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Industrie

Quel avenir pour le moteur à combustion d’hydrogène ?

Publié le 12 juillet 2024

Par Robin Schmidt
10 min de lecture
Si la plupart des constructeurs automobiles font le choix du véhicule 100 % électrique, d’autres en revanche ne ferment pas la porte à des technologies alternatives. Le moteur à combustion alimenté par de l’hydrogène apparaît, en effet, comme une solution de transition pour sortir des carburants fossiles, alors que des premières applications commerciales commencent à voir le jour.
Les moteurs à combustion d’hydrogène ne sont pas considérés comme zéro émission. ©Volvo Trucks

Lorsque l’on parle d’hy­drogène pour un vé­hicule, on pense de prime abord à la pile à combustible. Cette technologie, déjà commercialisée sur la Mirai de Toyota ou le Nexo de Hyundai, permet de transfor­mer de l’hydrogène en électricité et donc d’alimenter le moteur élec­trique d’une voiture, d’un bus ou d’un camion. Son fonctionnement reste ainsi très similaire à celui d’un véhicule électrique.

 

Cependant, le moteur à combustion interne d’hydrogène – ou H2 ICE dans le jargon scientifique – rencontre également un intérêt grandissant. Son développement s’est nettement accéléré depuis quelques années et une poignée de constructeurs, notamment européens, s’intéressent désormais à cette technologie, dans le but de sortir rapidement des carburants fossiles.

 

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"Pour at­teindre les objectifs de décarbona­tion du transport fixés pour 2035, il faut selon moi employer une multi­tude de solutions et de technologies différentes. Nous avons donc besoin de véhicules électriques qu’ils soient à batterie ou à hydrogène. Mais l’objectif est avant tout de s’affran­chir des carburants fossiles. L’utili­sation du moteur à combustion in­terne d’hydrogène, comme solution de transition, est alors aussi étudiée par certains constructeurs", ex­plique Valérie Bouillon‑Delporte, vice‑présidente de France Hydro­gène.

 

D’autant plus qu’un poten­tiel essor de l’hydrogène pourrait permettre aux constructeurs européens de rétablir leur souveraine­té dans l’automobile et de constituer une filière compétitive face à l’offensive chinoise sur le véhicule électrique.

 

Cette technologie repose, comme son nom l’indique, sur le même principe général que celui des moteurs à combustion interne que l’on connaît déjà. Mais au lieu d’injecter de l’essence ou du gazole dans le moteur, ce dernier va à la place utiliser de l’hydro­gène, sous forme gazeuse ou liquide, comme source de carbu­rant.

 

L’hydrogène est alors stocké dans des réservoirs en fibre de carbone, spécialement conçus pour résister à des pressions éle­vées. Il est ensuite acheminé vers le moteur via des conduites et des régulateurs de pression, avant de suivre le même processus que dans un véhicule thermique traditionnel.

 

"Le principe de fonc­tionnement reste assez similaire à celui des autres moteurs thermiques. Il y a toujours un mé­lange qui se fait avec l’air dans le moteur. La seule différence par rapport à un véhicule classique se trouve au niveau du stockage de l’hydrogène, puisque ce dernier nécessite des réservoirs spéciaux et une infrastructure adaptée", ajoute Valérie Bouillon‑Delporte.

 

Une alternative qui a ses avantages…

 

Moins polluant, le moteur à hy­drogène a pour avantage d’émettre relativement moins de dioxyde de carbone (CO2) et de monoxyde d’azote (NOx). Bien que ces émis­sions restent tout de même pré­sentes à des niveaux infimes, l’H2 ICE est aujourd’hui considéré comme une alternative plus propre aux véhicules thermiques. "Cette technologie va diminuer de façon assez conséquente les émis­sions de CO2 et de NOx. Mais elles ne sont pas totalement éliminées et des systèmes de dépollution sont ainsi encore nécessaires, à l’instar des filtres à particules des véhicules à moteur diesel. Un véhicule léger équipé d’un moteur à hydrogène n’est donc pas un véhicule zéro émission", précise la vice‑prési­dente de France Hydrogène.

