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Distribution

TVA intracommunautaire : l’ère du soupçon

Publié le 8 février 2008

Par Tanguy Merrien
19 min de lecture
Nul n'est censé ignoré la loi, et de préférence les gardiens de l'Administration. Dans le domaine de la TVA intracommunautaire, le soupçon s'est instauré comme la règle la plus sûre pour circonvenir le contrevenant potentiel....

...Prospectives.

On sait les rouages des institutions bien souvent pris au défaut de leurs propres systèmes sans qu'il y ait de véritables responsables alors que, paradoxalement, à l'origine, présidaient de bonnes idées, des principes vertueux, et de louables sentiments. Les problèmes liés à la TVA intracommunautaire s'inscrivent d'emblée dans ce schéma : un système est mis en place, il présente des failles, des gens s'engouffrent dans ces failles et l'Etat sanctionne tous les acteurs, certain, ainsi, qu'il ne sera pas dupé. Le jeu a duré assez, les trésoreries ne sont pas payées par nos impôts pour gérer les soupçons, pas plus que les tribunaux ne le sont pour y donner des suites et s'en excuser après. La France n'a pas su statuer - avec ou sans Monsieur Sarkozy comme Ministre et Président - et écrire la loi commune avec ses petits camarades des pays voisins. Retour sur les conditions d'une gabegie.
 

La question des origines

Au départ de cette enquête, l'un de nos articles qui mettait en cause un peu rapidement une association, l'Addema, (Association De Défense Européenne des Mandataires Automobiles) suspectée d'avoir été constituée dans les seules fins d'escroquer le fisc. Une association pointée du doigt avec véhémence par une autre association, celle-ci s'érigeant comme le fidèle et preux défenseur de l'intérêt de l'Etat et des automobilistes et portant le nom ambigu d'Association Automobile Club, ambigu parce que n'ayant rien à voir avec la noble institution de l'Automobile Club dont il semblerait être une émanation. Ambigu également parce que proposant de trouver des véhicules à vendre à ses internautes. Notre propos ne se veut pas un réquisitoire de l'un ou le défenseur du premier mais d'essayer d'y voir clair. Pourquoi "les autorités" dénoncent-elles des fraudes qu'elles ne peuvent pas prouver ? Pourquoi des tribunaux accusent-ils des personnes et des sociétés de tromper le fisc en créant des sociétés écrans ou des associations "de malfaiteurs" ? Pourquoi laissent-ils des "professionnels" de l'automobile régler des comptes via internet sans taper du poing sur la table ? Voilà ce qui nous intéresse pour que la messe soit dite sur l'acquisition des véhicules d'occasion à l'étranger. Et de nous replonger sur la définition première de la loi.

ZOOM

Quelques rappels

  • Véhicules neufs et véhicules d'occasion dans la communauté européenne : Les véhicules d'occasion ont plus de 6 000 km et plus de six mois après la première mise en circulation.
  • TVA sur la marge : Si un négociant français revend un véhicule d'occasion qu'il a acquis auprès d'un fournisseur sis dans un autre Etat membre, il peut appliquer la TVA sur la marge à condition d'avoir une facture de son fournisseur qui a la qualité d'assujetti revendeur ou qui n'est pas assujetti à la TVA. Dans le cas contraire, la TVA totale est due. Attention, l'administration fiscale conserve la possibilité de prouver que le négociant savait que son fournisseur n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de TVA sur marge. (C'est là que le bât blesse en laissant toujours une épée de Damoclès sur la tête de l'acquéreur. Comment prouver, en effet, que le premier propriétaire du véhicule s'est bien acquitté de la TVA dans son pays ou qu'il en était exonéré, etc.)
  • TVA sur véhicules neufs : elle est due en totalité par le particulier acquéreur.
  • Mandataire transparent à l'achat : c'est un intermédiaire qu'un particulier mandate pour trouver un véhicule qu'il souhaite acquérir. Le client paie une commission au mandataire qui est fixée contractuellement et qui est déclarée.
  • Mandataire transparent à la vente : c'est un intermédiaire qu'un professionnel (à l'étranger/pas obligatoirement à l'étranger) mandate pour vendre à un particulier (en France). La rémunération est également une commission, toujours définie à l'avance sur le mandat et facturée au fournisseur).
  • Mandataire opaque : négociant français achetant des véhicules à l'étranger et disposant d'un stock de véhicules qu'il revend selon les règles habituelles du commerce. 
  • Au départ, le règne du flou

