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AdBlue : pourquoi les pannes sont si courantes sur les modèles Peugeot et Citroën

Publié le 11 décembre 2024

Par Mohamed Aredjal
7 min de lecture
Fuites, cristallisation, corrosion... Les réservoirs AdBlue de nombreux modèles du groupe Stellantis connaissent des défaillances répétées depuis quelques années. Outre les pannes liées à l’entretien de ces dispositifs, un problème de conception serait également à l’origine de ces dysfonctionnements.
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Stellantis est au cœur de la controverse des réservoirs AdBlue défaillants en raison des pannes répétées sur certains modèles Peugeot et Citröen. ©AdobeStock

"AdBlue : épidémie de pannes de réservoirs sur les voitures à moteur diesel […]", "AdBlue : le scandale qui pousse des milliers de consommateurs à déposer plainte", "L’AdBlue, le nouveau dieselgate ?", etc. Depuis quelques années, le système AdBlue fait couler beaucoup d’encre, en particulier dans les médias généralistes.

 

Et pour cause, ces dispositifs, essentiels pour réduire les émissions polluantes des véhicules diesel, sont à l’origine de nombreuses défaillances, et notamment sur les véhicules Peugeot et Citroën. Des pannes fréquentes qui ont conduit l’UFC Que Choisir à saisir, en 2023, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

 

Dénonçant un "problème massif", l'association de défense des consommateurs estime que les constructeurs – au-delà du cas précis des marques Peugeot et Citroën – ont volontairement ignoré les dysfonctionnements liés au système AdBlue, entraînant souvent de lourdes réparations.

 

En cause : la sensibilité du liquide aux variations de températures. Sous les 10°C ou au-delà des 30°C, il peut se dégrader et entraîner la formation de cristaux. De plus, pour décomposer l’urée et vaporiser l’eau déminéralisée qu’il contient, l’AdBlue doit atteindre une température de 190°C. Or, si les gaz d’échappement ne lui permettent pas de dépasser ce seuil, un phénomène de cristallisation risque aussi de survenir.

 

L’UFC Que Choisir aurait ainsi reçu plus de 5 000 témoignages d’automobilistes à ce sujet. "En France, le problème concerne surtout les véhicules Peugeot et Citroën, mais il y a bien d’autres marques concernées, en Italie, Espagne, Allemagne… En Italie, ils ont réussi à obtenir un accord avec Stellantis. Nous n’avons pas reçu de réponse à nos demandes, qui sont que la société s’engage à rembourser les consommateurs et à les indemniser", déclare Véronique Louis-Arcene, juriste pour l’association, à nos confrères de La Voix du Nord.

 

Stellantis au cœur de la controverse

 

Mais au-delà de ces problèmes liés au fonctionnement de l’AdBlue, il semble que les modèles Peugeot et Citroën ont fait l’objet de défaillances particulières. Et celles-ci sont liées à la conception même de leurs réservoirs, fabriqués par l’équipementier Akwel, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions.

 

Spécialiste de la rénovation d’équipements électroniques automobiles, Cotrolia s’est penché sur le sujet lorsque ces pannes ont commencé à se multiplier. "Nous avons identifié cette défaillance il y a plus de deux ans, lorsque nous avons été alertés par nos clients, et en premier lieu des concessionnaires du groupe Stellantis. […] Les autres marques sont aussi concernées par les problèmes d’AdBlue, mais c’est beaucoup plus important chez Peugeot et Citroën", rappelle Samuel Tschannen, directeur commercial de Cotrolia.

 

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Un réservoir Adblue est équipé d’un module électronique qui sert d’ordinateur pour le système Denox en calculant la pression d’urée injectée et la chaleur nécessaire pour la transformation chimique. En cas de fuite, ce module peut être endommagé par la cristallisation du liquide. ©Cotrolia

Face à l’ampleur du phénomène, Cotrolia a donc focalisé son attention sur les réservoirs Stellantis avec l’aide de son service de recherche et développement. Et après plusieurs mois d’étude, l’entreprise nantaise a mis en évidence quelques anomalies dans leur fabrication.

