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Le financement des stocks sur une ligne de crête

Publié le 31 mars 2025

Par Catherine Leroy
10 min de lecture
Les sociétés de financement continuent de jouer aux équilibristes en ce début d’année 2025. Certes, la production a considérablement augmenté mais, en contrepartie, le risque sur le portage des stocks s’est également accru.
Le financement des stocks est un levier d’entrée très important pour un financeur, dans un groupe de distribution. ©AdobeStock
Le financement des stocks est un levier d’entrée très important pour un financeur, dans un groupe de distribution. ©AdobeStock

Les sociétés de financement continuent de jouer aux équilibristes en ce début d’année 2025. Certes, la production a considérablement augmenté mais, en contrepartie, le risque sur le portage des stocks s’est également accru.

 

Les chiffres 2024 laissent peu de place à l’inter­prétation. Au global, le marché du finance­ment se porte très bien et l’automobile reste le secteur le plus dynamique dans la grande fa­mille du crédit à la consommation. La production financière atteint 16,5 milliards d’euros (+0,3 %) avec notamment un segment du véhicule d’occasion en baisse de 4,3 %, qui vient atténuer la performance en­registrée sur le véhicule neuf (voir encadré).

 

Dans ce contexte, la bataille entre les différents compétiteurs, qu’ils soient des filiales de constructeurs ou de banques, est de plus en plus serrée. Notamment à cause des taux de re­financement. La rentabilité des so­ciétés de financement s’est redressée, certes, mais elle n’est toujours pas re­venue au niveau d’avant‑Covid. "Il n’est pas certain que les taux baissent encore cette année, fait remarquer Étienne Royol, directeur général de CA Auto Bank France. La Banque centrale européenne (BCE) pourrait le faire mais la dégradation de la note de la France jouera en sens inverse."

 

La pression reste forte sur les ni­veaux de tarification mais aussi sur les lignes d’encours accordées aux réseaux de distribution. Plus que ja­mais, le rôle historique des sociétés de financement, qui était de finan­cer l’activité de portage des stocks de véhicules neufs et d’occasion, revient au premier plan. "Le mé­tier de distributeur automobile est très gourmand en besoins de finan­cement, rappelle Guénaël Geffroy, directeur général front office de Volkswagen Financial Services. Et le financement des stocks est un le­vier d’entrée très important dans un groupe de distribution."

 

 

L’équilibre du business model est assez simple et demeure inchangé. La société de financement accorde des lignes de crédit aux distributeurs pour porter les stocks de voitures neuves et d’oc­casion de leur groupe. En contre­partie, ces derniers s’engagent à pointer les dossiers d’achat ou de lo­cation des particuliers et des entre­prises vers cette même société. Plus la production retail est importante, plus les taux encadrant ces lignes de crédit sont intéressants. "Notre rôle est de continuer à accompagner nos distributeurs dans une relation par­tenariale où ils nous renvoient de la production retail en échange", fait remarquer Fabrice Perina, direc­teur général de CGI Finance.

 

Des lignes de crédit qui s’envolent

 

Une sorte de cercle vertueux qui, cependant, s’est déformé avec la montée en puissance des véhicules électriques sur le marché. Car la baisse du marché de l’occasion est venue largement rebattre les cartes. Les variations dans les tarifs des catalogues, les aides réservées aux vé­hicules neufs, les valeurs résiduelles trop élevées… tous ces phénomènes ont dangereusement réduit l’écart de prix entre un modèle 100 % BEV et sa version précédente en occa­sion. Au point de rendre parfois inintéressant pour un client d’ache­ter une voiture âgée de 3 ans.

 

Des stocks dépositionnés en termes de prix, dont la vitesse de rotation ralentit : le cocktail est explosif pour les groupes de distribution. "Tout le monde prend des bouillons", nous avance ce professionnel qui préfère rester anonyme. Les bilans financiers qui devraient être publiés dans quelques semaines seront mauvais, marquant ainsi le point culminant de cette crise qui s’est révélée avec la hausse des tarifs de l’énergie en 2022.

