À Valenciennes, Toyota échappe à la morosité électrique
À Onnaing, près de Valenciennes, Toyota fête la production de sa cinq millionième voiture. Le petit SUV Yaris Cross habillé pour l’occasion d'une robe bleu-blanc-rouge a été spécialement peaufiné par les équipes du design du constructeur japonais à Sophia-Antipolis (06) et peint par l’équipe de l’usine de production.
Pour cette occasion, Marc Ferracci, ministre de l’Industrie, a fait le déplacement, tout comme le premier président de Toyota Motor Manufacturing France (TMMF), Hiroaki Watanabe, le président du conseil d’administration de Toyota Motor Europe, Didier Leroy, et bien sûr les équipes locales réunies autour de Rodolphe Delaunay, l’actuel président de TMMF.
Il est vrai que les bonnes nouvelles ne sont pas légion dans l’industrie automobile en ce moment. Fêter une production en hausse, tout comme l’embauche en CDI de 600 salariés qui, jusqu’à présent, travaillaient en CDD ou en tant qu’intérimaires, change de l’ambiance morose actuelle. À quelques kilomètres d’Onnaing, Arcelor Mittal, fournisseur de Toyota, a annoncé la fermeture de son site de Denain (59).
Mais installé depuis 2001 dans les Hauts-de-France, Toyota n’écoute pas la même musique. Cette année, l’infrastructure nordiste va même s’approcher de sa production maximale avec 286 000 voitures sorties de la ligne d'assemblage, pour une capacité de 300 000. Ce qui fait de cette usine le premier site de production automobile en France.
À Onnaing, ce sont donc 5 000 salariés (dont bientôt 4 400 en CDI) qui produisent chaque jour près de 1 230 véhicules, avec trois équipes. Toutes les 58 secondes, une Yaris sort de la ligne d’assemblage. Dans 75 % des cas, c’est une Yaris Cross. Et 85 % de la production est destinée au marché européen, hors France.
Une production labellisée Origine France Garantie
Mais difficile de réduire l’usine à un site d’assemblage. Ici, on reçoit des bobines d’acier. On emboutit, on produit des pièces en plastique, on assemble et on peint. Et quand Philippe Martinez, ancien secrétaire général de la CGT, veut réduire l’usine à un simple site d’assemblage, c’est tout le management de Toyota qui répond.
Didier Leroy en premier. "Que ceux qui expliquent que nous ne faisons qu’assembler en dernière étape nos voitures viennent se rendre compte sur place", rembarre fermement ce dernier. D’autant que le Yaris Cross vient une nouvelle fois d’obtenir le label Origine France Garantie, qui certifie que 55 % de la valeur ajoutée est produite localement. "Ce sont même 85 % des pièces, en valeur, qui sont fabriquées sur place", précise Nicolas Casier, responsable de l'operational management office du site.
Un modèle de compacité et de flexibilité
Le tout en étant compétitif et bénéficiaire. Car Toyota, le premier, a cru en la capacité industrielle de la région. L’usine sert même d’exemple pour des constructeurs comme Renault qui, installé à quelques kilomètres, à Douai (59), a complètement refondé son processus industriel. Le site Electricity reprend les mêmes codes des installations, très compacts.
"Une usine n’a qu’une part très faible dans le coût de production d’une voiture. La compétitivité se trouve dans un process complètement optimisé et un lissage permanent de la production", ajoute Nicolas Casier. Il est vrai que Renault avait embauché Luciano Biondo, directeur de l’usine de Toyota entre 2016 et 2020. Le reformatage de Douai ressemble d’ailleurs étonnement aux installations de Valenciennes. Ce dernier a également tenté d’implanter un modèle social toujours cité en exemple, y compris par les collectivités territoriales.
Enfin, les relations entre le constructeur japonais et ses fournisseurs servent également de modèles que Marc Ferracci aimerait déployer. "C’est un modèle de relations assez unique en France. Toyota demande à ses fournisseurs comment concevoir ensemble des pièces ou des sous-ensembles pour un prix cible. Ailleurs, nous sommes plutôt dans une relation où le constructeur impose une production à un prix donné. J’aimerais que l’ensemble de l’industrie s’inspire de cette méthode fondée sur l’amélioration continue, mais aussi sur une grande prévisibilité du niveau des commandes. J’aimerais un modèle plus respectueux basé sur la qualité de la relation", a précisé le ministre de l’Industrie lors de sa visite.
Un pari hybride qui paie
Mais selon Didier Leroy, il n’existe pas de secret Toyota. "Il faut juste se remettre en cause et avoir la bonne technologie au bon moment. Car nous ne tombons pas dans les modes", lance-t-il comme un défi face à l’électrification du marché.
Alors que tous les constructeurs sont partis le plus tôt possible sur l’électrique, Toyota reste volontairement dans sa stratégie d’hybride. "Cela ne veut pas dire que nous n’y croyons pas, mais que nous préférons être au rendez-vous au bon moment", poursuit-il.
Et visiblement, ce moment n’est pas encore arrivé. Expliquant que les ressources actuelles en lithium ne permettent pas d’avoir de réelles visions de production après 2030, ce dernier rappelle que la quantité de lithium pour produire la batterie d’un véhicule électrique permet de produire six modèles hybrides rechargeables et 90 versions hybrides. "Le pari sur une seule technologie, qui n’est pas attendue par le consommateur, n’est pas la bonne solution. D’autant que les États européens ne sont pas au même rythme de développement des infrastructures. Il serait plus réaliste de décarboner le parc de 285 millions de voitures en Europe que d’interdire le thermique !", reste persuadé Didier Leroy.
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