    Tout démarre à l'instauration de la septième directive européenne de 1993 sur la TVA et bien sûr de son application par les Etats membres. Il est bien évident que les situations des pays n'étant pas les mêmes, des divergences sont notables et la Commission européenne encourage celles-ci au nom d'une nécessaire équité à défaut d'une impossible égalité. Le principe de base de cette directive, nous explique un parlementaire, est celui-ci : "Quand on paie une TVA sur un produit dans un pays, on n'en paie pas d'autres sur un produit lié à une transaction". La septième directive instituait le fait que les Etats devaient "déclarer les achats qui étaient exonérés de taxes (temporairement ou définitivement) dans leur pays". C'est ainsi que dans certains états, les loueurs, les parcs d'entreprises, les véhicules commerciaux… étaient exonérés alors que ce n'était pas forcément le cas dans d'autres. Les fiscalistes de chaque pays devaient-ils être au courant de toutes ces différences ? Et même le souhaitaient-ils ? Ce qui est dommage, nous rappelle ce parlementaire, c'est qu'à l'origine la septième directive a été fondée sur le principe de soutenir les Etats qui étaient "en retard" économique par la possibilité de les exonérer de taxes leur permettant de s'équiper et de rejoindre les autres. De là les failles gigantesques que des gens peu scrupuleux pouvaient investir sans crainte. Il est à noter à ce propos que là aussi des précautions s'imposent : entre le petit garagiste qui se fourvoie en croyant faire une bonne affaire et de gros faiseurs qui montent des filières ou encore de grands acteurs via des filiales qui écoulent des stocks, il faut raison garder et s'étonner de voir toujours les petits au banc des accusés. Et lorsqu'on sait aussi que des Etats ne sont pas très volontaires pour appliquer les textes, ni forcément regardants sur ce qui se passe chez eux quant aux retombées économiques que cela représente pour leurs régions, la notion de culpabilité sent l'exercice de philosophie.
     

    A la recherche du temps gagné

    Après quelques années de mise en place de la septième directive, un coup d'arrêt brutal est donné l'été 2003 sur l'obtention des quitus (certificats fiscaux) qui permettaient aux acquéreurs de véhicules à l'étranger d'immatriculer leurs véhicules. A noter : "un particulier qui achète un véhicule d'occasion n'est jamais redevable de la TVA. Le redevable légal pour un véhicule d'occasion est toujours le vendeur, jamais le particulier. Et lorsqu'une administration fiscale réclame de la TVA à un particulier, elle n'est pas dans son droit. Ceci est une règle européenne pour le particulier acquéreur d'un VO qui ne peut en aucun cas se faire redresser de la TVA", nous précise Maître Orbillot, fiscaliste et travaillant sur ces questions depuis de nombreuses années. Donc en 2003, des recettes commencent à bloquer les quitus dans l'Ouest de la France (la quasi-totalité des problèmes ont pour origine cette région du pays), puis d'autres s'y mettent à différents endroits du pays sans qu'il y ait de règle commune. On arrive à cette aberration que des recettes des impôts refusent un quitus accepté par d'autres à 20 kilomètres de là. Une note d'information diffusée par la DNEF ("Le négoce automobile européen") avait eu pour conséquence pour les recettes qui en interprétaient le sens ainsi, de refuser le quitus ou plutôt de se déclarer incompétentes pour le délivrer à un particulier qui avait acquis le véhicule à l'étranger. Le motif : celui qui introduit le produit est un étranger, il revenait donc au centre des impôts des étrangers de s'occuper de la question. Des dizaines de quitus sont alors bloquées et l'administration se met en panne. Maître Orbillot, mandaté entre autres par l'Addema, association réclamant ce qu'il fallait faire aux pouvoirs publics, commence par demander si les centres des impôts avaient raison de se déclarer incompétents. En atteste un courrier du 4 mai 2004 adressé à Claude Guéant alors au Cabinet du ministre de l'Economie et des Finances dont voici quelques extraits : "Est-il exact que depuis l'été dernier les recettes des impôts ont reçu des consignes pour que ces "quitus" ne soient plus délivrés dans certaines situations qui ne posaient pas de difficultés auparavant ?"
    Si oui, sur quel fondement légal repose cette nouvelle attitude ?
    (…) Est-il normal que ce soit le consommateur final, le particulier acquéreur du véhicule, qui soit pénalisé par l'Etat Français ? Des milliers de contribuables sont actuellement en situation irrégulière depuis plusieurs mois.
    N'est-il pas exact qu'à partir du moment où le véhicule est d'occasion, au sens fiscal du terme (par opposition aux véhicules neufs : "Au sens du droit communautaire, constituent des moyens de transport neufs les véhicules terrestres à moteur dont la livraison est effectuée dans les six mois suivant la première mise en service ou qui ont parcouru moins de 6 000 km", réponse ministérielle Richet, Sénat, 7/07/2005, NDLR), l'acquéreur final, particulier personne physique non assujetti à la TVA, n'est jamais redevable de la TVA ? "…" La confrontation s'annonçait longue !
     