 

Le mé­tier de distributeur automobile est très gourmand en besoins de finan­cementGuénaël Geffroy, directeur général front office de Volkswagen Financial Services

 

Les sociétés de financement s’ac­cordent d’ailleurs pour reconnaître que l’importance de ces lignes de crédit s’est considérablement déve­loppée depuis cette date, jusqu’à aug­menter de 10 à 15 %. Tout comme la durée des portages qui a également évolué avec un recours plus fréquent à des périodes de 300 jours.

 

"Plutôt que d’accorder de simples lignes de crédit, nous poussons vers des floor plans globaux VN‑VO qui sécurisent mieux les distributeurs et qui restent plus flexibles. Ces der­niers les utilisent en fonction de leurs besoins et de leur niveau de stock", avance Gregory Tinon, directeur des marchés auto, moto et loisir d’Arkéa Financements & Services (ex‑Financo). Ces offres globales sécurisent également les sociétés de financement qui peuvent mettre des voitures face à ces découverts.

 

L’important étant de réduire les stocks et leur surface financière. Pour ce professionnel, tous les cas de fi­gure cohabitent. Du concessionnaire qui accepte difficilement de sacrifier une marge surestimée, aux distri­buteurs qui cassent les prix de leurs véhicules d’occasion pour déstocker et récupérer une capacité financière.

 

Mais le "moment de grâce" qu’a connu le secteur du véhicule d’oc­casion avec des prix en hausse et des rotations élevées est bel et bien révolu. "Nous avons développé tout au long de l’année des offres commer­ciales de financement qui permettent à nos partenaires d’améliorer la rota­tion des stocks. Cela se concrétise par exemple par des promotions véhicule par véhicule", avance Fabrice Perina.

 

Inquiétude sur les réseaux

 

Depuis le milieu de l’année 2024, le besoin de financement s’est même accéléré marquant ainsi la prise en compte sérieuse du poids des stocks dans les futurs bilans. En ce début d’année 2025, la vigilance reste de mise. Un exercice finan­cier en berne n’est pas dramatique, à condition que les groupes de dis­tribution soient correctement capi­talisés.

 

Reste cependant à régler les problèmes de trésorerie qui peuvent tout simplement asphyxier les in­vestisseurs. Le risque est clairement identifié pour cette année. "Il ne faut pas attendre de miracles pour 2025. L’ambiance est plutôt à la grande pru­dence. La distribution automobile est en France déjà plus consolidée que dans d’autres pays européens et beau­coup de groupes ont déjà atteint la taille critique, ce qui ne les contraint pas à croître à tout prix", estime Christophe Michaëli, directeur du marché mobilité de BNP Paribas Personal Finance en France.

 

Plus que jamais, la qualification de métier financier pour la distribu­tion automobile prend son sens. Et, dans ce contexte tendu, les sociétés de financement se posi­tionnent comme des soutiens mais aussi comme des conseils.

 

 

"La pire des situations pour un financeur est de découvrir les pro­blèmes. Mais en cas d’inquiétude d’un de nos partenaires, nous sommes présents pour trouver des solutions", avance Étienne Royol. En l’occurrence, les problèmes sont bel et bien concentrés sur cette problé­matique des valeurs résiduelles.

 

La vigilance sur les valeurs résiduelles

 

Et le risque est bien réel. Les socié­tés de financement indépendantes les surveillent comme le lait sur le feu. Pour autant, toutes les sociétés sont parties prenantes dans la fixa­tion de ces engagements de reprise. "L’enjeu pour l’ensemble de l’indus­trie repose en partie sur les valeurs résiduelles. Nous avons développé des outils pour piloter ces VR pour lesquelles il faut trouver un équilibre subtil entre le constructeur qui veut soutenir ses ventes, le financeur qui doit assurer une gestion saine et rai­sonnée et le distributeur qui prend le risque", explique Fabrice Perina.