 

Oreca a adapté son 4 cylindres turbo de compétition à l’hydrogène. Il peut délivrer jusqu’à 300 kW de puissance à 6 000 tr/min. ©Yvonnick Gazeau

 

En plus d’émettre quasiment aucune émission à l’échappement, les véhicules roulant à l’hydrogène profitent d’une autonomie et d’un temps de ravitaillement nettement plus avantageux.

 

Le moteur à combustion interne d’hydrogène apparaît alors comme une solution de transition, visant à accompagner la mutation du parc automobile vers des alterna­tives plus pérennes comme l’élec­trique.

 

Cette technologie est, en effet, applicable de suite puisqu’elle conserve la majorité des compo­sants des moteurs de ses homo­logues à carburants fossiles.

 

A  lire aussi : A batteries ou à hydrogène, l'électrique s'imposera en Europe... en 2050 (KPMG)

 

Sa similarité de conception avec les moteurs thermiques traditionnels pourrait donc grandement faciliter la conversion des flottes existantes, lui permettant de prolonger la du­rée de vie de certains véhicules et de trouver rapidement son marché. "En termes de maturité techno­logique, les moteurs à combustion d’hydrogène existent depuis plusieurs années. Il y a encore tout de même quelques adaptations à ap­porter et c’est aussi pour ça qu’il y a des programmes de démonstration aujourd’hui, bénéficiant de subven­tions. Mais pour l’instant, hormis ces véhicules de démonstration, il n’y a pas encore véritablement de modèles qui roulent avec cette tech­nologie et qui peuvent être commer­cialisés à grande échelle", précise Valérie Bouillon‑Delporte.

 

…mais aussi ses inconvénients

 

Si le moteur fonctionnant à l’hy­drogène présente aujourd’hui de nombreux avantages, il n’est toutefois pas exempt d’incon­vénients. À commencer par son rendement énergétique qui est actuellement bien inférieur à celui d’un moteur thermique, puisqu’il est compris entre 15 et 20 %.

 

Autre inconvénient pour son uti­lisateur : le prix de l’hydrogène. Ce dernier est encore relativement élevé et se situe entre 12 et 15 euros le kilo pour un véhicule léger. "Idéalement, il faudrait des­cendre entre 8 et 10 euros le kilo pour que cette solution soit réelle­ment intéressante pour son consom­mateur", avance la vice‑présidente de France Hydrogène.

 

En plus de la compétitivité écono­mique du moteur, il faut également ajouter la problématique du ravi­taillement. Pour déployer une telle solution à grande échelle, il convient en effet d’installer un réseau d’infrastructures suffisam­ment dense permettant d’assurer le ravitaillement de ce type de véhi­cules.

 

"Les pays membres de l’Union européenne sont par ail­leurs soumis à des quotas de sta­tions à hydrogène à l’horizon 2030. En France, il y a une obligation d’at­teindre 68 stations à hydrogène, dont deux tiers en milieu urbain et près d’une cinquantaine ont d’ores et déjà été installées sur le territoire français", détaille Valérie Bouil­lon‑Delporte.

 

Enfin, certains com­posants spécifiques à cette techno­logie, tels que le réservoir de stockage d’hydrogène qui présente une forme particulière, peuvent également complexifier son inté­gration dans des véhicules légers.

 

Des premières applications sur le poids lourd

 

En 2025, MAN lancera une série limitée de véhicules équipés d’un moteur à combustion d’hydrogène. ©MAN

 

À l’échelle européenne, les régle­mentations sur les émissions de CO2 ne sont pas les mêmes pour les véhicules légers et les poids lourds. En effet, les premiers roulant avec un moteur à hydrogène, comme la réglementation le définit au­jourd’hui, ne seront pas considérés comme des véhicules zéro émission et ne pourront donc pas être ven­dus au‑delà de 2035.

 

En revanche, en ce qui concerne les poids lourds, les normes ont récemment chan­gé et permettent d’envisager une commercialisation de ces véhicules après cette fameuse échéance. "Sur les camions, il y a eu un assouplissement et une reformulation de ce qu’on appelait un véhicule zéro émission. Dès lors, si un camion roulant à l’hydrogène émet jusqu’à 3 g de CO2 par kilomètre et par tonne transportée, il sera considéré comme un véhicule zéro émission et pourra donc échapper à l’interdiction prévue pour 2035, confie la vice‑présidente de France Hydrogène. Les camions ont aussi l’avantage de pouvoir transporter plus d’hydrogène que les véhicules légers. Ils disposent de la même manière de davantage de place pour intégrer certains composants, comme les réservoirs de stockage d’hydrogène par exemple. Cette technologie leur est donc, pour l’instant, nettement plus adaptée."

