Les droits de douane américains vont accentuer la crise des équipementiers automobiles

L'arbre qui cache la forêt. Pour Jean-Louis Pech, président de la Fiev, pas question de s'abriter derrière la violence des conséquences des droits de douane américains imposés par le gouvernement Trump.
"Les taux imposés par les États-Unis ne doivent pas masquer nos problèmes structurels. Nous avons trop l'habitude de nous cacher derrière des causes extérieures. Or, nous avons en France et en Europe un réel problème de compétitivité industrielle, qui ne date pas d'hier", fait-il remarquer lors d'une conférence de presse.
Des effectifs divisés par deux en moins de dix ans
Le syndicat, qui réunit les industriels fournisseurs des constructeurs automobiles, explique ainsi que plus des trois quarts des industriels ont vu leur chiffre d'affaires baisser ces cinq dernières années. L'enquête menée par la Fiev auprès de ses adhérents met en lumière qu'un quart d'entre eux a vu son activité ralentir de 10 à 30% entre 2023 et 2024.
Résultats : près de dix sites en France pourraient fermer au cours de l'année 2025, selon la FIEV. Depuis janvier 2024, 7 300 emplois ont déjà été supprimés ou sont menacés de l'être. Déjà près de 13 000 emplois, dans la filière, ont disparu entre 2019 et 2024. Les effectifs en France ne sont plus que 56 000 emplois contre 114 446 en 2007.
"Le décrochage de la France est inquiétant. Près de 38 % de la production automobile sur le territoire national a disparu entre 2019 et 2024 pour atterrir à 1,360 million de véhicules", illustre Jean-Louis Pech. "La France n'arrive pas à redécoller et la situation s'aggrave depuis la crise Covid, à laquelle ont succédé la pénurie des semi-conducteurs, la guerre en Ukraine, la flambée des coûts de l’énergie, puis l'inflation."
Menaces sur la production en France et en Europe
Dans ce contexte, la hausse des droits de douane américains ne fait qu'ajouter de "la peine à la peine", selon le président de la Fiev, mais n'est certainement pas l'élément déclencheur. Le cœur du sujet reste le problème de compétitivité. Et la disparition d'une filière de fabrication française dans l’industrie automobile n'est plus à exclure.
Le solde commercial de la branche Équipements pour automobiles s'affiche à moins de 6,1 milliards d'euros à la fin de l'année 2024. Depuis dix ans, la France importe plus qu'elle n'exporte. Et c'est sans compter le secteur des batteries qui peine à émerger sur le territoire et dont le déficit commercial atteint près de trois milliards d'euros.
Promouvoir le made in Europe
Face au manque de compétitivité criant de la production sur le continent, les équipementiers veulent voir dans l'annonce de la Commission européenne de lisser les émissions de CO2 sur trois ans au lieu d'un bilan annuel, une relative bonne nouvelle. Tout comme les différentes annonces du plan d'urgence dédié à l'automobile en Europe. "Mais ce ne sont que des mots. Rien n'est acté et nous sommes dans l'urgence. Selon une étude réalisée par le Clepa, 42 % des fournisseurs automobiles en Europe prévoient d'être non rentables en 2025. Sans action, notre avenir est compromis", prédit Jean-Louis Pech.
Parmi les mesures d'urgence attendues figurent en pole position le retour, au moins dans la moyenne européenne, en matière des impôts de production de 4,5 % du PIB en France contre 2,4 % dans l'Union européenne et 0,9 % en Allemagne. Après une baisse initiée il y a trois ans, ces derniers sont repartis à la hausse, notamment avec les taxes mobilité instaurées par les régions. Le coût salarial français reste également un sujet majeur. La France est le pays européen où le salarié touche le moins et où l'employeur paie le plus, note le président de la Fiev.
Enfin, les coûts de l'énergie pèsent gravement sur les coûts. En Amérique du Nord, le prix de l'électricité atteint 68 euros du MWh, contre 132 euros en Europe.
Mais surtout, la Fiev demande aussi à la Commission européenne d'instaurer un seuil minimal de 75 % à 80 % de "contenu local" européen sur les voitures. Ce serait une condition pour que ces véhicules accèdent aux marchés publics ou aux bonus à l'achat. Il s'agirait aussi de lancer un plan d'investissement européen inspiré de l'IRA américain, avec une réduction des prix de l'énergie et, en France, un allègement des impôts.
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