    Et Nicolas Sarkozy arriva…

    Maître Orbillot fait alors un recours en référé sur quelques affaires pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif. Il obtient gain de cause à Montpellier mais l'administration refuse de s'exécuter : les mandataires le prennent très mal, manifestent à Carcassonne et demandent un rendez-vous auprès du directeur des services fiscaux, rendez-vous qui se passe bien. Le directeur doit voir d'ailleurs dans un très proche avenir le ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Qui tranche. Après avoir lu avec beaucoup d'attention un courrier d'un parlementaire qui s'étonne en ces termes "(…) De plus la caractérisation du document appliqué à cette occasion par les Centres en faisant un écrit non opposable à l'administration, le contribuable est injustement privé de son droit de recours contre un écrit qui méconnaît pourtant deux principes essentiels en matière de fiscalité indirecte intracommunautaire : la notion de territorialité de la transaction taxée qui détermine l'origine de l'imposition et l'incapacité d'un Etat de contraindre un contribuable, hors les dispositifs d'assistance, sur la base d'une présomption de fraude affectant un autre Etat membre. (…)". Ce sont sur ces points que résideront et résident toujours les problèmes liés à la TVA intracommunautaire, on soupçonne un commerce triangulaire de véhicules visant à éviter le paiement de la TVA, on reproche aux acheteurs en France d'avoir organisé le trafic sur ce soupçon et on arrive à des procès qui ne reposent que sur une hypothèse (le suspect devait savoir…) alors que la question des Etats n'est pas abordée et qu'il n'existe pas d'accords entre leurs ministères des impôts ! Nicolas Sarkozy s'en émeut d'ailleurs à cette période dans une réponse du 16 août 2004 qu'il donne à une autre parlementaire de Gironde : "Il m'est agréable de vous informer que les certificats 1993 REC (les quitus, ndlr) seront délivrés sans délai lorsque le particulier, ou un mandataire transparent agissant pour son compte, aura assuré le transport du véhicule d'occasion vers la France. Les services concernés ont reçu instruction, le 22 juin dernier, d'appliquer sans restriction cette décision (…)".  L'instruction dont parle le ministre Sarkozy est une note interne signée Bruno Parent, directeur général des impôts qui est adressée à Madame et Messieurs les délégués interrégionaux, à Mesdames et Messieurs les directeurs. Elle stipule : "Dès lors que le particulier effectue le transport du véhicule en France ou qu'un mandataire transparent s'en est chargé pour son compte sur son mandat exprès, le bien acquis est soumis à la taxe dans l'Etat membre du départ de l'expédition et l'acquisition du véhicule n'est pas soumise à la TVA en France. Cependant, dans certains cas il est apparu que les documents fournis au receveur étaient contradictoires et ne permettaient pas de s'assurer de la régularité de l'opération au regard de la TVA. Les receveurs ont été conduits dans cette situation, conformément aux instructions, à refuser la délivrance du quitus fiscal. En l'attente d'un éclairage du Conseil d'Etat sur la possibilité de l'administration de refuser la délivrance des quitus fiscaux (…), il est décidé d'accorder sans restriction, jusqu'à nouvel ordre, la délivrance des quitus fiscaux aux particuliers correspondant expressément au cas visé dans la présente note". En clair, il fallait désengorger les trésoreries prises en étau entre les particuliers, leurs avocats et l'absence de textes précis. La référence au Conseil d'Etat en est une preuve manifeste, la question n'est pas l'application d'une mesure fiscale mais le respect à la fois des droits des particuliers et à la fois des mesures européennes. Derrière le mot "contradictoires" se traduit encore le soupçon : des véhicules ont été achetés à l'étranger et on ne peut pas savoir si la TVA a réellement été payée dans le pays vendeur. Mais on ne peut pas prouver non plus que l'acquéreur français est un "escroc" à la TVA. Il y en a sûrement, et alors ? Peut-on se permettre de bloquer des quitus, de renoncer aux droits des individus sur une simple présomption… de culpabilité ? C'est là l'embarras du ministère et l'origine du renvoi vers le Conseil d'Etat. Autre problème majeur, celui de la complexité des textes qui conduisent des mandataires transparents ou même opaques ainsi que des particuliers à commettre des erreurs de procédures. L'Addema reprend alors du service pour expliquer comment il faut faire, sa présidente sera même "expert" ("interlocuteur de la profession auprès des services fiscaux de la législation à Bercy") aux yeux de l'administration fiscale pendant que Maître Orbillot épluche des dizaines de dossiers pour s'assurer qu'ils sont conformes à la loi.

