Une question d’équilibre
Quand, en 1998, au Mondial de l’Automobile de Paris, Thierry Hecquet découvre pour la première fois l’Audi TT, l’opérateur s’éprend de la marque aux anneaux. Le produit semble taillé pour exercer le commerce auto en jouant sur le ressort le plus important : la passion. Alors lorsque, un an plus tard, on lui retire le panneau Lancia pour l’offrir au concessionnaire Fiat de Rouen puis celui de Volvo pour le donner au distributeur Ford local, son attrait pour Audi se mue en un vif intérêt. D’autant que le Groupe VOLKSWAGEN en est au début de sa stratégie de séparation des marques. Or, à Rouen, le distributeur Volkswagen ne veut pas investir davantage pour Audi. En 1999, Thierry Hecquet saute sur l’occasion. Il signe alors un contrat de 339 véhicules neufs. Son premier avec la marque. D’autres suivront. En 2001, le groupe reprend l’affaire du Havre, puis celle de Dieppe un an plus tard. Avec trois concessions, Thierry Hecquet couvre toute la Seine-Maritime (76). Question d’attaches au pays basque, le distributeur fera une entorse à sa logique régionale en reprenant, en 2006, l’affaire de Bayonne / Biarritz (64) de Jean Loïs.
Avec quatre sites, le groupe a écoulé 1 500 VN Audi en 2010, dont 1 100 sur sa plaque normande. Ce qui place l’opérateur dans le Top 5 des plus importants distributeurs de la marque en France. En moyenne, les sites du groupe se situent 10 % au-dessus de la part de marché nationale de la marque et atteignent ainsi 3 % de pénétration locale. “C’est à ce niveau que l’image et la notoriété des garages parlent”, explique le distributeur. Les affaires du groupe affichent une fidélisation client de 70 %. Utile, quand on doit atteindre des objectifs élevés. “Actuellement, la marque est tellement attractive que 80 % de nos ventes se font assez naturellement. En revanche, pour répondre aux grandes ambitions du constructeur, il faut être très performant pour aller chercher les 20 % restants !”, explique, en effet, Thierry Hecquet.
Dépasser les standards
Depuis quelques semaines, le succès de la marque a eu une incidence inattendue sur ses affaires. Les délais de livraison importants sur le VN ont poussé certains acheteurs à revendre eux-mêmes leur véhicule, faisant ainsi chuter le taux de reprise des concessions et forçant l’opérateur à intensifier ses acquisitions. “Nous manquons de produits”, regrette Thierry Hecquet, malgré ses achats. Avec ses collègues du Conseil de la marque, l’opérateur tente d’ailleurs de rapprocher la structure française du groupement européen pour trouver des solutions en termes d’approvisionnement de véhicules d’occasion. Un secteur clé pour Thierry Hecquet. Dans ses affaires Audi, le VO pèse 33 % du chiffre d’affaires. L’opérateur affiche un intéressant ratio de 1 VN vendu pour 1 VO. Une performance qui tient aussi au soin qu’apporte le groupe à l’activité. “J’estime qu’à partir du moment où l’on vend du VO haut de gamme, on ne peut pas les exposer sur un parking. Il faut des conditions similaires aux expositions VN”, explique le concessionnaire. Tous les sites du groupe ont donc un hall VO couvert. A Rouen, l’affaire expose 70 VO de cette manière. L’opérateur va même plus loin que les préconisations du constructeur en la matière. Avec l’appui d’une agence de communication locale, Thierry Hecquet a personnalisé son showroom occasion. Affichage spécifique, lithographies de Michel Lecomte sur les murs… Le distributeur ajoute sa patte, prouvant par-là que les standards constructeurs ne sont qu’un cadre et ne doivent pas brider l’âme du concessionnaire. Celui-ci a même mis sur pied un corner dédié aux VO sportifs de la marque : le Carré Sport. Une surface qui accueille exclusivement des VO, “RS ou R8”, précise Thierry Hecquet, déterminé à jouer sur le double registre du haut de gamme et de l’émotion. “Notre moteur, c’est le plaisir. Il faut des gens passionnés, aimer le métier, aimer la marque, les produits, et transmettre cette flamme à ses équipes pour que le client la ressente lui aussi”, répète-t-il. “Les standards sont légitimes. Mais cela ne doit pas nous empêcher de faire preuve de bon sens. Nous sommes des commerçants. Oui au process, mais pas au détriment de la relation humaine. Un vendeur peut être tout à fait dans les cordes vis-à-vis des process commerciaux de la marque, mais ne rien transmettre au client. Ce qui ne donnera pas forcément de meilleurs indices de satisfaction. Il faut donc trouver cet équilibre en permanence”, résume le distributeur.
12 millions d’euros investis en quatre ans
Si l’après-vente ne représente que 13 % du chiffre d’affaires (dont 8 points pour les pièces), l’activité représente 50 % du résultat net. Les concessions couvrent ainsi 75 % de leurs frais fixes grâce à cette activité. “Il y a de plus en plus d’improductivité dans nos SAV. Il faut donc trouver des solutions pour rentabiliser nos ateliers.” Ne pouvant pas bouger le curseur sur les taux horaires de manière intempestive sous peine de sortir du marché, l’opérateur mise naturellement sur le service. A Rouen, la concession affiche en permanence 25 véhicules de courtoisie, a étendu son amplitude horaire et multiplie les initiatives pour garder la clientèle captive à l’après-vente et augmenter ses indices de satisfaction. Cela tombe bien, c’est une des priorités actuelles d’Audi. Voilà pourquoi le directeur cherche à améliorer son outil de travail.
Contraintes immobilières obligent - l’affaire de Rouen est en plein centre-ville -, l’atelier est délocalisé à une centaine de mètres du showroom. Celui-ci devrait prochainement subir une refonte complète. Et même un agrandissement. Le service après-vente affichera ainsi 4 000 m2 et 25 postes ! Les travaux commenceront au printemps prochain. Leur coût : 3 millions d’euros. Le prix d’une concession classique, voire deux. Un investissement que Thierry Hecquet devrait pourtant amortir entre douze et quinze ans. En quatre ans, l’opérateur aura investi un total de 12 millions d’euros pour Audi. Un gage de confiance certain. Sans doute plus encore pour un opérateur familial que pour un groupe financier. “Nous le faisons parce que nous croyons en la marque et aussi en nos équipes. Cela n’a de sens que si nous avons les bons hommes pour vendre les bons produits”, explique Thierry Hecquet. Une vision de l’entrepreneuriat qui penche clairement plus vers le commerce que les affaires. “Nous n’achetons pas pour revendre. Avoir une vision à long terme donne la tonalité des relations humaines dans son entreprise comme dans la relation aux clients. Je crois à la convivialité et à la fidélité. Et on ne construit que très rarement sur du court terme.” Tout est dit.
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