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L’assistance routière ne connaît pas la crise

Publié le 31 octobre 2025

Par La Rédaction
10 min de lecture
Reflet des évolutions sociétales, le marché de l’assistance routière est alimenté par la croissance du parc roulant, son vieillissement et l’essor des modèles électrifiés. Ces facteurs structurants dynamisent l’activité et orientent les dépannages, été comme hiver.
Le temps d’interven¬tion des dépanneurs est en moyenne de 45 min. ©AdobeStock_1640179646

Depuis 15 ans, l’assistan­ce routière affiche une progression constante et significative du nombre d’interventions. L’augmentation a dépassé les 5 % depuis le 1er janvier. Une hausse à mettre en perspective avec une année 2024 atypique, froide et pluvieuse, rappelle Pierre Brigadeau, directeur général de l’Union des assisteurs.

 

Pour autant, la tendance s’inscrit dans le temps. De 4,9 millions en 2009, le volume des mis­sions de dépannage‑remorquage a at­teint un nouveau plafond, à 8,1 millions d’interventions l’an dernier, soit une augmentation de 65 % ! À périmètre constant, la progression reste tout aussi soutenue, avec une croissance de 47 %.

 

La hausse du nombre de dépannages s’accompagne également d’une pro­gression en valeur. Ainsi, le chiffre d’affaires réalisé par les sociétés d’assis­tance routière (assurances, mutuelles, constructeurs, loueurs…), s’établit à 2,9 milliards d’euros. Le segment repré­sentant 60 % des dépenses d’assistance, loin devant le secteur médical, la santé ou l’habitation.

 

"Le réflexe de l’assistan­ce s’est installé dans la durée auprès des usagers, observe Élodie Papet, direc­trice déléguée, en charge des opérations au sein du groupe IMA, leader du sec­teur. Elle répond à un besoin de réassu­rance. "

 

La généralisation de l’assistance 0 km et la couverture des crevaisons contribuent à son dynamisme. L’accès à un véhicule de remplacement, en cas de panne, favorise également le recours à l’assistance routière.

 

Une montée en gamme des couvertures

 

Sur un marché structuré autour d’un modèle BtoBtoC, les assisteurs dé­ploient leurs services principalement en marque blanche. Ainsi, la noto­riété d’Europ Assistance n’est plus à démontrer. Pour autant, l’appellation sera peu utilisée lors des échanges avec les bénéficiaires, observe Olivier du Besset, directeur de la ligne métier Au­tomobile, Habitation et Santé d’Europ Assistance France.

 

Pour les partenaires des assisteurs, à savoir les assureurs, les loueurs et les constructeurs, l’assistance routière se révèle stratégique. Ses enjeux concernent avant tout la satisfaction client et, par conséquent, la fidélisation, souligne Frédéric Du­hamel, directeur commercial et mar­keting d’Axa Partners France. Elles justifient la conception d’offres sur me­sure.

 

"L’assistance est, en effet, l’un des rares moments où l’assuré est en lien avec son assureur, observe Albert Étienne, directeur général d’Opteven. Elle re­présente une vitrine pour la compagnie. La qualité de service est impérative."

 

En ce sens, elle doit être intégrée dans le parcours de gestion d’un sinistre. L’attention porte aussi sur les capacités opérationnelles, les délais de prise en charge, la transparence en temps réel des informations… L’assistance reste un moment de vérité "clé" dans la vie d’un sociétaire, remarque d’ailleurs Élodie Papet.

 

Dès lors, la tendance est à la montée en gamme des prestations, incluant la suppression de la franchise kilomé­trique, la couverture des crevaisons, le véhicule de remplacement… Pour autant, la hausse des primes d’assurance conduit à porter une attention plus fine sur les besoins réels des souscripteurs, de manière à maîtriser leur coût.

 

Les assisteurs deviennent également une force de proposition pour tester de nouveaux services. À titre d’exemple, Europ Assistance a déployé une carte d’assistance mobilité digitale comme alternative au véhicule de remplace­ment. "Une certaine somme d’argent est créditée dessus, explique Olivier du Besset. Le bénéficiaire peut alors l’uti­liser pour acheter un billet de train, ré­server un VTC ou louer une voiture…"

 

L’été, le temps fort des assisteurs

 

Pour les neuf* principales compa­gnies d’assistance présentes sur ce marché, la croissance de l’activité s’est confirmée cet été encore. Une période estivale qui se révèle "singu­lière". Elle se caractérise par des dos­siers complexes. Les automobilistes étant souvent loin de leur domicile, parfois à l’étranger, principalement en Espagne, au Portugal et en Italie.

