Les futures normes Euro 7 ne sont peut-être pas si indulgentes que ne le laisse croire la Commission
Avec plus de dix-huit mois de retard, la Commission européenne a enfin publié sa proposition de texte pour les nouvelles normes d'homologations des véhicules neufs, Euro 7. Cela concerne l'ensemble des véhicules thermiques : voiture particulière, utilitaire et poids lourd.
"Actualiser et renforcer les limites d'émissions polluantes : les limites seront renforcées pour les camions et les bus, tandis que les limites les plus basses existantes pour les voitures et les camionnettes s'appliqueront désormais quel que soit le carburant utilisé par le véhicule. Les nouvelles règles fixent également des limites d'émission pour des polluants qui n'étaient pas réglementés auparavant, comme les émissions d'oxyde nitreux des véhicules lourds", indique notamment la Commission dans sa présentation.
Plusieurs fois reportée, cette proposition était presque tombée dans les oubliettes, étant complètement effacée par la décision des dirigeants et parlementaires européens d'interdire la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035.
Pourquoi durcir les normes d'émissions de polluants et de particules fines, si les voitures thermiques, neuves, ne sont plus autorisées à la vente ? "Il est en effet curieux de vouloir renforcer les exigences sur une technologie de toute façon condamnée dans un peu plus de dix ans. Sachant que l'entrée en vigueur des dernières normes, Euro 6 D-Full ne date que du 1er janvier 2021", s'étonne Marc Mortureux, directeur de la PFA.
Les normes Euro 7 ne sont effectivement conçues que pour une durée de quelques années puisque leur mise en œuvre n'aura pas lieu avant le milieu de l'année 2025, soit au maximum dix ans, jusqu'en 2035. Un calendrier que n'a pas manqué de mettre en lumière Carlos Tavares, directeur général de Stellantis : "Je ne pense pas que l'Europe ait besoin de l'Euro 7... parce qu'elle détourne une partie de nos ressources de recherche et développement, alors que des concurrents chinois viennent sur notre marché en se concentrant sur la technologie des voitures électriques. Pourquoi utilisons-nous notre énergie pour une technologie que nous voulons interdire ? Cela n'a aucun sens", avait-il déclaré pendant le Mondial de l'automobile à Paris.
Des normes moins strictes qu'envisagées ?
Selon la proposition de règlementation communiquée ce 10 novembre 2022, par la Commission européenne, les émissions d'oxyde d'azote (NOx) pour les véhicules légers (voitures et camionnettes) devront être réduites de de 35 % et de 56 % pour les poids lourds par rapport à la précédente norme Euro 6. Les voitures et utilitaires légers seront soumis à un maximum d’émission d’oxydes d’azote (NOx) de 60 mg/km, et de 500 mg/km pour le monoxyde de carbone. Quant aux particules fines, elles devront être diminuées de 13 % pour les véhicules légers mais de 39 % pour les poids lourds.
Mais au-delà des valeurs, contre lesquelles s'est insurgée l'association environnementale Transport & Environment, la Commission modifie également les conditions dans lesquelles seront testés les véhicules. Les tests en laboratoire persistent bien sûr mais ils seront complétés par des test d'émissions sur route, sensés reproduire les conditions de conduite. "Les valeurs listées semblent ne pas être en profond bouleversement avec les précédentes limites. Mais les conséquences de ces conditions peuvent être très importantes dans la réalité avec des surcoûts qui vont peser très lourds surtout sur les petits modèles qui sont déjà de segments assez critiques. Je dis : Attention à ce côté très caché des exigences, les conditions de respect sont au moins aussi fondamentales que les valeurs en elles-mêmes", poursuit Marc Mortureux.
Il est vrai que les nouveaux tests sont fortement sévérisés avec les "extended conditions" qui posent des cas d'usage extrêmes comprenant des températures allant de -10° à + 45 °, une altitude de 1 500 m et des accélérations brutales sur les deux premiers kilomètres, soit les plus sensibles en terme d'émission, avec un moteur à froid.
De même, tous les véhicules devront se conformer aux règles pendant une période plus longue que jusqu'à présent. La conformité des voitures et des camionnettes sera vérifiée jusqu'à ce que ces véhicules atteignent 200 000 kilomètres et 10 ans d'âge. Cela double les exigences de durabilité existant dans le cadre des règles Euro 6/VI (100 000 kilomètres et 5 ans d'âge). Des augmentations similaires auront lieu pour les bus et les camions.
Vers une hausse a minima de 100 euros par véhicule ?
Avec une inflation galopante, notamment au niveau des tarifs des véhicules électriques, cette nouvelle norme pourrait également renchérir le prix des motorisations thermiques. Thierry Breton, commissaire européen, a cependant réfuté ce risque, évoqué notamment par Luca de Meo, directeur général du groupe Renault dans les colonnes de nos confrères du Figaro : "La norme Euro 6D actuelle permet de réduire énormément les émissions lors du renouvellement du parc. La norme Euro 7 améliorera le niveau de manière très marginale. Mais elle va renchérir le prix par véhicule de milliers d'euros et faire travailler nos ingénieurs alors que nous devrions les mobiliser sur l'électrique".
Sur ce point, là aussi, la PFA est dubitative : "Je suis curieux de voir l'étude d'impact réalisée par la Commission européenne, sur cet impact sur les prix" ajoute son directeur général.
Electrique et thermique logés à la même enseigne pour les particules
Les normes Euro 7 doivent également réglementer les émissions provenant des freins et des pneumatiques. Pour la Commission, ces règles seront les premières normes d'émission mondiales à aller au-delà de la réglementation des émissions des tuyaux d'échappement et à fixer des limites supplémentaires pour les émissions de particules provenant des freins et des règles sur les émissions de microplastiques provenant des pneumatiques. Ces règles s'appliqueront à tous les véhicules, y compris les véhicules électriques.
"Sur le fond, il est légitime de s'intéresser à toutes les émissions mais l'enjeu est fort car les véhicules électriques sont plus lourds, et donc émettent plus de particules issues de l'abrasion des pneus et des freins", précise Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales, techniques et règlementaires de la PFA. Reste à savoir selon ce dernier, si le freinage régénératif, (frein à moteur) apportera moins de frictions sur les disques.
En tant que proposition de la Commission, le texte des normes Euro 7 devra suivre le cheminement des textes européens, à savoir un vote des parlementaires, puis du Conseil avant un trilogue si besoin. Ce qui signifie que la décision finale ne sera pas adoptée avant 2024, soit un an avant sa mise en application.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.