 

A lire aussi : MAN livrera 200 camions à combustion hydrogène en 2025

 

Certains constructeurs ont ainsi d’ores et déjà commencé à développer leurs premiers camions roulant à l’hydrogène. C’est le cas, par exemple, de MAN qui deviendra en 2025 le premier producteur européen de poids lourds à lancer une série limitée de véhicules équipés d’un moteur à combustion d’hydrogène. Baptisé MAN hTGX, le modèle sera donc produit à 200 exemplaires, pour des clients se trouvant dans un premier temps en Allemagne, aux Pays‑Bas, en Norvège et en Islande.

 

De son côté, Volvo Trucks a également annoncé être en train de développer des camions avec des moteurs alimentés par de l’hydrogène. Les essais sur route de ces camions commenceront en 2026, avant un lancement commercial prévu pour la fin de la décennie. Reste maintenant à voir si le développement futur de cette technologie pourra optimiser son adaptation et son intégration dans des véhicules légers.

 

A lire aussi : Volvo Trucks annonce les essais sur route de ses camions à hydrogène

 

Cependant, le temps est compté face à l'échéance de 2035. Mais une brèche semble s'être dessinée avec la clause de revoyure prévue en 2026 sur le sort des moteurs à carburant de synthèse. D'autant que le législateur européen semble hésiter sur l'agenda de 2035 qui pousse l'essor des voitures électriques a batterie.

 

Or, l'Europe a pris un sérieux retard en matière de batteries et ne maîtrise pas la chaîne de valeur. L'hydrogène, en revanche, permettrait de reprendre un avantage compétitif décisif en constituant une filière. Affaire à suivre…

 

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Alpine mise sur l’hydrogène en compétition automobile

 

©Alpine

 

Présentée sous la forme d’un concept car au Mondial de l’au­tomobile de Paris en 2022, l’Alpine Alpenglow Hy4 est dé­sormais un véhicule démonstrateur roulant. Le prototype, qui embarque un moteur thermique de 4 cylindres de 2 l avec pour carburant de l’hydrogène gazeux et délivre 340 ch, a en effet effectué ses premiers tours de roue le 11 mai 2024, en amont d’un week‑end d’endurance à Spa‑Francorchamps. L’Alpenglow poursuivra ensuite sa tournée de démonstration et se montrera à nouveau lors de la 92e édition des 24 Heures du Mans.

 

Si Alpine s’apprête à lancer sept nouveaux modèles élec­triques d’ici à 2030, à commencer dès cette année par l’A290, la marque sportive du groupe Renault croit tout de même au rôle du sport automobile en tant qu’"accélérateur de déve­loppement de technologies du futur pour la mobilité".

 

A lire aussi : Philippe Krief, Alpine : "Nous arriverons sur le marché américain en 2027"

 

Elle envisage ainsi le moteur à combustion interne alimenté à l’hydrogène comme une solution très prometteuse à la fois pour la course et la route. En parallèle de la version roulant à l’hydrogène Alpenglow, Alpine développe actuellement un tout nouveau moteur V6 spécifiquement conçu pour être ali­menté par ce carburant, avec pour ambition de le faire partici­per aux 24 Heures du Mans 2027.

 

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Ferrari prépare un moteur hybride à hydrogène

 

Le constructeur italien Ferrari, qui doit présenter son premier modèle 100 % électrique en 2025, s'intéresse également à d'autres alternatives. En début d'année, la marque au cheval cabre a, en effet, déposé un brevet pour un moteur hybride alimenté a l'hydrogène. Présenté sous la forme d'une étude portant sur la 296 GTB, ce moteur est un V6 de 2,9 l utilisant un turbocompresseur a entraînement électrique et ne développant pas moins de 663 ch. Si Ferrari n'a pas dévoilé de date pour la commercialisation d'une telle mécanique, le constructeur indique néanmoins être dans une phase d'exploration, "afin de saisir les opportunités qui pourraient se présenter sur le marché".

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