 

"L’AdBlue a pour défaut de se figer en cristaux au contact de l’air. Ce qui peut provoquer des problèmes d’ordre électronique si la cristallisation touche le module électronique, et des dysfonctionnements physiques si l’urée cristallise dans le réservoir, dans la pompe ou dans les entrées et sorties du boîtier AdBlue. Or, si on se penche sur les réservoirs AdBlue du groupe Stellantis, on peut se poser des questions sur leur architecture", explique Samuel Tschannen.

 

Ce dernier pointe notamment du doigt la présence du module avec la carte électronique vissée sur le réservoir contenant le liquide Adblue. "À la moindre fuite, le liquide peut se répandre sur la carte électronique et endommager ses composants. La combinaison entre la mise sous pression d'un liquide corrosif et l'architecture du réservoir est à l’origine des pannes observées sur ces véhicules", détaille Samuel Tschannen.

 

Une autre source, qui préfère garder l’anonymat, nous confie également que les composants électroniques utilisés pour la fabrication de ces réservoirs ne seraient pas "du niveau de qualité habituel qu'on rencontre dans la profession"…

 

Une couverture partielle des réparations

 

Interrogé sur ces défaillances, le constructeur nous a répondu en rappelant qu’il propose, aux clients qui réparent leur réservoir d’AdBlue SCR, des "couvertures spéciales dédiées". Stellantis s’engage actuellement à couvrir 100 % de la pièce, pour les véhicules âgés de moins de cinq ans et de moins de 150 000 km (à compter de la date de début de la garantie).

 

Lorsque le véhicule est âgé de cinq à sept ans (kilométrage inférieur à 210 000 km), le taux de couverture de la pièce – facturée à hauteur de 900 euros neuve en moyenne – est compris entre 30 et 90 %. Depuis décembre 2023, Stellantis offre également une réduction de 30 euros sur la main-d’œuvre. Précisons toutefois que ce poste peut représenter plusieurs centaines d’euros dans certaines factures. "Malheureusement, il y a souvent un reste à charge", déplore Véronique Louis-Arcene. Enfin, ajoutons que le constructeur a également mis en place, depuis avril 2024, une politique couvrant les cas de récidive.

 

Du côté des concessionnaires, ce sujet reste compliqué à aborder. Beaucoup nous ont indiqué suivre les préconisations de leur marque, même si la couverture proposée se révèle souvent insuffisante. "Dans un premier temps, nous avons renvoyé systématiquement les réservoirs en garantie. Désormais, nous nous contentons de la pompe souvent à l’origine du problème. Mais les prises en charge restent limitées en âge et en kilométrage", admet Sébastien Groisne, coordinateur pièces & services pour le groupe Vauban.

 

Ce dernier précise toutefois que ces interventions sur les réservoirs AdBlue sont aujourd’hui moins fréquentes. "Il y a eu une période où ces problèmes étaient quotidiens dans nos ateliers. Ce n’est plus le cas", ajoute-t-il.

 

La désactivation illégale de l’AdBlue : une pratique en hausse

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La Reman Factory de Cotrolia traite environ 25 à 30 réservoirs par jour et peut aller jusqu’à 12 000 unités par an. ©Cotrolia

 

Ce constat est partagé dans les rangs de Cotrolia. L’entreprise, qui a ouvert en 2023 sa Reman Factory, usine dédiée à l’échange standard où sont rénovés les réservoirs AdBlue, observe un ralentissement de la demande pour ce type de produits. "Ce marché est en baisse par rapport à ce qu'on a connu en 2023", confirme Samuel Tschannen. Selon ce dernier, plusieurs facteurs peuvent justifier ce recul.

 

Outre l’allongement de la durée de prise en charge du constructeur, il pointe aussi du doigt le phénomène grandissant de désactivation de l'AdBlue. "Bien entendu, c'est illégal et non conforme aux normes de dépollution, mais c'est une pratique qui s'est vraiment répandue." Une opération qui s’est d’autant plus généralisée qu’elle reste, pour le moment, non détectée par le contrôle technique.

 

 

Pour éviter ce type d’interventions illicites, Cotrolia propose des réservoirs remanufacturés et, surtout, améliorés puisqu’ils bénéficient de correctifs pour éviter les défaillances initiales. "Nous avons optimisé l’architecture interne et ajouté des points de contrôle supplémentaires. Aujourd’hui, nous garantissons un produit fiable et durable. Grâce à notre expertise, nous avons réduit le taux de retour à seulement 2 %", conclut Samuel Tschannen.

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