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Xavier Horent décrypte l'actualité automobile

Publié le 17 novembre 2025

Par Catherine Leroy
6 min de lecture
La filière automobile française subit de plein fouet les conséquences d’une réglementation européenne qui met au rebut son industrie liée aux motorisations thermiques. Fervent défenseur d’un tissu économique national fort, Xavier Horent, délégué général de Mobilians, décrypte pour Le Journal de l’Automobile une actualité qui pèse sur le secteur.
Xavier Horent, délégué général de Mobilians
Xavier Horent, délégué général de Mobilians, décrypte l'actualité automobile.

Un budget sans cap ni cohérence économique

Mobilians a pris acte de la déclaration de politique générale du Premier mi­nistre et de son projet de budget. Si certaines orientations vont dans le bon sens, notamment la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), il n’en de­meure pas moins que le cadre géné­ral et la confusion des débats parle­mentaires sont inquiétants. En tout état de cause, cette situation n’est pas à la hauteur de nos enjeux de société. Un pays qui ne compte pas est un pays qui ne compte plus.

 

Plus de 15 milliards d’euros de nouveaux impôts et taxes frap­peront le secteur privé : ce choix, s’il se confirme, est incompréhen­sible dans un contexte où les dé­faillances d’entreprises ont atteint leur plus haut niveau depuis 2009. L’actuel projet de budget ne permet aucune rupture franche. Il accroît le coût du travail, fragilisant à la fois ceux qui créent de la richesse et le pouvoir d’achat.

 

Les trajectoires présentées ne résolvent pas des déséquilibres structurels : augmenter les re­cettes sans baisser les dépenses est contre‑productif. Cette perspec­tive altère la croissance et affaiblit notre compétitivité. Concernant la suspension "quoi qu’il en coûte" de la réforme des retraites, l’équa­tion demeure avec toutes ses in­connues, tout en reportant la fac­ture sur les générations futures. À l’inverse, le cap de croissance à suivre est de faire des choix clairs dans la dépense publique, d’alléger les charges sur les entreprises et les actifs, de favoriser la production et l’investissement en France et de réellement simplifier.

 

Il faut un électrochoc de réalisme : que restera‑t‑il de nos actifs en 2035 si nous sommes incapables de sécuriser l’an prochain notre socle industriel et commercial ? Que la France adopte une ligne cohérente, en particulier avec l’Allemagne, partage une position concertée avec sa filière nationale et tienne les engagements pris à son égard.

 

Un nouveau "Deal" européen est incontournable

La Commission européenne a entrepris ‑ tardivement ‑ de compléter le Green Deal d’une dimension économique. Ce prag­matisme va dans le bon sens, en remettant l’innovation avant la régulation.

 

Reste à le concrétiser réellement et à l’amplifier pour que l’Union exerce sa volonté de puissance. Bruxelles a également décidé d’avancer l’exa­men de la "clause de revoyure" à cet au­tomne 2025. Loin de signifier une logique de retardement, je suis convaincu qu’elle offre, au contraire, une chance collective de cohérence. L’enjeu est, en effet, moins une date qu’un marché socle solide. Réunissons les conditions de succès d’une stra­tégie de décarbonation et de digitalisation de long terme, garantissant la prévisibi­lité et la soutenabilité des trajectoires à suivre pour le véhicule particulier, utilitaire et industriel.

 

La conclusion d’un nouveau "Deal" est incontournable. Fondé sur un principe de diversité technologique, il doit prioriser des axes forts : protection du socle industriel, sécurisation des approvisionnements critiques, investissement massif dans les technologies, partage des données, promotion de la formation scien­tifique et manuelle, approche à 360° avec la distribution et la réparation, stimulation de la demande. L’éléphant sur la route européenne ? Un parc de 260 millions de vé­hicules. Le réel cogne : la réussite de la transition énergétique prendra du temps. Elle implique des politiques profondément acceptées pour éviter l’impasse sociale. À dé­faut, le marché se débranchera. Car c’est la liberté de choix d’un consommateur res­ponsable qui commande la chaîne de valeur. La direction à prendre : simplifier dras­tiquement les normes et bâtir une régulation robuste, de la production aux usages.

Face au déclin, choisir la renaissance industrielle

Après un lent déclassement, l’automobile française fonce vers un déclin accéléré et un mur d’urgences. Sa balance commerciale cumule 130 milliards d’euros de déficit depuis 2019, contre des excédents il y a 20 ans. Cette année, nos ventes égaleront celles de 1973 et la production celle de 1960.

 

Ce bond en arrière, dont on peut tout craindre, pose un risque systémique immédiat. L’Allemagne et l’Italie ont adopté des positions claires pour sauver leur "auto", pendant que la France risque de s’enfoncer dans une sorte d’autodissolution et de Munich social. Or, le renoncement à ce pilier culturel saperait notre pacte républicain. Perdre encore 75 000 emplois d’ici 5 ans n’est pas une fatalité, mais un défi.

 

Nos rivaux, compétiteurs de premier plan, sont de plain‑pied dans ce nouveau siècle d’un univers de la mobilité en pleine expansion. Ils ont préparé de longue date leur domination ‑ ce que nous n’avons pas fait en dépit des avertissements du rapport Draghi. L’intensité, l’amplitude et la vitesse de cette rup­ture industrielle et servicielle peuvent nous submerger ou, au contraire, nous stimuler. Réveillons‑nous : nous sommes une nation automobile ! Cessons avec cette spirale dépressive de toujours plus de malus, qui est d’ailleurs un leurre. Choisis­sons une baisse franche des charges sur la production, le travail, la mo­bilité ou l’importation de véhicules conçus et produits ailleurs. La mise à niveau de notre compétitivité est LA condition de la renaissance automo­bile française. C’est urgent et décisif.

Je suis… déterminé

Les vents contraires stimulent ma volonté de servir au mieux la filière dans une période extrêmement complexe et dangereuse. Face à de profondes re­mises en question, nous n’éviterons pas des chocs de nature systémique, en particulier en France. Il faut accepter de les traiter de face pour en tirer le meil­leur : les crises ouvrent aussi des moments de très grandes opportunités. Nos entreprises, de l’amont à l’aval, et leurs salariés se surpassent tous les jours. On ne peut pas ‑ on ne doit pas ‑ les laisser tomber : c’est une question de responsabilité dans un pays qui a oublié le sens et l’honneur de cette charge.

 

…lucide

sur la hauteur des enjeux de la filière automobile et plus largement. On ne réussira pas une transforma­tion culturelle sans faire l’effort de se réinscrire dans le temps long. Je suis inquiet de l’appauvrissement du débat public qui adhère de moins en moins au réel en s’enfermant de plus en plus dans le court terme et l’idéologie. Or, il y a la vérité des comptes d’exploitation, plombés par exemple par les coûts de conformité ou les factures énergétiques et les fausses promesses d’un fiscalisme d’atmosphère. Ne nous égarons pas ! Seule la performance protège et seul un pacte productif peut rassembler les Français, tout en finançant notre modèle social.

 

…engagé

car toutes les lignes bougent dans un monde qui accélère. La situation d’un pays stationnaire et allocataire commande d’organiser un sursaut décisif fondé sur des choix clairs et courageux. Chacun doit prendre sa part avec authenticité et défendre des valeurs. Mettons notre énergie au service du futur, en gardant ce qui vaut et en changeant ce qu’il faut. La réussite passe par l’engagement et la prise de risque.

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