Blue DME, la start-up qui croit au commercial augmenté
On flirte avec la vision romantique de la start-up. Dans ce sous-sol de bâtiment commercial, en plein cœur de Neuilly-sur-Seine (92), la lumière naturelle qui passe par les fenêtres rappelle aux 13 salariés de Blue DME qu'il existe bien un monde réel. Parce qu'au quotidien, le digital constitue l'univers de ces ingénieurs et commerciaux. Il y a bientôt quatre ans, ils se sont lancés dans une aventure alors d'un genre nouveau, celle de mettre au point un système intelligent qui accompagnera les forces commerciales dans leurs tâches. Depuis, le marketing a réussi à mettre un nom sur ce produit : le commercial augmenté.
Cette activité a rapporté la bagatelle d'un million d'euros à Blue DME, en 2017 et sensiblement la même chose en 2018. Preuve qu'il existe un marché, même s'il tarde à décoller. Et pourtant, le service de commercial augmenté est bien au cœur de la grande révolution digitale. Celle-là même qui continue de gagner en importance stratégique aux yeux de décideurs, selon les dernières études. Le commercial augmenté se veut le fruit d'une conjugaison de la collecte d'information partagée par les consommateurs et d'une intervention de l'intelligence artificielle poussée à un stade plus avancé.
Recommandations d'actions commerciales adéquates
Il faut dire qu'une large partie des efforts d'investissements vont pour l'heure aux outils de génération de contacts. Ce que ne couvre pas Blue DMe. "Les technologies de marketing pèsent davantage que les CRM des conseillers commerciaux, dans les concessions", remarque Maxence Jutel, le directeur commercial de la start-up qui se positionne plus en aval du parcours client. Le commercial augmenté de Blue DME travaille sur l'engagement, la transformation et la fidélisation du prospect devenu client. "Nous sommes partis du postulat que celui qui pousse la porte du point de vente détient un très haut niveau d'information et qu'il y a plus d'intérêt pour les concessionnaires à les accompagner sur la suite", explique le cadre de la jeune société. Cette phase plus sensible durant laquelle le lien peut se rompre.
Comme les robots conversationnels, ce commercial augmenté a pris un nom de baptême, Tony. Son fonctionnement est aussi complexe que son rôle est simple. Tony fait à son utilisateur des recommandations d'actions adéquates ("Next best actions", dans le jargon marketing). Pour ce faire, il aspire un volume gargantuesque de données disponibles. Un procédé dans le respect du RGPD et validé par la CNIL. Il intègre tout ce qu'il est possible de savoir ou d'interpréter du contact pour lui attribuer une note de "chaleur". Ensuite, sur la base des informations de connexion, il est en mesure de faire une préconisation de créneau horaire de prise de contact par le conseiller commercial. Enfin, il affine la recommandation produit, avec une estimation du budget du consommateur à 300 euros près, en se basant sur les configurations effectuées par le client. Tout autant de critères algorithmiques qui aboutissent à un classement objectif des priorités.
Pour chaque contact et aux différents moments de la relation, Tony propose des actions que l'intelligence artificielle juge pertinentes. Les conséquences sont étudiées pour enrichir la machine. Une technologie qui aspire donc à progresser au contact des humains, dans une logique d'interaction permanente. D'ailleurs, Blue DME laisse la possibilité de décliner les suggestions, sans justification. "Mais nous recommandons de juger sur la base des résultats", se sent fort de son produit Maxence Jutel. Les résultats ne manquent pas de retenir l'attention. Blue DME parvient ainsi à "réchauffer" 30 % des leads intégrés aux systèmes informatique des concessions. Les ventes ont progressé de 12 %, notamment en multipliant par 3 le taux de transformation auprès des contacts priorisés, tout améliorant le bilan puisque la marge s'est accrue de 3 points. Un bilan général tiré des cas clients que sont PGA Motors et Aramisauto, en France, et Renault en Inde et qu'il convient donc de pondérer par l'appétence des Indiens pour le digital.
Le processus ne fonctionne que si un socle existe. Etape à laquelle se trouve le monde de la distribution française, avec la profusion des plateformes digitales au sein des groupes. Elles seules permettent la concentration des données en provenance des sites Internet, des outils CRM, des centres d'appel et des carnets de commande. "Une vue à 360° dont nous avons besoin pour appliquer nos algorithmes personnalisés et déterminer les meilleures actions à suivre", pose comme condition préalable Maxence Jutel. Chez PGA, la start-up s'est intégrée au CRM développé par le groupe, tandis que chez d'autres clients, notamment des concessions de marque française, la non-ouverture des systèmes du constructeur a limité le niveau d'interaction.
1,5 million d'euros de levée de fonds à venir
Il faudra donc convaincre des marques de la pertinence de la technologie. Ce sera un objectif prioritaire en 2019. La présence d'un ex-directeur commercial d'une marque française parmi les conseils du directoire pourrait ouvrir des portes. La levée de fonds aidera également au développement. D'ici quelques semaines, Blue DME doit confirmer le bouclage d'un tour de table qui rapportera 1,5 million d'euros. Cette somme financera la recherche et le développement.
Sur les tablettes, il est inscrit de mettre au point un système d'aide dédié au véhicule d'occasion. La start-up entend apporter une solution d'aide à la tarification dynamique. Le premier pilote a débuté il y a peu. Blue DME doit muscler son service, car les concurrents directs sur ce créneau, comme Be2Link, fournissent en plus l'aide à l'estimation reprise. "Nous allons aussi travailler sur une solution de remarketing VO pour les loueurs LLD, annonce Maxence Jutel. Les algorithmes sont assez similaires, mais il faut les enrichir de la notion de marge BtoB", présente-t-il la tâche à venir.
Pour l'heure, le directeur commercial de Blue DME passe la majeure partie de son temps outre-Manche. Il y est envoyé en mission d'identification. La start-up évalue le potentiel de son offre au Royaume-Uni, un territoire fortement concurrencé par les éditeurs américains divers et variés, mais où les distributeurs automobiles et les assureurs – autre cible de la jeune pousse – se montrent plus matures. L'internationalisation est une obligation pour tirer le chiffre d'affaires à la hausse, mais rien ne sera fait dans la précipitation, laisse comprendre le responsable.