    3 QUESTIONS À

    PATRICK BAILLYdu CNPA.

  • Journal de l'Automobile. Pourquoi pense-t-on toujours à la fraude quand on évoque la TVA intra-communautaire ?
  • Patrick Bailly. Le souci sur la TVA intra-communautaire, c'est de savoir comment un VO qui ne paie pas la TVA lors de sa mise en circulation se retrouve net de TVA après s'être "baladé" dans deux ou trois pays ? Il y a une fraude quelque part, mais pas en France. C'est là que se situe le véritable problème. Nous avons alerté les ministères concernés à ce sujet. Malheureusement, cela n'avance pas. Tout le monde connaît le mécanisme, mais cela ne bouge pas. Parce qu'il faudrait pour cela que tous les pays en prennent conscience.
  • JA. Les constructeurs profitent-ils de cette situation, sont-ils "complices" indirectement ? Et les professionnels indépendants ?
  • PB. Je pense que les constructeurs ne sont pas complices. Il y a quand même un vrai risque, une vraie fraude. Ils n'ont aucun intérêt à faire cela. Quant aux indépendants, les vendeurs importants sont désormais très attentifs en la matière. Ils ont pu se faire berner voilà quelques années mais plus aujourd'hui. Il y a trop de risques pour qu'ils se permettent d'être laxistes. Seules quelques officines douteuses ferment les yeux.
  • JA. Comment se présente l'avenir sur ce sujet ?
  • PB. A mon avis, ce sera encore très long pour régler ce problème. Les pays n'ont pas forcément envie qu'on mette le nez dans leur fiscalité. Il faut, cependant, réellement apprécier les volumes en question.Je pense qu'on parle plus que de raison à ce sujet. L'automobile est le seul produit où l'on paye la TVA dans le pays où on l'utilise et non dans celui où on l'achète (c'est uniquement vrai pour le véhicule "neuf" NDLR). Je pense qu'il faudrait aussi que ça change à ce niveau. Là encore, je crains que ça n'évolue que très lentement. C'est un problème complexe.
  • Du marigot au Conseil d'Etat

    Face aux mécanismes complexes de l'acquisition des véhicules d'occasion, les négociants VO restent groupés. Il y a aussi une autre raison. En voulant obtenir des renseignements précis et en confrontant leurs actions, les négociants se sont aperçus que nombre d'entre eux ne travaillaient pas correctement, que leurs documents n'étaient pas assez renseignés alors que les bonnes intentions étaient là. Ce qui explique que l'association Addema devient plus importante, élabore des règlements, embauche une secrétaire et indique les méthodes légales à suivre. Pour les dossiers les plus complexes, elle invite les mandataires à prendre des avocats. Du coup, nombre de dossiers obtiennent des quitus par l'administration fiscale, plusieurs mandataires bénéficient de dégrèvements et même d'excuses de l'Etat. Il est vrai aussi qu'il ressort de nos différents entretiens que le manque de formation, d'informations et de concertation des agents du fisc énerve et les négociants, et les avocats et… les agents ! Les bons résultats obtenus par une association de quelque 90 membres ne manquent pas d'agacer moins l'administration fiscale (encore le soupçon) que d'autres professionnels qui voient des concurrents reprendre du service. L'administration fiscale s'émeut toujours des fameuses "ventes triangulaires", par exemple des véhicules achetés HT en Allemagne par des sociétés espagnoles et revendues en France chargées seulement de la TVA sur la marge. De là à faire croire que l'association Addema ait été un repère d'escrocs, il n'y a qu'un pas que franchissent certains détracteurs, eux-mêmes proposant sur leur site d'acquérir des véhicules au nom de la défense des intérêts de tous. Le procédé paraît étrange. A qui profitent les protestations de bons sentiments citoyens ? Ce qui ressort de cela, une fois de plus, c'est que le soupçon de fraude devient une véritable maladie de l'Etat. Qu'il y ait des fraudeurs en France est certain, (qu'il y ait des gens malhonnêtes partout est encore plus sûr), et qu'il y ait une difficulté officielle de l'administration française à régler le problème est une évidence. Dans nombre de conclusions qui ont été prononcées par les tribunaux, il est stipulé que l'administration fiscale ne peut refuser un quitus ou (redresser un professionnel) au seul motif qu'elle soupçonne une vente triangulaire, il lui faut donc attaquer la société espagnole, ou retrouver le vendeur allemand, par exemple. Mais rien n'est prévu à cet effet. D'ailleurs, plusieurs dossiers ont permis de mettre en évidence la solidité et la fiabilité de sociétés espagnoles ayant pignon sur rue et ayant la bénédiction de l'administration fiscale espagnole pour un commerce régulier et normal. La France, en bloquant les quitus, empêche la libre circulation des biens dans la communauté européenne, en souhaitant le bien des fiscalités de tous, un comble ! Comme le souligne Fabien Orbillot "depuis la septième directive, le soupçon de l'administration fiscale se porte sur l'intermédiaire qui fait de la TVA sur marge alors qu'il ne le devrait pas. Or, elle s'attaque à celui qui est en France sans essayer de savoir pourquoi cela se passe ainsi. Tout cela a été possible parce qu'il y avait eu des négociants éphémères, qui faisaient des opérations sur du court terme, des négociants qui n'étaient pas résidents ou mélangeaient les statuts entre mandataires opaques et mandataires transparents. Maintenant, le ménage a été pratiquement fait." Maître Orbillot va même plus loin en disant : "S'il y a soupçon, que l'administration intervienne, interdise mais ne condamne pas sur un soupçon. Si elle estime que c'est un schéma à risques, elle peut avertir, dire attention, nous sommes dans un schéma que nous soupçonnons de fraude. Il y a trop eu de contentieux qui ont porté sur des mandataires opaques que l'administration avait laissé travailler pendant des années. Le Conseil d'Etat a statué en privilégiant l'apparence. Les acheteurs français doivent certifier que le négociant étranger a payé la TVA sur la marge et montrer la facture qui mentionne que le VO a été acquis en 7e directive avec TVA sur marge. Si vous avez ce document, la jurisprudence vous est favorable parce que rien ne permet de mettre en doute le bien fondé de l'écrit." En revanche, vous devez être particulièrement attentif à l'origine des biens, à la préparation des documents, à la certification de la facture, etc., mais l'administration fiscale (ou plutôt des concurrents influents) ne devrait pas vous traîner devant un tribunal pour escroquerie si d'aventure il y avait litige : l'escroquerie consiste à se faire payer quelque chose alors que ne pas payer la TVA est tout autre chose. Il faut faire attention à ce qu'on écrit à des négociants pour leur faire peur, ou sur son site internet : la délation est un sport dangereux !