 

"Historiquement, l’été concentre les usages de la voiture. Juillet et août sont marqués par les déplacements des Fran­çais, abonde Élodie Papet. Le trafic est soutenu. Il alimente les pannes ou les accidents."

 

Ce "temps fort" pour les assisteurs représente près de 30 % du volume d’activité annuel. Il conduit le groupe IMA à renforcer ses équipes grâce à 500 saisonniers. La capacité d’écoute et d’empathie, pour répondre aux besoins des bénéficiaires, se révé­lant encore plus prégnante lors des dé­parts en vacances.

 

Les dernières tendances témoignent, toutefois, des changements d’habitu­des des Français. "Depuis le Covid, nous constatons que la saison esti­vale s’étire jusqu’à la fin septembre", analyse Pierre Brigadeau.

 

Le constat s’explique par la part croissante des retraités et des inactifs en France. Ils représentent désormais 22 % de la population, contre 15 % en 2000. Dès lors, un phénomène de lissage de l’assistance routière s’opère, confirme Élodie Papet.

 

Les déplacements se font plus réguliers, dès les ponts de mai ou les premières chaleurs. L’essor du télé­travail alimente aussi le phénomène. Cette année, les pics des appels ont été enregistrés dès la fin juin et mi‑juil­let, en raison des premiers départs en vacances et de la chaleur, fait savoir Guillaume Cazenave, directeur mar­keting d’Opteven. Les volumes des dépannages se prolongeant jusqu’à l’automne.

 

Le calendrier conduit aussi à soutenir la demande d’assistance des automo­bilistes. Ainsi, lors du pont du 15 août, l’assisteur IMA a enregistré plus de 15 000 dossiers, soit plus du double d’un week‑end classique !

 

Batterie et crevaison, premiers motifs de dépannage

 

Par ailleurs, l’assistance routière demeure une activité "météo‑sen­sible". Des températures inférieures à 0 °C ou supérieures à 35 °C contri­buent à accroître les demandes de dépannage. Cet été, pendant les périodes de canicule, le volume des pannes a augmenté de 10 à 20 %, in­dique Olivier du Besset.

 

Plus globalement, le marché de l’assis­tance routière compose avec des fac­teurs structurants. Le premier sous‑jacent concerne l’augmentation du parc roulant, avance Pierre Briga­deau.

 

Le nombre de véhicules en cir­culation atteignant aujourd’hui 41 millions contre 37 millions au cours des années 2000. Un second facteur repose sur le vieillissement du parc roulant dont l’âge moyen se situe à 12 ans, exposant les véhicules à un risque de panne accru.

 

 

En pa­rallèle, le contexte économique fait son œuvre. "En période de contrainte financière, certains automobilistes peuvent réduire la fréquence des contrôles ou des réparations, ce qui influence directement la probabilité de panne ou d’incident", estime Fré­déric Duhamel.

 

Enfin, la fiabilité perfectible des modèles électrifiés contribue également à soutenir le vo­lume des dépannages, ajoute Olivier du Besset. Du côté des motifs d’in­tervention, les pannes de batterie de­vancent les crevaisons. Ces dernières affichent une hausse de 20 % en trois ans, note le responsable. L’absence de roue de secours dans les nouveaux modèles, le poids accru des voitures hybrides et électriques et un manque d’entretien préventif expliquent ce phénomène.

 

Les alternateurs, les démarreurs ou encore la perte de clé complètent le classement. En détail, les batteries 12 V enregistrent un taux de défaillance croissant, analyse Pierre Brigadeau. Sur des modèles hybrides récents, le dimensionne­ment de certaines batteries se révèle, en effet, insuffisant pour démarrer le véhicule en cas d’immobilisation pendant deux à trois semaines.

 

Vers 10 millions de dossiers en 2030 !

 

Dans ce contexte, un nouvel en­jeu autour de la décarbonation des prestations d’assistance liées au dé­pannage et aux véhicules de rempla­cement se profile pour les assisteurs.

