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Olivier Flavier, Leboncoin : "La situation est d'une telle complexité en ce moment"

Publié le 18 septembre 2024

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
Récemment auréolée du prix de la marque préférée des Français, la plateforme Leboncoin reste au cœur du marché des voitures d'occasion. Un environnement qui, selon Olivier Flavier, reste difficile à lire. Le vice-président en charge de l'automobile lance donc des projets, comme avec C-Ways, pour se rapprocher des revendeurs.
Olivier Flavier Leboncoin
Olivier Flavier, vice-président Automobile chez Leboncoin. ©Adevinta

Le Journal de l'Automobile : Leboncoin vient de recevoir le prix de la marque préférée des Français. Comment interprétez-vous cette distinction ?

Olivier Flavier. Il y a une forme de continuité, après avoir reçu ces distinctions dans les catégories Immobilier et Biens de consommation, la logique voulait que la catégorie Automobile l'obtienne également. Après dix-huit ans de service, en France, la plateforme est reconnue pour l'ampleur du choix de voitures d'occasion qu'elle propose et sa simplicité d'utilisation. Aujourd'hui, Leboncoin attire 28 millions de visiteurs uniques par mois, dont 13,8 millions pour la seule catégorie automobile.

 

J.A. : Cette reconnaissance vous donnera-t-elle des arguments lors de la prochaine négociation tarifaire ?

O.F. : Nous n'en sommes pas là. Il s'agit surtout d'affirmer que nous sommes une référence. Nous apportons une visibilité sans équivalent aux professionnels. Nos études montrent que sur nos quelque 14 millions de visiteurs uniques de la catégorie automobile, 9,3 millions d'entre eux ne consultent aucun autre site de voitures d'occasion que le nôtre. En un peu plus d'une paire d'années, nous sommes passés de 89 millions de consultations par mois à 110 millions. Certes, il y a un effet de marché qui pousse vers le VO, mais nous observons aussi une tendance de fond, celle d'être devenu un réflexe pour les consommateurs français.

 

J.A. : L'autre actualité concerne la création d'un rendez-vous avec le cabinet C-Ways. Pouvez-vous nous expliquer le fondement de cette idée ?

O.F. : En effet, c'est un tout nouveau projet qui a vocation à créer plus de proximité avec nos utilisateurs professionnels. Leboncoin s'est associé au cabinet C-Ways pour réaliser des études régionales sur l'état du marché des voitures d'occasion en compilant nos données et des interviews de revendeurs. Ensuite, nous allons à la rencontre des distributeurs, en région, afin de partager les bonnes pratiques, sans avoir à rien d'autre à leur vendre. Nous leur présentons en exclusivité les résultats des études en présence de nos équipes techniques et marketing qui écoutent leurs retours afin de faire évoluer la plateforme dans le bon sens. Après Paris début septembre, nous serons à Bordeaux le 10 octobre, et cela continuera tous les mois.

 

J.A. : Quels ont été les enseignements partagés durant la première séance ?

O.F. : Nous leur avons fait un descriptif des profils des consommateurs en fonction des produits. L'étude portait aussi sur l'évolution des marges et d'autres items. Ces rendez-vous donneront à Leboncoin l'opportunité de regarder de manière privilégiée la situation de ses clients.

 

Tout le monde n'a pas les moyens de consentir à des efforts financiers pour séduire les acheteurs

 

J.A. : En votre qualité d'infomédiaire, quelle analyse statistique faites-vous des tendances de marché VO au sortir de l'été ?

O.F. : D'une manière générale, tout acteur sait que le marché de l'occasion fluctue de plus ou moins 10 % en fonction des périodes. Actuellement, nous sommes dans un cycle d'offres importantes. En conséquence, les professionnels ont fait beaucoup d'efforts. J'en veux pour preuve que depuis le début de l'année la moyenne des prix a baissé de 5 %. Du point de vue des consommateurs, les tarifs restent cependant assez haut, d'autant que le taux de crédit ne fléchit pas réellement. Alors, même si les ventes en BtoC sont bonnes, la rotation ralentit.

 

J.A. : Pouvez-vous nous partager des statistiques qui valident cette analyse ?

O.F. : Prenons les données issues de la plateforme Leboncoin, en comparant à l'année dernière. Le prix moyen des voitures d'occasion diesel a baissé de 8 %, soit 1 540 euros. Celui des voitures essence a diminué de 7,6 %, soit 1 370 euros. Le prix des hybrides a diminué dans les mêmes proportions, soit 2 880 euros de moins. Enfin, pour les voitures électriques, les professionnels ont appliqué une baisse de 12,6 %, soit 3 310 euros.

