Facebook : "La consommation de stories étant devenue un réflexe, nous pouvons proposer ce média à nos annonceurs"
Le groupe Facebook et ses filiales sont désormais un acteur ancré dans l'industrie automobile. Que cela représente-t-il ?
Gilles Maillet. C'est un partenariat qui ne cesse d'évoluer depuis que j'ai rejoint le groupe, il y a trois ans, pour créer la verticale automobile. La famille d'applications, dont Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp, compte toujours plus d'utilisateurs : Facebook en totalise 2,3 milliards dans le monde, Instagram a passé la barre du milliard en juin, WhatsApp atteint 1,5 milliard et Messenger compte envire 1,3 milliard de personnes. On peut donc dire qu'elle est au cœur des usages et, en trois ans, nous avons appris à travailler ensemble avec cette industrie automobile qui est en cours de transformation pour faire du digital un point central. Nous les accompagnons dans la compréhension des mutations. Il faut savoir qu'aujourd'hui on estime que 20 % du temps passé sur un mobile est accordé à des applications sociales comme les nôtres. C'est un comportement proactif qu'il faut savoir exploiter sur le plan marketing.
Renault et Mini ont été des précurseurs dans l'utilisation de vos services. Qu'en est-il du niveau de maturité du marché ?
GM. Effectivement, toutes les marques s'en sont emparé sans exception. A l'époque, certaines se démarquaient au nom de la différenciation. Mais la notion d'innovation a laissé place à celle de stratégie pour aller toucher des cibles de clients précises. Les marques ont besoin du digital et du mobile pour faire du commerce. Les parcours d'achat débutent sur les téléphones. Renault Retail Group a témoigné du fait que Facebook fait partie de leur plan marketing pour toucher des prospects et entretenir la relation client. Un nouveau pan s'est ajouté, celui des messageries de marque et des robots conversationnels. Ceux-ci se sont multipliés car ils apportent bien des services, et l'essentiel reste à inventer.
Comment Facebook va-t-il accompagner ce mouvement ?
GM. Notre API est ouverte pour faciliter la tâche des développeurs qui veulent placer un "chatbot" sur notre site. Les premières expériences sont convaincantes. De la même manière, nous avons lancé la place de marché pour l'automobile et nous observons que l'utilisation de la messagerie augmente dans la phase de recherche d'informations.
Vous étiez aux côtés de PSA pour le lancement de la DS3 Crossback et ce n'était pas la première fois…
GM. Ils ont, en effet, réalisé un lancement mondial via Facebook, touchant des millions de personnes, dans plusieurs pays. Ils sont coutumiers du fait depuis qu'ils ont utilisé notre plateforme pour introduire la marque DS, mais cette fois, ils ont franchi un palier dans le rendu artistique : le film montre l'envers du décor, la conception du véhicule avant le lever de voile en direct sur scène.
Il est difficile d'imaginer que l'idée ne séduise pas d'autres marques. Verra-t-on d'autres cas au Mondial ?
GM. Il y en aura beaucoup pendant l'événement, oui. Vous verrez que les stories seront au cœur des projets. Il y en a eu énormément durant la Coupe du monde de football cet été, et cela va prendre de l'ampleur.
Les "stories" sont des formats vidéo nés sur Instagram et repris depuis peu sur Facebook, quelle évolution leur réservez-vous ?
GM. De très grand nombre de personnes produisent ces courtes vidéos, chaque jour, toutes plateformes confondues. On peut dire qu'elles sont entrées dans les usages d'aujourd'hui. Les marques se sont emparées de ce média. Mini a été la première à en profiter et Renault a été précurseur dans l'utilisation du carrousel pour raconter une histoire, mais toutes les autres sont désormais investies, soit en organique pour montrer leurs coulisses, soit en payant pour mener des campagnes promotionnelles. Raison pour laquelle nous avons décidé d'autoriser les formats publicitaires sur Facebook.
Comment cela se passe-t-il pour les annonceurs, concrètement ?
