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Industrie

Vente de pneus en ligne : les “trad” débarquent…

Publié le 1 juin 2012

Par Clotilde Chenevoy
9 min de lecture
Le canal Web représente aujourd’hui 10 % de la vente de pneumatiques, pour un volume estimé à 3 millions d’enveloppes. Et après des années de forte croissance, le ralentissement commence à se faire sentir, avec des internautes qui cherchent du prix, mais également des services. D’où l’arrivée des réseaux traditionnels sur la Toile.
Les réseaux ont tous engagé un processus de diversification depuis quelques années, qui aide les centres à maintenir leur chiffre d’affaires, les marges liées à la vente de pneumatiques restant toujours relativement basse.

Sur les premiers mois de l’année, la vente de pneumatiques TC4 (Tourisme, Camionnette, 4x4) se trouve très contrastée, avec des mois de janvier et février actifs grâce à la vague de froid qui a dopé la vente de pneus hiver, tandis que mars et avril enregistrent une chute des ventes. Le marché est en retard par rapport à 2011, les automobilistes n’ayant pas fait changer leurs pneumatiques. Cette tendance est européenne, puisque le marché sell out tourne autour de - 13 %. Pour Didier Blaise, P-dg d’Allopneus.com, “ces chiffres résultent de la crise et de la baisse du pouvoir d’achat. Les gens poussent un peu plus leurs pneumatiques. Nous devrions être amenés à changer des produits de plus en plus usés. Les manufacturiers ont d’ailleurs anticipé en baissant leur production. On constate également une dégradation des segments, avec une légère baisse spontanée du Premium au profit du segment Quality”. Chez 07ZR, Jean-Claude Krois estime que les “marques Premium continuent de dominer le marché, malgré un léger retour des marques de 3e rang, qui proposent avant tout du prix, résultat d’une conjoncture économique difficile”.

Hervé Dabin, P-dg de Vulco Développement, explique pour sa part que, “si le volume du marché baisse, le mix produits augmente, les tailles de pneumatiques étant de plus en plus importantes, et les automobilistes restent attachés à la marque Premium. Le marché se maintient donc en valeur. Au final, l’année 2012 devrait finir par s’équilibrer, pour terminer proche de zéro, notamment avec la hausse de ventes de pneus hiver”. Effectivement, ce marché a tardé à se développer en France, mais à force de communication, on constate (enfin) une montée des ventes, qui ont atteint 15 % en 2011. Autres axes de développement, pas nouveaux mais qui montent en puissance : les accords grands comptes et la diversification de l’activité. Ces deux points permettent d’apporter du trafic dans les ateliers. Ces politiques aident d’ailleurs les principaux réseaux à sauver leurs marges et à afficher ainsi de la croissance, dans un marché du pneumatique en décroissance.

En revanche, concernant le volet Web, on assiste à une ruée des réseaux vers la vente de pneumatiques en ligne. Aujourd’hui, ce canal se stabilise, après une période de forte croissance, et représente environ 10 % des ventes de pneumatiques, soit un peu plus de 3 millions d’enveloppes. Parmi les acteurs en place, difficile de connaître les chiffres en détail, aucun organisme officiel ne les comptabilisant dans leurs statistiques et les pure players restant discrets quant à leurs performances. Au final, les professionnels du secteur, comme le principal intéressé, annoncent Allopneus largement leader, avec plus de 50 % du marché. “La prime au premier”, selon son fondateur, puisque le site a démarré en 2005. Le site ambitionne de vendre 1,7 million de pneus TC4. Il est suivi de Delticom (123Pneus) avec environ 20 à 25 % de parts de marché, puis de PopGom et Pneus Online, avec chacun environ 10 %. Oxyo Pneus, du groupe Mobivia, et 1001 Pneus, font également montre d’une forte présence sur le marché virtuel, mais leurs parts restent difficilement identifiables en tant que nouveaux sur le secteur. Et, pour Didier Blaise, certains développent une forte agressivité, “dégradant fortement les marges, alors que ce n’est pas utile. La France figure déjà parmi les pays d’Europe où les pneumatiques se vendent le moins cher. Il faut maintenir un certain niveau pour financer les charges d’exploitation”. Parmi les budgets phares pour le e-commerce, les Google AdWords reviennent chers. Pour rappel, les sites achètent aux enchères des mots-clés, apportant ainsi de la visibilité à l’enseigne lors d’une requête d’un internaute sur le moteur de recherche. Les prix étant fonction de la demande, ces derniers ont augmenté en 2011 avec l’arrivée de nouveaux acteurs tels qu’Oxyo Pneus.

Les internautes plébiscitent prix et services

Delticom a récemment publié les résultats d’une étude soulignant que le prix restait un facteur déterminant pour l’achat de pneumatiques. Plus d’un automobiliste sur deux s’informe en ligne des tarifs en vigueur avant de faire changer ses pneumatiques, par le Web ou un réseau physique. Mais cette enquête révèle également que les internautes apportent une forte attention au service associé, particulièrement le montage.

