L’onde électrique
Volonté forte de ruptures technologiques, désir de se positionner maintenant pour gagner les marchés de demain, envie de montrer son engagement en faveur de l'écologie…, les raisons de l'émulation autour des énergies alternatives sont multiples, et elles profitent bien entendu au "graal" automobile, le fameux véhicule électrique, ou VE tel que nous le nommerons désormais.
A l'heure où chacun tente d'apporter sa pierre à l'édifice, parfois de façon peu coordonnée, le cabinet de consulting Roland Berger Strategy Consultants a publié une étude relatant les fondamentaux techniques, politiques et économiques liés à cette nouvelle "ère automobile". Morceaux choisis. Où l'on découvre que le développement du véhicule électrique représente à ce jour un enjeu considérable, dépassant très largement les frontières de l'industrie automobile. Au-delà des constructeurs et des fournisseurs automobiles, les pouvoirs publics, l'industrie énergétique, les fournisseurs d'infrastructures, les flottes de véhicules… sont également directement impliqués dans la réussite ou l'échec de la filière VE.
Constats d'évidences
La Commission européenne demande de réduire les émissions de CO2 à 130 g/km d'ici 2012, soit 10 g de moins qu'actuellement (ce qui équivaut à une consommation de 5,2 l d'essence ou 4,8 l de gazole). Les objectifs pour 2020 sont même de 95 g/km (4,0 l d'essence ou 3,6 l de gazole). Il est aussi question d'imposer des objectifs individuels aux constructeurs avec pénalités possibles (15 à 90 euros par gramme excédentaire). Tout comme pour les acheteurs, qui pourraient se voir taxer à partir d'un certain seuil, de 2 à 7 euros par gramme et par an.
Si les constructeurs travaillent d'arrache-pied sur leurs groupes motopropulseurs, leurs pneumatiques, leur aérodynamique, la solution électrique se révèle aussi de plus en plus prometteuse. D'autant que ces innovations devraient aussi permettre à leurs instigateurs de donner une image de R&D dynamique en faveur du respect de la planète. Important, dans le contexte actuel, où tout ce qui comporte 4 roues est pointé du doigt pour ses velléités destructrices de l'écosystème…
En étudiant l'exemple d'un portefeuille de constructeur, Roland Berger Strategy Consultants a établi que les émissions moyennes de CO2 avoisinent les 178 g/km. La raison en est simple. Cette marque (non révélée) est parvenue à réduire assez facilement ses émissions sur les petits modèles, au rythme des différentes réglementations. Pour autant, dans cet exemple, notre constructeur dispose de nombreux autres véhicules, largement au-dessus des seuils imposés, et donc soumis au malus écologique… Et si on place le curseur à 130 g/km, c'est-à-dire à l'échéance 2012, seuls trois véhicules de la gamme sont capables de satisfaire aux exigences de la Commission européenne, et ce sont toujours les plus petits véhicules !
En incluant une politique de VE dans cette même gamme, qu'elle soit tout électrique ou simplement hybride, la moyenne des émissions passe immédiatement à 125 g/km, avec 5 véhicules sous la barre fatidique de 95 g de CO2 par km. Par ailleurs, cette stratégie rétrécit grandement les écarts entre les véhicules les plus polluants et les plus propres, entre les plus grosses et les plus petites motorisations.
Prenons aussi en compte un avantage à ne pas négliger : l'agrément de conduite. Souplesse à bas régime, due au couple important du moteur électrique, boîte automatique, silence total "plaisir écologique", le VE est en fait bien plus qu'une nouvelle motorisation. C'est aussi une nouvelle expérience de l'automobile.
Les défis d'un développement de masse
Le second écueil à contourner pour relever le défi du VE concerne bien entendu les batteries. Il faut tout d'abord régler la question de l'autonomie. Avec 40 litres d'essence, une voiture thermique dispose de cinq fois plus d'autonomie qu'une électrique. Ce qui signifie qu'aujourd'hui, un véhicule à batterie lithium-ion, transporte en énergie l'équivalent de 8 à 10 litres d'essence. Soit une autonomie de 200 à 250 km environ, qui cantonne le VE à une utilisation urbaine ou périurbaine. L'objectif des industriels consiste donc à tripler cette performance d'ici 2020, grâce aux progrès en matière de conception de batterie et de chaîne cinématique…
Autre équation à résoudre : parvenir à présenter des coûts raisonnables… Les options sont alors nombreuses. Verra-t-on une concentration des acteurs vers 1 ou 2 leaders mondiaux, ce qui engendrerait un leadership technologique et capacitaire, ou se dirigera-t-on plutôt vers un co-investissement de plusieurs acteurs de l'électrique dans un fabricant de batterie ? Et pourquoi pas suivre un "modèle intégré", selon lequel un constructeur investit lui-même dans la batterie. Les possibilités restent ouvertes.
Pour rencontrer le succès, le véhicule électrique devra enfin bénéficier d'infrastructures adaptées. D'un monde automobile régi par les raffineries, les stations-service, les camions citernes, bref, l'essence, il faudra progressivement se tourner vers un monde capable d'accueillir la voiture électrique. D'où la nécessité de mettre en place des réseaux, capables de gérer les parcs de véhicules et de batteries, comme le système actuel parvient à gérer le parc de véhicules thermiques… Ce réseau inclura donc les stations de recharge des batteries, mais aussi la distribution desdites batteries, en location ou en vente. Des initiatives existent déjà mais elles n'en sont encore qu'à leurs balbutiements.
Il faut voir le véhicule électrique comme une filière globale importante, où tous les acteurs s'imbriquent les uns dans les autres. Le développement massif du secteur ne se fera donc qu'avec une volonté conjointe de l'ensemble des protagonistes, au plan mondial… L'opinion publique est favorable, les constructeurs y travaillent, les équipementiers aussi, et même les pétroliers. Reste la volonté politique, encore trop frileuse dans de nombreux endroits du globe…
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