 

Cet équilibre, quelques sociétés de financement l’ont définitivement pris à leur compte. Parmi les cap­tives de constructeurs généralistes, Volkswagen fait figure de pionnier en portant intégralement le risque sur les valeurs résiduelles des vé­hicules électriques. "Nous avons décidé d’assumer ce risque mais nous ne le regrettons pas. Nous aurions des discussions beaucoup plus compli­quées avec notre réseau dans le cas inverse", reconnaît Guénaël Geffroy.

 

 

Problème de défaillance de distri­buteurs, dégradation de leur rating qui engendre une hausse du coût du financement des stocks, dont le taux reste intimement lié à un niveau de risque financier… Les conséquences sont d’ores et déjà visibles dans les réseaux d’autres marques.

 

Plus récemment, Mobilize Finan­cial Services a également commen­cé ce transfert. "Pour notre clien­tèle des grands comptes, la prise de risque est passée du constructeur ou du réseau à Mobilize Financial Services et depuis ce mois de mars, nous portons également les engage­ments de reprise pour la clientèle des flottes de proximité que ce soit pour les véhicules électriques ou thermiques, nous finalisons actuel­lement cette offre avec le réseau. Cela correspond aussi à notre volon­té de monter en puissance sur notre verticale de location longue durée, Mobilize Lease & Co", présente Frédéric Schneider, directeur de la captive en France.

 

 

Pour la clientèle des particuliers, le risque reste dans le réseau. Mais la financière a décidé de lancer une offre de LOA jusqu’à 49 mois afin d’abaisser le montant des loyers des modèles d’occasion.

 

Le danger des flottes

 

Une manière d’éloigner les me­naces. Pour le moment car le ni­veau de marché inquiète les pro­fessionnels. La version du leasing social 2025, en attente de défini­tion, pose question et notamment sur son financement. Mais aussi le plan de verdissement des flottes.

 

 

"Le marché reste dicté par l’évolu­tion des réglementations, confirme Christophe Michaëli. Si les entre­prises décident, face au durcisse­ment de la fiscalité, de réduire le nombre de voitures de fonction et de les remplacer par des crédits mobili­té, c’est toute la structure du marché qui peut être changée tout comme l’équilibre entre véhicules neufs et d’occasion. Cela peut aussi être une source d’opportunités."

 

Quand le secteur tente de trouver des solutions pour limiter la casse, un autre déséquilibre pointe son nez.

 

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Inquiétude sur la LOA

 

Si un sujet retient l’attention des pro­fessionnels du financement en cette an­née 2025, c’est bien celui de la trans­position de la directive sur le crédit à la consommation. Dans la ligne de mire, l’élar­gissement du champ d’application de la directive à de nouvelles formes de crédits, comme la LOA, qui devra afficher un TAEG, les paiements différés et le renforcement de la protection des informations précon­tractuelles. La transposition doit intervenir au plus tard en novembre 2025 pour une mise en application dans le droit français en novembre 2026.

 

Le projet de la loi Dda­due (dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne), qui a été voté par l’Assemblée nationale en première lecture le 17 février dernier, prévoit le recours à une ordonnance pour légiférer sur le crédit à la consommation. Lors de l’élaboration des décrets d’application, le gouvernement organisera des concertations avec les opé­rateurs bancaires et les associations de consommateurs.

 

Mais en attendant, l’intégration de la LOA dans le champ inquiète et notamment sa soumission à un taux d’usure. "C’est quand même étrange qu’un produit locatif soit traité comme un crédit, rappelait en fin d’année Stéphane Priami, directeur général de Crédit Agricole Personal Finance & Mo­bility, lors d’un débat organisé par la Revue Banque. Si la LOA avait déjà été soumise à cette contrainte en 2024, la croissance du marché n’aurait pas été au rendez‑vous." "Cela va ajouter de la lourdeur à tous les process sans que les ménages soient réel­lement gagnants", poursuivait Charlotte Dennery, administratrice et directrice gé­nérale de BNP Paribas Personal Finance.

 

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