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Bornes de recharge : le chemin est encore long

Publié le 23 mars 2022

Par Jean-Baptiste Kapela
5 min de lecture
La PFA a organisé une table ronde au sujet du déploiement du réseau de recharge en France. Si les acteurs du secteur estiment que le défi pourra être relevé d’ici la fin du thermique, d'autres signaux les laissent sceptiques.
La France compte, aujourd'hui, près de 55 000 bornes de recharge.

Au 31 octobre 2021, le nombre de bornes de recharge s'élevait à 49 914 sur tout le territoire français. Loin de l’objectif initial de 100 000 bornes fixé par le gouvernement pour la fin de l’année 2021. Si un comptage officiel n’a pas encore été réalisé dernièrement, leur nombre est aujourd’hui estimé à près de 55 000. La PFA a organisé près des Champs-Élysées, à Paris, une table ronde afin de savoir si le déploiement du réseau de recharge français est compatible avec la fin du thermique annoncé pour 2035. Car de leur côté les constructeurs sont en ordre de bataille et proposent d’ores et déjà des véhicules électriques ainsi qu'un plan d’avenir clair. La part attendue en Europe des hybrides rechargeables et électriques devrait passer de 9 % en 2020 à 38 % en 2025, 70 % en 2030 et enfin 100 % en 2035.

 

Face à cette augmentation considérable du parc de véhicules électrifiés, le réseau européen de recharge devra avoir les reins suffisamment solides. L’Union européenne estime que 3,9 millions de points de recharge devrait être suffisant en 2030, là où l’ACEA (association européenne des constructeurs automobiles) table plutôt 7 millions de bornes. En revenant sur les 55 000 bornes installées, il serait simpliste de souligner que nous sommes loin du compte. Marc Mortureux précise que : "le verre est à moitié plein et à moitié vide."  En effet, dans un sens, l’objectif des 100 000 bornes n’a pas été rempli. Mais de l'autre, Sylvain Laval, président des Mobilités de l’Aire Grenobloise, affirme : "l’installation des bornes poursuit tout de même une bonne dynamique. Par rapport à l’année dernière, leur nombre a augmenté de 68 % en France”, précisant que “du chemin est encore à faire".

 

Pierre Clasquin, vice-président de la division borne de recharge de TotalEnergies, rappelle qu’un objectif est "une direction à suivre et qu’il est important de ne pas faire n'importe quoi trop vite. Il faut arriver à une dynamique positive". En effet, il s’agit d’un commencement et les acteurs de la filière préfèrent y aller à leur rythme pour mieux répondre aux usages. Pierre de Firmas, directeur mobilité électrique d’Enedis, précise : "il faut distinguer les différentes formes de recharge. L’objectif des 100 000 bornes ne concerne que celles qui sont publiques. Enedis regarde la totalité des points de recharge et je peux vous dire qu’il y a un million de solutions de recharge dans l’Hexagone".

 

Le potentiel des copropriétés et des aires d'autoroute

 

Pour le moment, le déploiement des bornes de recharge se fait essentiellement à domicile. "En pavillon, il est facile d’installer des bornes, en revanche, pour les copropriétés c’est beaucoup plus compliqué, présente Pierre de Firmas, ajoutant que, la grande majorité des possesseurs de VE sont surtout des ménages aisés dans une résidence individuelle." Le directeur mobilité électrique d’Enedis constate par ailleurs que la puissance électrique n’a pas augmenté pour ces personnes-là. Reste l’enjeu du développement de l’équipement en résidence collective.

 

Le principal frein se situe dans les assemblées générales de copropriété. "Pour investir dans une infrastructure collective qui n'intéresse qu’une minorité de résidents, ils sont réticents", souligne le directeur mobilité électrique d’Enedis. Cependant, il précise qu’un décret devrait paraître dans quelques semaines pour faire sauter ce frein. "Il permettra à la copropriété de bénéficier d’un prêt de financement pour l’installation de bornes et les résidents paieront une quote-part lors de l'utilisation de cette infrastructure". Actuellement aux prémices de l’installation massive de points de recharge, seuls 1 % à 2 % des copropriétés sont équipées partiellement de bornes. "Pour le moment, il y a 182 000 copropriétés avec un parking équipé de plus de 10 places en France. Il s’agit d’un gros potentiel pour l’installation de bornes."

 

Les trajets de longues distances des possesseurs français de véhicules électriques font aussi partie des préoccupations. Ainsi, l’importance de développer un réseau de bornes sur les autoroutes devient crucial. Les acteurs de la filière assurent que 420 points de recharge sur les aires sont en cours d’équipement avant la fin 2022. "Sur ce point, il y a un léger retard, explique Pierre de Firmas, quelques infrastructures seront terminées au premier semestre 2023."

 

Concernant les autoroutes encore, il est essentiel, pour éviter les bouchons et les queues, que les points de recharge soient rapides. TotalEnergies a inauguré près de La Défense (92) une station réservée aux véhicules électriques. "Une station qui marche bien", assure Pierre Clasquin. Il y a fort à parier que ces installations se démocratiseront à l'avenir. Ainsi, TotalEnergies en prévoit 200 exclusivement électriques en périphérie des agglomérations et 200 mixtes sur les axes autoroutiers. Sylvain Laval précise que : "les automobilistes roulant à l'électrique doivent faire un effort et comprendre que l’utilisation de chargeur rapide en agglomération n’est pas une nécessité, mais un luxe"

 

Un contexte préoccupant

 

Si Pierre de Firmas assure "que le réseau sera prêt pour assurer la future consommation en électricité", il y a comme une éclipse des points négatifs de la part des différents protagonistes de l'électromobilité. Marc Mortureux rappelle qu'il est en faveur d’une transition vers l’électrique, cependant, il a le sentiment d'une omerta sur les aspects négatifs. "J'ai l’impression que personne n’ose dire que ce n’est pas si simple. Il y a des tensions partout. Entre une résurgence de la Covid-19 en Asie, ou encore la guerre en Ukraine, nous voyons bien qu'il y a des risques considérables avec un potentiel effet domino. D'un côté, les constructeurs se sont adaptés et peuvent offrir du 100 % électrique, mais d’un autre ils savent qu’il y a des conditions qui ne dépendent pas d'eux, qui ne sont pas réunies et qu’il faut garder une diversité."

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