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Charlotte Dennery, BNP Paribas Personal Finance : "En 2025, l'automobile pèsera 50 % de nos encours"

Publié le 28 mars 2022

Par Catherine Leroy
8 min de lecture
[Abonnés] Le secteur du financement automobile est en pleine ébullition. Le Journal de l’Automobile a rencontré Charlotte Dennery, administratrice déléguée de BNP Paribas Finance, qui compte deux nouveaux partenariats majeurs avec Stellantis et Jaguar Land Rover.
Charlotte Dennery, administratrice déléguée de BNP Paribas Personal Finance.

Journal de l’Automobile : Depuis huit mois, vous êtes à la tête de BNP Paribas Personal Finance après avoir occupé des fonctions similaires chez BNP Paribas Leasing Solutions. Quel premier bilan tirez‑vous de ce changement ?

Charlotte Dennery : Les logiques sont proches. Chez BNP Paribas Leasing Solutions, nous avions la volonté d’accompagner les grands constructeurs d’équipements roulants, pour les aider à mieux vendre leurs actifs. J’ai retrouvé ce modèle, ces mécanismes chez BNP Paribas Personal Finance, puisqu’il s’agit d’accompagner de grands partenaires retail ou de la mobilité dans leur croissance grâce à des solutions de financement. Mais l’activité est plus variée avec des contacts directs avec les consommateurs finaux. Et les enjeux, tout comme le nombre de chantiers, sont démultipliés. La différence tient à cette relation avec le client final qui accélère les mutations. Je suis frappée de voir la rapidité de la transformation de l’expérience client et de ses attentes qui sont plus fortes.

 

J.A. : Comment pourriez‑vous qualifier l’évolution de cette relation avec le client ?

C.D. : Les grands acteurs technologiques que sont les Gafam se sont vraiment intégrés dans ce marché et ont défini des normes d’expérience et des parcours clients qui s’imposent désormais à tout le monde. En un clic, un consommateur peut commander un livre, un taxi, choisir une vidéo à la demande… Cette même attente existe quel que soit le type de produits ou services. Elle a complètement révolutionné le monde des services financiers puisqu’ils sont attendus avec la même fluidité, rapidité et la même instantanéité.

 

J.A. : Cette rapidité de la transformation a‑t‑elle entraîné une modification de votre organisation ?

C.D. : Pour répondre à ces changements, nous allons effectivement transformer l’organisation, pour passer d’une logique de géographie à une autre plus proche des lignes de business. Jusqu’à présent, la responsabilité des pays était répartie au sein de la direction générale. Nous envisageons la création de trois grands pôles : un regroupant les pays dans lesquels BNP Paribas est très présent avec une banque domestique, un second concentrant les autres géographies et le troisième qui serait chargé de travailler en profondeur avec tous les pays pour accompagner les business lines, dont la mobilité, le retail et la composante BtoC. Ce dernier coordonnerait les équipes qui font le même travail dans les pays, pour faire en sorte de ne proposer qu’un seul interlocuteur lors de partenariats multigéographiques par exemple.

 

J.A. : Que représente l’automobile, en termes d’encours, dans cet ensemble ?

C.D. : Près de 40 % de nos encours jusqu’à présent. Mais nous venons de signer de très gros partenariats qui devraient faire en sorte qu’à l’horizon 2025, le secteur pèsera près de 50 % de nos encours. Cela représente une augmentation très significative de la part de l’automobile dans notre business mix.

 

J.A. : Sur quelles prévisions de marché vous basez‑vous pour anticiper cette hausse ?

C.D. : Les économistes nous disent que le marché va progresser de 4,2 % par an, en comptant le rattrapage des années 2020 et 2021. Nous pensons que notre croissance sera supérieure. Nous avons également constaté que, pendant la crise, l’automobile a été une sorte de stabilisateur automatique. Le business s’est mieux tenu que le commerce de détail, même si les concessions étaient fermées. Et surtout, c’est un secteur moins risqué que les autres. Nous avons donc décidé d’augmenter les encours dédiés à l’automobile dans les prochaines années.

 

J.A. : Vous venez de signer un partenariat assez inédit avec Jaguar Land Rover en Europe, qui met en musique aussi bien BNP Paribas Personal Finance, qu’Arval ou BNP Paribas Cardif. Est‑ce une tendance que vous demandent les constructeurs ?

C.D. : Nous avons la chance de bénéficier de l’ensemble des expertises qui sont nécessaires à un constructeur ou ses concessionnaires sur la partie crédit et LOA, Arval pour la partie LLD et Cardif pour l’assurance. Notre produit est large et complet. C’est ce qui nous a permis de remporter l’appel d’offres. Ce constructeur souhaitait des solutions complètes installées sur une unique plateforme. Le concessionnaire n’aura pas plusieurs interfaces s’il veut se connecter sur l’offre Arval, celle de BNP Paribas Personal Finance ou celle de Cardif. Nous allons construire une seule interface, dans laquelle il entrera les informations du client. Cela semble simple et évident sur le papier, mais en réalité, cette offre n’existe pas chez nos compétiteurs. Ce deal se met en place à partir de janvier 2023. Nous souhaitons, grâce à cet investissement significatif, séduire d’autres partenaires qui seraient intéressés justement par la variété et la complétude de l’offre dans un seul système.