 

Avec un paramètre supplémentaire à prendre en compte : le maillage du territoire par les dépanneurs. Ce­lui‑ci révèle des zones blanches, en particulier dans les secteurs ruraux.

 

Cheville ouvrière de l’assistance routière, les dépanneurs regroupent quelque 1 500 entreprises, pour 5 000 camions d’assistance. Le métier impose une présence 7 j/7, 24 h/24, avec des missions de nuit, le week‑end comme les jours fé­riés.

 

La profession subit de fortes contraintes, confie Pierre Briga­deau. D’autant que les perspectives laissent entrevoir une progression du volume des interventions de 2 à 5 % par an. Selon l’Union des assis­teurs, le marché de l’assistance rou­tière devrait avoisiner les 10 millions de dossiers en 2030‑2035.

 

Jean‑François Leray

 

*Allianz Partners, ARC Europe France, AXA Partners, Europ Assistance, Fidelia Assistance, Filassistance, Groupe IMA (Inter Mutuelles Assistance), Mutuaide, Opteven.

 


 

Thermiques, hybrides et électriques, tous égaux face au risque de panne !

"Nous constatons, cette année, une croissance de 60 % des demandes d’assistance des véhicules électriques", explique Guillaume Cazenave, directeur marketing d’Opteven. Les motifs de dépannage concernent les pannes, les accidents et les crevaisons. Cette surreprésentation de l’électrique s’expliquerait par l’utilisation accrue des véhicules élec­triques sur de longs trajets. Surtout, l’assisteur constate une hausse des interventions suite à un accident en raison du couple élevé de ces modèles.

 

En parallèle, l’attention porte sur l’accompagnement des automobilistes à travers des prestations d’assistance élargies à la panne d’énergie. Celle‑ci représente 3 % des motifs d’intervention, contre 1 % pour les modèles thermiques. Les bornes de rechange hors ser­vice sont aussi prises en compte. Au‑delà, en cas de défaillance sur un modèle électrique, l’enjeu concerne la capacité à identifier un réparateur habilité et équipé pour intervenir.

 

Électriques ou hybrides, les pannes restent similaires à celles de modèles thermiques, ana­lyse Élodie Papet, directrice déléguée, en charge des opérations au sein du groupe IMA. Face aux phénomènes climatiques, les modèles "intelligents" connaissent les mêmes aléas techniques que les voitures thermiques plus âgées.

 


 

Les flottes d’entreprise, nouvelle terre de conquête des assisteurs

 

"15 % de notre activité concerne les flottes automobiles et leur gestion évolue fortement", annonce Frédéric Duhamel, directeur commercial et marketing d’Axa Partners France. Il faut rappeler qu’avec 8 millions de véhicules professionnels en circulation, les flottes d’entreprise repré­sentent 20 % du parc automobile. Elles se partagent entre les voitures de fonction (majoritairement en LLD), les utilitaires légers (pour les artisans, techniciens ou métiers de service) et les flottes spécia­lisées (location courte durée, livraison, flottes mutualisées…).

 

"Ce marché exige une expertise pointue, tant les paramètres sont nombreux", analysent les équipes de Mondial Assistance, du groupe Allianz Partners. Ainsi, la réglementation, les en­jeux fiscaux et la RSE, au même titre que la diversité des usages selon les secteurs, tout comme la typologie des véhicules et des collaborateurs, constituent autant de facteurs à prendre en compte.

 

Face à cette réalité, les assisteurs s’emploient à délivrer un service sur mesure. "L’objectif est de disposer d’une gamme complète de solutions", indique encore le responsable d’Axa Partners. Elles comprennent des formules entièrement digitalisées pour les entreprises à la recherche du meilleur prix, comme des prestations haut de gamme incluant des services « on demand » et un accompagnement personnalisé.

 

"L’enjeu est aussi de prendre en compte une rela­tion tripartie mettant en scène le conduc­teur, le gestionnaire de parc et le loueur", explique Albert Étienne, directeur général d’Opteven. La particularité étant de délivrer la prestation adaptée au regard, à présent, de l’électrification.

 

Car malgré la réforme des avantages en nature (AEN) et l’écos­core, les flottes deviennent plus vertes et responsables. L’évolution impacte la tarifi­cation et les réseaux de prestataires, révèle Frédéric Duhamel. "Nous devons désor­mais proposer des offres plus segmentées, en tenant compte des risques spécifiques liés à chaque type de motorisations."

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