Le permis de conduire à 16 ans, une idée controversée
L'âge légal d'obtention du permis de conduire abaissé à 16 ans ? Cette idée a germé dans la tête du gouvernement et depuis elle n'en finit plus de faire couler de l'encre. En effet, l'exécutif a annoncé réfléchir à avancer l'âge légal du permis dès 16 ans mais aussi à la suppression des 20 heures obligatoires de conduite, afin de baisser le prix du précieux sésame. Ces nouvelles ont été plutôt mal accueillies par l'Unidec, syndicat professionnel de l’enseignement de la conduite.
"C'est une nouvelle qui a fuitée, il n'y a pas eu de concertation en amont. Le ministère nous a invités à en discuter dans ce qui ressemble plutôt à une convocation. Nous avons l'impression que la décision est déjà prise. Comment envisager de telles mesures, si lourdes de conséquences en termes de vie humaine, alors qu’aucune étude d’impact, aucune prise en compte des statistiques sur la mortalité routière, aucune concertation avec les professionnels de l’enseignement de la conduite, ni avec les instances en charge de la sécurité routière, publiques ou privées n’ont été conduites ?", a réagi Bruno Garancher, Président de l’Unidec.
La fin de la conduite accompagnée ?
Cette mesure pourrait révolutionner tout le parcours de l'obtention du permis de conduire, en passant par la conduite accompagnée. Un jeune de 16 ans au volant d'une voiture, hors du cadre de l'auto-école, ce n'est pas une nouveauté. Avec le dispositif de la conduite accompagnée, c'est possible dès 15 ans. Ce système est d'ailleurs une réussite comme le révèlent les chiffres de la sécurité routière. 75% des jeunes qui l'ont suivi ont obtenu l'ancien "papier rose" contre environ 50 % pour une formation plus classique."Nous avions réussi, sur ces dernières années à étaler dans le temps un accès progressif à la conduite. Les prix ont baissé et diverses solutions étaient mises en place sur cette progressivité. Cette mesure pourrait tout chambouler", affirme le président de l'Unidec.
Pour pallier cette éventualité, l'école de conduite française (ECF) a proposée un compromis. Abaisser l'âge du permis, oui, mais aussi celui de la conduite accompagnée. "Un élève formé à la conduite accompagnée dès ses 14 ans pourrait alors passer le permis de conduire et avoir le droit de conduire en toute sécurité dès 17 ans", précise l'ECF dans un communiqué. Patrick Mirouse, président du groupe ajoute, "Cette mesure permettrait aux jeunes d’engranger de l’expérience dans le temps et ainsi de diminuer le risque routier quand ils acquerront leur autonomie." Afin de promouvoir la conduite accompagnée, le groupe met en avant l'idée de contraindre les jeunes qui n'entrent pas dans ce processus à limiter leur autorisation de conduire seuls à 18 ans.
Améliorer la mobilité des jeunes
Cette proposition du groupe ECF vise à combiner sécurité routière et amélioration de la mobilité des jeunes, comme l'explique Patrick Mirouse, "Abaisser l’âge de passage du permis de conduire répond à un véritable besoin pour des jeunes en apprentissage par exemple, ou vivant dans des zones mal desservies par les transports en commun. Nous sommes favorables à toutes mesures qui viseraient à favoriser la mobilité des jeunes, tout en assurant une formation à la conduite qui leur permette d’évoluer en toute sécurité, pour eux comme pour les autres usagers de la route."
Autre point montré du doigt par le syndicat Unidec : la sécurité. Selon celui-ci, l’accidentologie et la mortalité des jeunes sur la route reste à un niveau bien trop élevé. En 2022, selon les chiffres de la sécurité routière, 552 jeunes de la tranche d'âge des 18-24 ans ont été tués, soit 101 tués par million d’habitants de cet âge. Ils comptent également 2 700 blessés graves, soit 502 par million d’habitants de cet âge. En ce sens, l'Unidec rappelle que jusqu'à ce jour, le nombre d’heures moyen de formation pratique pour obtenir son permis de conduire est de 35 heures, dont 20 sont obligatoires, et c'est ce que l'Etat pourrait supprimer si cette mesure était appliquée.
Les voitures sans permis touchées
En plus des conséquences sur la formation, cette possible mesure pourrait également bousculer certains marchés, avec en première ligne celui des véhicules sans permis. "Le commerce des véhicules sans permis sera forcément touché. Ils ont leur importance dans le parcours de formation à la conduite, ils permettent de commencer à se frotter à la route", regrette Bruno Garancher.
Du côté du groupe Dugardin, l'avis sur la mesure est plus nuancé. Ce dernier commercialise des véhicules sans permis depuis 21 ans. "Nous commercialisons les voitures sans permis, mais surtout les autres. Donc mon opinion est un peu schizophrène, plaisante Philippe Dugardin, patron du groupe de distribution, avant d'ajouter, "du point de vue de ce marché-là, forcément, ce n'est pas une bonne nouvelle. Cependant, les jeunes ne font pas partie de la majorité des clients qui achètent des VSP."
Le distributeur se montre d'ailleurs moins alarmiste et voit des opportunités découler de cette mesure. "Ce n'est peut-être pas une bonne nouvelle pour les véhicules sans permis mais cela peut être une mesure intéressante pour le commerce automobile en général. Cela peut être une bonne approche mais seulement si elle reste encadrée. Est-ce que le fait d'annoncer l'accès à une voiture sans permis à 14 ans est plus révolutionnaire qu'abaisser le permis à 16 ans ?"
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