’est pourquoi je ne considère pas être passé de l’autre côté de la barrière. En fait, quand je suis parti de chez Renault fin 2011, je suis revenu en France et François Hinfray, le dirigeant du groupe Alcopa, m’a contacté pour l’épauler. C’est ainsi que j’ai été nommé administrateur de Maudis, la filiale Distribution du groupe Alcopa, qui pèse 25 000 voitures et représente 40 points de vente. Or, au même moment, Maudis était en négociation avec le groupe Bernard pour un rapprochement et une prise de participation au sein de celui-ci à hauteur de 34 %. C’est alors que Jean-Patrice Bernard a souhaité recruter un directeur général, et c’est à moi que l’on a pensé pour occuper cette fonction.

JA. Comment menez-vous de front ces deux fonctions ?

J-PL. Je passe une semaine par mois en Belgique et les trois autres en France, mais vu la charge de travail, je peux aussi compter sur une équipe de collaborateurs performants pour m’épauler. Le fait d’être bien entouré m’aide à mener de front ces deux fonctions.

JA. Au regard de votre parcours, quelle vision avez-vous de la distribution automobile d’aujourd’hui ?

J-PL. C’est un sujet très vaste. Globalement, le métier a peu évolué par rapport à d’autres. Néanmoins, nous sommes à la veille de changements plus profonds et qui se concrétisent peu à peu. En outre, quand on observe les soubresauts du marché comme ce fut le cas ces deux dernières années, on constate aussi les premières difficultés poindre pour ceux qui gèrent mal leurs groupes. Nous assistons à une accélération de la concentration et à l’évolution d’un business model due aux nouveaux comportements des consommateurs et à l’émergence d’Internet. De plus, de nouveaux opérateurs arrivent sur le marché, ce dans tous les secteurs d’activité (VN, VO, pièces…), et menacent le système en place. Tous ces phénomènes vont s’accélérer dans le temps et faciliteront, je pense, la multiplication des grands groupes multimarques, multiservices, pendant qu’un paysage automobile de moins de moins atomisé se mettra en place.

JA. Le groupe Bernard est depuis de nombreuses années le deuxième groupe de distribution français. Au regard de ses connexions européennes (Pologne, Belgique…), quelles sont ses réelles ambitions à plus ou moins long terme ?

J-PL. Nous avons pensé à ce développement il y a quelques années, c’est vrai, et notamment au plus fort du rapprochement des groupes Alcopa et Bernard. A l’époque, il existait une réelle ambition d’en faire un top groupe au niveau continental sur un périmètre élargi allant de Valence à la Pologne en passant par la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne. Toutefois, et au regard des évolutions du marché VP mais aussi VI en Europe, nous avons vu certains bouleversements au niveau du marché et de la législation qui nous ont amenés à nous concentrer sur nos marchés existants (Belgique, Luxembourg et France), au moins jusqu’en 2016.

Par ailleurs, nous nous refusons à faire n’importe quoi dans le groupe en termes de stratégie. Pour se développer, il faut aussi et surtout des moyens financiers ainsi que des reins solides. Or, quand on passe d’un management de deux groupes familiaux à celui d’un groupe international, il existe toute une série de process et d’étapes à respecter. Nous avons mis en place une vision d’entreprise qui consiste à être performants là où nous existons aujourd’hui, dans tous les secteurs d’activités et dans toutes les marques. Aussi, nous nous efforçons de repérer les best-practices du groupe et de les standardiser. Par ailleurs, en 2012, nous avons fait face à un plan de restructuration de taille pour affronter les aléas du marché avant de gagner à nouveau de l’argent en 2013 et de redécoller en 2014, avec notamment la reprise de deux succursales Citroën à Reims (51) et Charleville-Mézières (08) en juillet.

JA. Ces reprises marquent aussi une première incursion géographique en dehors du territoire historique, la région Rhône-Alpes, du groupe Bernard. Faut-il y voir un développement plus national ?

J-PL. Certes, mais ces deux sites se situent aussi sur la route de la Belgique, où se trouve géographiquement le groupe Alcopa. Et comme je le disais à l’instant, nous sommes intéressés à développer un groupe allant de notre territoire historique à la Belgique.

JA. Il faut donc s’attendre à voir le groupe Bernard se développer dans cette zone prochainement ?

J-PL. Nous avons beaucoup de dossiers qui nous ont été présentés par différentes marques afin de reprendre quelques affaires sur cette zone. Les offres ne manquent pas, mais nous ne reprendrons pas ces affaires si, par faute de rentabilité, elles ne nous permettent pas d’aller rapidement de l’avant. Nous serons donc très sélectifs et, pour être clair, en 2014, il ne devrait pas y avoir d’autres reprises. Quant à 2015…

JA. Le groupe commercialise les trois marques françaises ainsi que Mercedes, Nissan, Dacia et Infiniti. Peut-on envisager une diversification et voir plus de marques au sein de votre offre, à terme ?

J-PL. C’est une affaire d’opportunités et celles-ci doivent passer les filtres que j’évoquais à l’instant. En outre, si on ajoute l’offre du groupe Alcopa, nous disposons d’un portefeuille très large avec 24 marques.

JA. Quelles ont été les grandes satisfactions et a contrario les déceptions de l’année 2013 ?

J-PL. L’exercice a été marqué par la restructuration de l’entreprise qui nous a permis de retrouver la profitabilité. Certes, cela n’a pas été facile car il a fallu se séparer d’affaires, de certaines personnes, mais c’était aussi un passage obligé. Nous avons constaté que les process mis en place portaient leurs fruits et que les managers et patrons de marque du groupe obtiennent les résultats demandés. Nous arrivons à atteindre trois critères fondamentaux dans la distribution d’aujourd’hui : qualité, rentabilité et performances commerciales.
A l’inverse, la conjoncture et l’incertitude des marchés restent des facteurs pesants et lourds quand on dirige un grand groupe de distribution aussi bien pour le VN que le VI. Evoluer dans l’univers actuel est très difficile car le chef d’entreprise a très peu de visibilité sur l’évolution du secteur.

JA. Quels sont les grands chantiers prévus au sein du groupe ?

J-PL. Le passage à l’ère digitale devra prendre plus d’importance sans pour autant s’opposer à l’ère physique. Je pense et je suis sûr que ces deux paramètres doivent aller de pair et je souhaite que le groupe soit au niveau sur ces sujets. Nous avons notamment commencé par refondre notre portail Internet, qui est un des meilleurs de la profession, nous avons aussi travaillé sur la gestion des leads, sur le CRM, les réseaux sociaux… Je n’oublie pas non plus les niches de business intéressantes, qui viennent soutenir l’ensemble du groupe. Mais, encore une fois, le plus important pour les deux ans qui viennent restera de pérenniser l’ensemble de nos affaires tout en complétant notre couverture territoriale.
 

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