    Et même les constructeurs…

    Même les fabricants d'automobiles se trouvent confrontés au problème. Dans un courrier adressé dès 2003 par Gérard Charasse, député de l'Allié à Monsieur Lambert (Ministre délégué au Budget et à la Réforme Budgétaire), il est mentionné à titre d'exemple ce propos étonnant : "La faible intégration des moyens de contrôle des pays de l'Union conduit naturellement à des fraudes. Il arrive, par exemple, que ne soit pas mentionné un régime spécial de TVA en vigueur dans le pays de provenance - pour les véhicules à usage professionnel, taxi ou véhicules de location par exemple - et que revendu d'occasion, ce dernier soit immatriculé en France sans avoir été soumis à un régime de TVA. Il arrive également que les constructeurs nationaux pratiquent, à l'exportation vers des pays particuliers, des prix de vente aux réseaux de distribution très bas et maintiennent sur notre sol une partie de ces véhicules qui, provenant en théorie seulement de l'étranger, échappent néanmoins à la TVA en Europe". Un autre parlementaire s'étonnait également de la différence entre le nombre de véhicules produits et ceux qui s'achètent… le marché n'absorbant pas tout. Sans entrer dans une quelconque polémique, il convient de mettre en lumière une absence de prise de décision politique ferme et précise quant au problème de la TVA intracommunautaire. Bien que l'on sache que la fraude est possible par l'ignorance des Etats sur les cas particuliers de hors taxes, que soutenir des Etats par des conditions particulières en exonérant de taxes certains produits soit une bonne chose en soi, il est devenu nécessaire que des règles strictes soient mises en œuvre afin que tout le monde puisse travailler en bonne intelligence aussi bien du côté de l'administration fiscale que des négociants VO ou enfin des particuliers. Parce qu'acheter des véhicules à l'étranger, une fois pour toutes, est légal ! Qu'enfin, l'ère du soupçon laisse la place à la réalité des faits et torde le coup aux idées reçues comme aux faux justiciers qui respirent trop la mauvaise foi pour être crédibles.

    Photo : Les problèmes liés à la TVA intracommunautaire s'inscrivent d'emblée dans ce schéma : un système est mis en place, il présente des failles, des gens s'engouffrent dans ces failles et l'Etat sanctionne tous les acteurs, certain, ainsi, qu'il ne sera pas dupé.

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