GM. Ils vont pouvoir dupliquer leurs productions de stories publicitaires d'Instagram vers Facebook. Ce qui n'était pas possible jusque-là. On double donc la force de frappe en ouvrant ce format publicitaire dans notre modèle économique, à partir du 26 septembre 2018. Il y a des tests à travers le monde et Mini a été la marque retenue pour la France, comme Renault et Louis Vuitton l'avaient été pour le carrousel.
Quel sera le mode de facturation ?
GM. Le modèle est à l'enchère comme tous nos autres modèles économiques. Les annonceurs détermineront un périmètre cible parmi les 26 millions d'utilisateurs de Facebook et les 17 millions d'utilisateurs d'Instagram que compte la France. Ils choisiront en fonction de la zone géographique, du sexe, de l'âge ou encore des centres d'intérêt. Sur ces critères, ils définissent la taille de l'audience. La campagne pourra ainsi être globale ou locale, ce qui laisse des possibilités aux concessionnaires puisque le ticket varie en fonction des besoins.
Qu'est-ce qui vous a convaincus d'effectuer cette évolution ?
GM. La publicité ne doit jamais être intrusive, selon notre charte. La consommation de stories étant devenue un réflexe, nous pouvons proposer ce média à nos annonceurs sans risquer de rejet par les membres de la communauté. Comme les vidéos en lecture automatique peuvent être coupées, les stories pourront être passées si le prospect juge qu'elles ne présentent pas d'intérêt.
Comment parviendrez-vous à faire le distinguo entre un contenu publicitaire et un contenu organique ?
GM. Nous allons justement travailler en étroite collaboration avec les marques. Elles maîtrisent le contenu organique et nous allons les accompagner sur les formats publicitaires, en fonction de leur actualité et de leur besoin, comme par exemple générer du trafic durant un salon majeur. Les deux stratégies cohabiteront toujours. L'organique doit subsister car l'automobile demeure un secteur passionnel par nature.
Maîtriser les stories demande des compétences. Va-t-on voir de nouveaux profils émerger ?
GM. Ce qui a changé, ce sont les agences. Nous allons prochainement sortir un cas de communication avec Renault qui illustre cette politique du "mobile first", c'est-à-dire une campagne qui ne part pas d'un film publicitaire télévisé à décliner, mais d'un média conçu pour le mobile. Nous allons penser vertical, plus court, plus personnalisé, soit des façons de travailler différentes. Chez les constructeurs, il y a du personnel capable de concevoir ce type de contenu, en studio ou en direct des événements. Les équipes digitales se musclent aussi dans les concessions, et cela amène de nouveaux métiers.
Que dit votre feuille de route ?
GM. Ces nouveaux formats prennent de la place et deviennent des standards. Notre feuille de route voit la montée en puissance de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. Ce seront de grandes tendances adoptées par les constructeurs et les revendeurs, car elles permettront d'apporter des expériences inédites. On pense également que les messageries vont se développer et que les annonceurs vont adopter la politique du "mobile first".
Quid de WhatsApp ?
GM. Force est de constater que nous avons du retard sur la maturité de certains pays comme le Brésil. Là, les marques utilisent WhatsApp pour communiquer librement avec leurs clients, en temps réel. C'est entré dans les mœurs. Il faut savoir que 3 millions d'entreprises l'utilisent ainsi dans le monde. Nous voulons ouvrir ce système de messagerie aux marques, en France.
Dans votre siège parisien, un étage est en cours d'aménagement pour accueillir l'équipe croissante de chercheurs en intelligence artificielle (IA). Qu'attendez-vous de leurs travaux à moyen terme ?
GM. Cela va dépasser les frontières du marketing. Les technologies vont s'inviter dans le quotidien des gens, elles seront transformationnelles, en se concentrant sur le langage ou la reconnaissance d'image. Un texte pourra être traduit dans n'importe quelle langue du monde de manière instantanée. Ce qui va changer le rapport aux échanges internationaux. Dans la publicité, on s'attend à avoir plus d'intelligence dans la communication dynamique.
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