Véhicules électriques : l'Europe reprend la main sur les matériaux critiques
Sous les effets conjugués de la crise de la Covid-19, suivie par celle des semi‑conducteurs et depuis trois ans de la guerre en Ukraine, la France, et plus largement l’Europe, ont pris conscience de leur dépendance et de leur non-souveraineté sur nombre de molécules ou matériaux.
Ajoutez à cela la fixette de Donald Trump sur les terres rares ukrainiennes ou encore sa volonté de "prendre" le Groenland – en partie pour ses ressources également – et vous comprendrez que la mondialisation heureuse est terminée.
L’heure est au retour de la souveraineté. L’Europe, longtemps absente de toute réflexion en la matière, semble enfin s’être réveillée dans de nombreux domaines.
Aujourd’hui, il s’agit des terres rares et autres matériaux critiques, essentiels à sa volonté de décarbonation ou de réarmement. La partie n’est pas encore gagnée mais l’électrochoc semble avoir fonctionné.
Couvrir toute la chaîne de valeur
La législation sur les matières premières critiques (CRMA) est entrée en vigueur le 23 mai 2024. Pour accompagner ce texte, l’exécutif européen a dévoilé, le 25 mars 2025, une liste de 47 projets prioritaires pour l’extraction, le traitement et le recyclage de terres rares et métaux stratégiques sur le sol européen.
Ils sont répartis sur treize pays : Belgique, France, Italie, Allemagne, Espagne, Estonie, Tchéquie, Grèce, Suède, Finlande, Portugal, Pologne et Roumanie. Le but étant de couvrir autant que possible la chaîne de valeur de ces matériaux.
Ainsi, 25 projets sont centrés sur l’extraction, 24 sur la transformation, 10 sur le recyclage et, enfin, 2 sur le travail de substitution. Des travaux qui permettront de couvrir 14 des 17 matières premières classées comme stratégiques (voir encadré).
On retrouve ainsi 22 projets sur le lithium, 12 concernant le nickel, 11 sur le graphite, 10 sur le cobalt, 7 sur le manganèse. Pour leur donner du corps, "deux milliards d’euros sont ainsi fléchés par la Banque européenne d’investissement pour 2025", a assuré Stéphane Séjourné, vice‑président exécutif de la Commission européenne, en charge de la Stratégie industrielle et de la Prospérité.
Neuf projets en France
Parmi ces 47 projets, neuf sont annoncés en France. Le programme européen devrait définitivement lancer deux projets français d’extraction de lithium. En effet, une vieille mine de l’Allier devrait reprendre du service sous l’impulsion d’Imerys.
L’autre projet est en Alsace, piloté par Eramet. Mais à la différence du premier, il ne s’agit pas d’une mine traditionnelle, l’extraction du lithium se faisant avec un process de filtration avec de l’eau. L’Hexagone va aussi accueillir un grand site dédié au recyclage et au raffinage.
La société Carester a lancé la construction à Lacq (64) d’une usine de production, par recyclage, de terres rares légères et lourdes. Elle a pour objectif de recycler 2 000 t d’aimants par an afin d’arriver, en bout de chaîne, à produire 800 t de terres rares légères (néodyme et praséodyme). Elle sera aussi capable de raffiner 5 000 t de concentrés miniers afin de proposer 600 t de terres rares lourdes (oxydes de dysprosium et de terbium purs).
Pour ces terres lourdes, cela représenterait 15 % de la production mondiale actuelle. Pour l’heure, Carester indique avoir deux clients, l’un au Japon et le constructeur Stellantis pour ses moteurs électriques. La production devrait débuter en 2026.
100 % des terres lourdes viennent de chine
Ce grand programme européen a fixé un cap pour l’horizon 2030 afin de retrouver une relative souveraineté. "L’Europe dépend actuellement de pays tiers pour la plupart des matières premières dont elle a le plus besoin. Nous devons augmenter notre propre production, diversifier notre offre extérieure et constituer des stocks", a affirmé Stéphane Séjourné.
Ainsi, à cette date, au moins 10 % de la consommation annuelle de l’UE devra être extraite dans l’Union ; au moins 40 % de la consommation annuelle de l’UE devra être transformée dans l’Union ; au moins 25 % de la consommation annuelle de l’UE devra provenir du recyclage fait sur le territoire.
Enfin, pas plus de 65 % de la consommation annuelle de l’UE d’un matériau ne devra venir d’un seul pays. Pour avoir une idée de la dépendance actuelle de l’Europe, voici quelques chiffres : 80 % de ses approvisionnements en matériaux critiques se font hors d’Europe.
Aujourd’hui, 100 % des terres lourdes utilisées en Europe viennent de Chine. La Turquie fournit au continent 98 % du bore utilisé. Enfin, l’Afrique du Sud livre 71 % du platine consommé en Europe.
Ce plan semble être une bonne nouvelle pour l’Europe et sa souveraineté. Mais comme pour les économies d’énergie, le meilleur moyen de faire baisser la facture est d’en consommer le moins possible. C’est valable pour les terres rares.
Bien qu’indispensables à certaines applications, elles peuvent aussi disparaître de certains objets, comme les moteurs électriques par exemple. C’est le cas des moteurs de BMW ou encore de Renault et Valeo.
L’actuel 6AM du français, produit à Cléon (76), n’en contient pas et ce sera aussi le cas du futur E7A qui devrait apparaître en 2027. La R & D et les ingénieurs ont aussi leur mot à dire dans la définition de la souveraineté.
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La liste des 34 matériaux critiques de l’UE
Parmi les 34 matériaux classés comme critiques par l’Union européenne, 17 sont considérés comme "critiques stratégiques". Voilà la liste des matières "critiques" : hélium, niobium, antimoine, phosphore, feldspath, arsenic, charbon à coke, spath fluor, phosphorite, magnésium, scandium, tantale, vanadium, hafnium, strontium, barytine et béryllium.
Viennent ensuite les "critiques stratégiques" : nickel, graphite, métaux du groupe platine, gallium, manganèse, titane métal, terres rares lourdes, germanium, silicium métallique, cobalt, aluminium/bauxite, lithium, terres rares légères, tungstène, bismuth, bore/borate et cuivre.
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