C’est d’ailleurs sur cette notion de service que les réseaux traditionnels veulent insister. First Stop a démarré en janvier dernier la vente en ligne, sur le site du réseau, à une échelle européenne. Laurent Proust, président du réseau, annonce “une progression significative, supérieure aux attentes. Mais l’objectif n’est pas de devenir numéro un du canal. Nous voulons apporter une réponse cohérente pour le consommateur, sans être le moins cher, mais avec un prix compétitif au regard du service. Ainsi, avant de venir dans un point de vente, il peut faire un devis, et il est sûr que le montage dans nos centres sera de qualité”. Les premiers retours montrent que le site a permis de capter 60 à 70 % de nouveaux clients adeptes des achats en e-commerce. “On ne compte pas non plus les clients ayant regardé le tarif en ligne, qui valident leur achat dans un centre”, continue Laurent Proust. Et, grand avantage pour les centres, ils récupèrent intégralement la marge, sur le pneu et le montage. Le prochain axe de développement consistera à accentuer les ventes additionnelles, notamment de prestations annexes.

Du e-commerce pour Massa Pneus, Profil+ et Vulco

Du côté de Profil+, le projet Web aboutira fin 2012, début 2013. Le réseau proposait déjà son catalogue en ligne, sans prix. L’ajout de la fonction achat en ligne représente aujourd’hui “une étape logique pour servir nos clients, explique Pascal Audebert, directeur général du réseau. Nous devons toujours nous adapter afin de répondre à leurs besoins. D’autant que nous avons tous les avantages pour aller en ligne, puisque les internautes cherchent du service, et que nous avons un positionnement tarifaire plutôt compétitif. Il se révèle plus complexe pour un pure player de construire un réseau de qualité”. “Chaque année, c’est 800 000 jeunes ayant grandi avec Internet qui deviennent des clients potentiels, rodés au e-commerce”, se félicite Arnaud Ledun, directeur marketing et communication. Le réseau met également en avant le fait qu’en cas d’erreur, le SAV se trouve simplifié, le centre ayant des stocks. De plus, dans cette situation, les centres pourront amorcer une discussion technique et changer les pneus.

Massa, adhérent Profil+ et grand groupe de 115 centres implantés dans le Sud-Est, développera aussi à partir de septembre d’une fonction de vente en ligne au sein de son réseau, avec une livraison uniquement dans les centres du groupe. “Ce marché était à prendre, explique Magali Massa, directrice marketing. Nous ne voulons pas devenir un acteur discount, mais simplement toucher une clientèle qui veut de la rapidité, et qui a l’habitude de comparer les prix sur la Toile.” Plus exactement, le positionnement tarifaire devrait se faire entre celui des pure players et des réseaux traditionnels, avec un service de qualité dans les centres.

Massa compte même traiter les clients du Web en VIP dans les centres, étant donné que ces consommateurs ont accepté de régler avant même d’avoir bénéficié de la prestation. Le groupe assurera également un suivi de commande détaillé pour le client, afin que celui-ci puisse avoir une visibilité des étapes de A à Z. Après le paiement, les produits seront directement expédiés vers le centre, depuis l’une des plates-formes du groupe ou des manufacturiers. La relation client incombera en revanche entièrement au patron du centre. Ce canal devrait permettre de conquérir de nouveaux clients. Le groupe a d’ailleurs entamé depuis quelque temps un travail de référencement naturel, au travers de sa page Facebook et d’un blog, afin de parler aux potentiels clients. Mais le Web permettra également d’éviter au personnel du centre de répondre, par exemple, aux demandes de prix des clients par téléphone. Celui-ci pourra ainsi se concentrer sur le conseil autour du pneu, et présenter d’autres prestations. Le pneu représente principalement un produit d’appel pour Massa Pneus, pesant environ 30 % du CA d’un centre.

Chez Vulco, Hervé Dabin, P-dg de Vulco Développement, affirme désormais que “le Web n’est surtout pas un tabou, mais bien une opportunité de marché”. La stratégie a été définie pour les 5 000 points de vente au niveau Europe, et la direction de Vulco se penche actuellement sur les problématiques opérationnelles. Le projet de site marchand devrait aboutir dans l’année. “Nous sommes à 100 % légitimes pour nous positionner sur ce canal, explique le P-dg, mais ce n’était pas notre rôle de défricher le marché.”

Point S, irrésistible Gaulois ?

Chez Point S, pas de changement de position, on ne répond pas aux sirènes du Web. Christophe Rollet, son directeur général, précise que “les centres ont des loyers et des charges à amortir, et que la vocation du réseau est de servir le client et non de brader ses prix en ligne. Je reste encore très dubitatif sur l’intérêt de faire du commerce en ligne pour nous. De plus, un projet Web demande un investissement conséquent, ne serait-ce que pour réaliser la veille tarifaire”. En résumé, pour le responsable du réseau, la fonction panier n’apporte pas grand-chose, alors que la prise de rendez-vous online représente un véritable service, tout comme l’offre de gardiennage des pneus pour le changement de saison. Dans la même logique, les centres installeront des stations de gonflage, afin que le client puisse vérifier ses pneumatiques.

Affaire à suivre dans les années à venir. Toujours est-il que l’arrivée de ces acteurs devrait faire bouger le marché établi. “D’autant que la répartition entre les acteurs entre le canal Web et le terrain n’est pas respectée, précise Magali Massa. Et pour les manufacturiers, le Web n’est pas non plus une aubaine car, en termes de produits, il se vend beaucoup de marques inconnues…”
 

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