 

Pendant la crise, l’automobile a été une sorte de stabilisateur automatique. Le business s’est mieux tenu que le commerce de détail, même si les concessions étaient fermées. Et surtout, c’est un secteur moins risqué que les autres. Nous avons donc décidé d’augmenter les encours dédiés à l’automobile dans les prochaines années.

 

J.A. : En revanche, l’accord avec Stellantis fait appel à trois acteurs du financement. Comment se sont préparés ces accords ?

C.D. : L’idée de Stellantis était différente mais très intéressante sur le plan stratégique. Le groupe avait trois partenaires financiers selon les marques : Santander, Crédit Agricole et BNP Paribas. Pour faire simple, chaque marque avait un partenaire financier. Le partenariat avec Crédit Agricole arrivait à échéance à la fin de 2022. C’était une opportunité pour entrer dans une négociation avec chacun des financiers pour réfléchir à un autre schéma, permettant plus de synergies et qui consistait à s’inscrire dans une logique : un financier = un pays. Cela revenait à redistribuer les cartes de manière significative en réajustant les portefeuilles avec des transferts d’encours entre financiers, pour aboutir à des ensembles cohérents. Dans ce cadre, nous avons insisté pour renforcer notre position dans trois pays d’Europe : le Royaume‑Uni, l’Allemagne et l’Autriche qui représentent 40 % des immatriculations en Europe. Jusqu’alors, nous n’y étions pas les mieux positionnés en termes de business mobilité. Santander était déjà très présent dans les pays d’Europe du Sud et souhaitait maintenir cette position. Et le Crédit Agricole s’est vu proposer la partie leasing de Stellantis, ce qui leur permettra de construire leur propre entité de LLD. Le travail de négociation a été très compliqué pour arriver à définir le cadre juridique, les pricings des différents portefeuilles, les mouvements d’effectifs, les outils… C’est un des deals les plus complexes que nous ayons eu à faire. Dès le 1er janvier 2023, nous utiliserons tout l’outil développé par Stellantis avec Santander. Mais de notre côté, les synergies seront également très intéressantes.

 

J.A. : Les partenariats avec les constructeurs se multiplient ces derniers mois. Cette accélération est‑elle liée aux réglementations ou aux stratégies des industriels ?

C.D. : N’oublions pas que de grands acteurs avec des captives ne sont pas prêts à sortir de ce schéma. Les constructeurs, dans le contexte actuel, ont énormément d’investissements à réaliser pour transformer en profondeur leur activité et passer du véhicule thermique à l’électrique. Ces grands acteurs ont besoin d’utiliser leur capital pour les investissements de transformation de leur industrie. Et s’ils peuvent libérer du capital grâce à des accords de coentreprise ou de simples accords commerciaux, cela peut leur laisser des marges de manœuvre. Le mouvement va‑t‑il se généraliser ? Nous verrons bien.

 

J.A. : Dans ce contexte, allez‑vous rapprocher les entités d’Arval et de BNP Paribas Personal Finance ?

C.D. : Il n’y a aucun projet de rapprochement des deux entités. BNP Paribas Personal Finance et Arval sont actifs dans les domaines de la mobilité et de l’automobile. À l’image du modèle intégré du groupe BNP Paribas, ils collaborent étroitement et développent ensemble, avec BNP Paribas Cardif, une plateforme de services intégrée et entièrement digitale pour le partenariat JLR dans neuf pays européens.

 

J.A. : Quelles sont les difficultés à surmonter pour créer un véritable parcours digital dans le financement automobile ?

C.D. : Le parcours client a beaucoup de "connexions possibles". Nous devons prévoir la variété de ce parcours client dès le départ et positionner à chaque fois le financement au bon moment. C’est très compliqué. Bien sûr, l’e‑signature est un élément essentiel mais surtout, il faut placer au bon moment du parcours toutes les opérations intermédiaires que sont l’envoi des papiers d’identité, la communication des revenus, le scan du rib… C’est ce que nous sommes en train de développer dans le cadre du partenariat avec Jaguar Land Rover qui, dans le même temps, déploie un nouveau logiciel pour son réseau. Ce logiciel et notre offre doivent donc être réunis pour s’assurer que tout converge avec le maximum de fluidité et éviter au client de redonner plusieurs fois les mêmes informations.

 

J.A. : La nouvelle façon de consommer la mobilité pousse vers l’abonnement. Comment un établissement bancaire peut répondre à ce mouvement ?

C.D. : Beaucoup de questions restent encore sans réponse sur le sujet de l’abonnement. Lorsque vous transformez un produit crédit en abonnement, tout le problème est de savoir bien évaluer la valeur résiduelle de ce produit : comment est‑elle définie en fonction de la durée de l’abonnement ? Quelles sont les courbes de dépréciation des actifs ? Le tout dans un monde où l’expérience de l’abonnement n’est pas encore significative. Il subsiste beaucoup d’incertitudes et notamment dans l’appréhension du risque. Mais c’est une demande très forte du client. Ce dernier est passé d’une logique de propriété à une logique d’usage. Il veut juste une offre clés en main et éventuellement des services additionnels. Ce sont des demandes également formulées par les constructeurs.

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