 

J.A. : Et qu'en est-il de la rotation ?

O.F. : Au cours des six derniers mois, la rotation moyenne pour les diesel a été de 83 jours contre 88 jours l'an passé. Elle a grimpé de 80 à 97 jours de moyenne en un an pour les voitures essence. Celle des hybrides aussi a ralenti, puisqu'elle est de 108 jours contre 96 jours en 2023. Et comme chacun le sait, la situation des voitures électriques d'occasion se dégrade. De fait, la rotation est désormais de 140 jours contre 114 jours il y a un an.

 

A lire aussi : À l'appel des concessions, Heycar réédite l'opération de déstockage VO

 

J.A. : Quelles sont vos recommandations à destination des revendeurs ?

O.F. : Nous avons étudié la situation des distributeurs. Très clairement tout le monde n'a pas les moyens de consentir à des efforts financiers pour séduire les acheteurs et améliorer la rotation de leur stock. Néanmoins, l'expérience nous pousse alors recommander des baisses allant de 200 à 400 euros afin de regagner en attractivité.

 

J.A. : La notion de pricing dynamique s'invite de plus en plus dans les conversations, que leur suggérez-vous ?

O.F. : Cette stratégie consiste à analyser l'offre sur une zone de chalandise pour mieux ajuster les tarifs. Nous encourageons vivement les professionnels à aller dans leur compte utilisateur pour consulter les outils à leur disposition et prendre des décisions pertinentes. Mais force est de constater qu'ils sont trop rares à le faire, malheureusement. En moyenne, en France, les prix des voitures d'occasion sont changés toutes les trois semaines et parfois deux mois se passent avant un ajustement.

 

J.A. : Certains pros appellent à une modernisation de vos outils d'estimation des valeurs pour mieux prendre en compte des spécificités, comme l'impact de la rupture de chaîne de TVA. De quelles évolutions disposeront-ils prochainement ?

O.F. : Dans notre interface, nous leur donnons les informations sur les prix de reprise, les prix affichés dans les annonces sur Leboncoin et les prix réels de transaction avec les clients. Pour être les plus efficaces et proches de la vérité, nous utilisons une intelligence artificielle qui analyse très finement les variations de prix. Nous travaillons également sur les montants de valeur résiduelle à terme. La situation est d'une telle complexité en ce moment que nous observons désormais une marge d’écart de cinq à sept points, quand elle était d'à peine trois points auparavant.

 

J.A. : Vous évoquez l'intelligence artificielle comme une technologie utilisée en interne. Qu'en est-il d'une application dans les outils mis à disposition de vos utilisateurs ?

O.F. : Nous menons des tests divers avec parfois quelques clients. Pour l'heure, Leboncoin n'a encore rien déployé à grande échelle. Nous estimons que l'intelligence artificielle n'est pas encore totalement sous le contrôle des sociétés pour ce a trait aux recherches faites par les internautes. Dès lors, nous devons craindre ce qu'on appelle dans le jargon le "phénomène d'hallucination". Pour le dire simplement, nous savons que l'IA peut avoir tendance à faussement anticiper les intentions d'utilisateur, ce qui biaise le travail de la machine et altère donc le résultat.

 

J.A. : Mais elle peut aider à rédiger des annonces…

O.F. : Sur Leboncoin, les revendeurs ont la possibilité d'entrer du texte libre. Ce qui n'est pas le cas partout. Or, si tout le monde donne les mêmes instructions à l'intelligence artificielle, alors toutes les annonces finiront par se ressembler. Je suis convaincu que cette uniformisation peut nuire au référencement naturel des offres et donc plus largement de la plateforme. En clair, nous ne voulons pas perdre cette visibilité que nous avons sur internet et qui fait de nous le premier pourvoyeur de leads des revendeurs de voiture d'occasion.

 

A lire aussi : Pour aider les pros à déstocker les VO, ParuVendu ouvre les vannes

 

J.A. : Plus largement, quels sont les nouveaux services à intégrer au dernier quadrimestre ?

O.F. : Nous travaillons actuellement sur plusieurs sujets en parallèle. Au fil du parcours, nous évaluerons la pertinence pour les utilisateurs de la plateforme. Certaines idées seront probablement mises de côté. Il est donc encore trop tôt pour communiquer sur des innovations.

 

J.A. : Qu'en est-il du changement d'actionnaire ?

O.F. : Le dossier est officiellement bouclé depuis le mois de juin dernier. La principale information à retenir et celle qui concerne notre retrait de la Bourse. Pour le reste, il y a finalement peu de changements dans les consignes de la part des fonds d'investissement qui nous financent, car ils nous demandent de continuer à développer l'entreprise par des projets novateurs.

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