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Distribution

Réseau Jaguar Land Rover : tensions exacerbées

Publié le 15 mai 2020

Par Alice Thuot
5 min de lecture
Si les dissensions ne sont pas nouvelles entre le groupe Jaguar Land Rover et son réseau, la crise n'a fait qu'aggraver les choses. Les distributeurs tapent du poing sur la table et attendent de pied ferme des évolutions.
"JLR est autant dans la panade que son réseau. Il ne nous donne rien car il n’a rien à nous donner", explique une concessionnaire français.

 

Le réseau Jaguar Land Rover n’en peut plus : c’est en somme le message des distributeurs. "L’ambiance est tendue depuis quelques mois, et plus particulièrement, depuis la crise des gilets jaunes", admet Arnaud Duffort, président du groupement des concessionnaires. Pourtant, la réaction du groupe anglais à l’arrêt de l’activité, a été à priori gérée de façon correcte, selon le réseau. Tandis que les primes liées aux objectifs du T1 et T2 ont été automatiquement accordées, ce qui est effectivement loin d’être le cas chez toutes les marques, dès le 17 mars, JLR a travaillé avec sa captive sur le report des échéances. Reports certes.. mais avec des intêrets et à des taux jugés élevés par le réseau. "Le groupe n’a tout simplement pas eu les moyens de subvenir à nos besoins", constate un investisseur. En témoigne aussi la facturation de pièces de rechange, qui, elle, n'est pas arrêtée.

 

En parallèle, l’action du groupe britannique sur le volet des politiques commerciales est jugée efficace par les investisseurs. "Cela fait deux mois qu’un travail sur les stocks a été entrepris afin de préparer l’entrée en vigueur du cycle WLTP. La marque a procédé à des actions commerciales extrêmement performantes pour déstocker", souligne Arnaud Duffort. Au menu : des offres avec des loyers à taux préférentiels ou avec six mois de loyer offerts, permettant à un acheteur d’aujourd’hui de ne payer qu’à partir de 2021. Un sentiment partagé par ce distributeur : "Sur les points des politiques commerciales et des objectifs, le constructeur a effectivement été droit", conclut-il. Le bilan de la gestion de cette crise est en demi-teinte pour cet autre investisseur. "Il y a eu un accompagnement certes, mais il ne s’est pas fait gratuitement. Le point positif est que nous bénéficions effectivement d’un puissant plan commercial. C’est clair, et sans entourloupe", conclut-il.

 

Tensions ante-crise

 

Mais d’ou vient donc la colère sourde du réseau JLR ? Les problèmes semblent plus profonds, et surtout, antérieurs à la crise actuelle. "Ça n’allait déjà pas avant, alors évidemment, la crise n’a rien arrangé, résume ce concessionnaire. Nous sommes dans une situation où un groupe automobile, déjà fragilisé par des ventes en constant recul partout dans le monde et surtout en Chine, a dû encaisser l’impact de la crise actuelle", souligne un investisseur. Sans oublier la tempête nommée Brexit, déjà passée auparavant, dévastatrice pour un groupe dont une bonne partie de la production européenne dépend du Royaume-Uni. Une situation passagère pour Arnaud Duffort qui souligne l’arrivée prochaine dans la gamme de nouveaux modèles chez Jaguar, les F-Type et XJ, et du côté de Land Rover, des versions hybrides rechargeables sur les Discovery et Evoque, bien placés, selon le président du groupement.

 

Les distributeurs eux, ne partagent pas cet optimisme. "Le désespoir du réseau vient de ce qu’ils ont à vendre… ou plutôt ce qu’ils n’ont pas à vendre ! Nous n’avons pour le moment qu’un Defender et son énorme malus. Nous n’avons rien qui correspond aux besoins des consommateurs" souligne ce concessionnaire pour qui l’hybride est loin d’être la solution à toutes les attentes des clients. "Land Rover tient par son image, son capital sympathie mais pour combien de temps ? Jaguar était déjà bien en difficulté, avec une dégringolade de ses immatriculations. Aujourd’hui on ne voit pas bien comment cela pourrait s’améliorer", constate un autre membre du réseau. Sans compter que le flou demeure au niveau de la production. Le prolongement du confinement au Royaume-Uni n’arrange effectivement pas les affaires du groupe. "En bref, le constructeur est autant dans la panade que son réseau. Il ne nous donne rien car il n’a rien à nous donner", constate, dépité, ce concessionnaire.

 

 

La communication, gros point de divergence

 

D'autres points cristallisent la colère du réseau. Le problème selon Arnaud Duffort : le manque de pouvoir de la filiale française, trop dépendante de l’Europe et du monde "Les relations sont bonnes avec le patron de la marque en France. La filiale France a des combats à mener avec son réseau", précise-t-il. Parmi eux notamment, l’orientation du marketing et de la communication. "Nous devons améliorer les actions marketing non pas locales mais nationales. La communication n’est pas orientée tel que nous l’imaginons : nous souhaiterions davantage de communication sur la marque et non les produits. Nous devons capitaliser sur ces marques, fortes, en termes d’images et qui profitent d’une bonne réputation et de clients fidèles", explique Arnaud Duffort pour qui le nerf de la guerre tient bien dans la politique marketing. "Nous ne pouvons plus communiquer de la même façon." Un point sur lequel le groupement travaille régulièrement. Les distributeurs sont d’accord avec cette constatation. "La marque n’écoute pas le terrain, alors que le réseau est  constamment au contact avec les clients. Il y a une véritable déconnexion et un désaccord profond sur ce point. Pourtant, le constructeur ponctionne des frais marketing à son réseau. Ce système ne peut plus durer"

 

Si ce volet communication concentre le mécontentement du réseau, il n'est malheureusement pas le seul comme l’illustre un investisseur. Autre point de désaccord majeur : la pression mise sur le niveau de standards demandé. "Certes, tous les constructeurs ont des standards, mais chez JLR, ils sont élevés, voire intrusifs et conditionnent les marges. Le constructeur a-t-il le droit d’exiger la place précise de tel véhicule dans nos halls ? Ce sont des choses que nous ne pouvons plus admettre aujourd’hui, le groupe s’accroche à de vieilles problématiques ", s’insurge-t-il. Des inquiétudes de plus en plus fortes, qui se sont soldées par un ultimatum posé par le réseau au constructeur. "Nous leur avons écrit pendant la crise pour leur signifier que les choses devaient bouger", explique ce concessionnaire qui attend impatiemment un mouvement de JLR dans les prochaines semaines.

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